Homélies de Janvier à Juin 2016



Dimanche 26 juin : Fête de l’école Ste Thérèse

1 R19, 16b. 19-21 : L’appel d’Elisée

Ps 15

Ga 5, 1. 13-18 : Liberté et charité

Lc 9, 51-62 : Mauvais accueil d’un bourg de Samarie

 

Voilà, traditionnellement nous voici rassemblés dans cette église le dernier dimanche du mois de juin pour célébrer le chemin parcouru à l'école.

Mais aussi, au niveau de tout notre diocèse, le dernier dimanche, c'est aussi la fête diocésaine car nos saints patrons du diocèse sont Saint-Pierre et Saint-Paul.

Alors, généralement, Bar sur Aube fait un peu de résistance à tous les événements diocésains du dernier dimanche du mois de juin parce que l'école Sainte Thérèse fait concurrence.

Mais ça n'est pas grave puisqu'une partie de notre communauté (je le sais), va se rendre à Troyes pour ce midi et cet après-midi, car en ce dimanche 26 juin il y a une étape importante dans le cadre de notre Eglise, du jubilé de la miséricorde.

 

Qu'à cela ne tienne, on va se mettre à l'école de l'Évangile d’aujourd'hui et puis nous allons essayer d'extraire quelques perles pour chacun : alors les petits mais aussi les grandes personnes, que nous soyons d'ailleurs membres de cette communauté paroissiale ou que nous soyons membres de cette communauté de l'école.

 

Jésus, son projet, c'est d'éduquer la liberté spirituelle, la liberté spirituelle.

Ça n'est pas d'apprendre à des disciples à écrire, à compter, à lire, mais plutôt à grandir dans cette liberté.

Alors, ce n'est pas une chose simple, car lorsque l'on voit, ou lorsqu’on entend ce récit de l'Évangile : Jésus qui quitte les terres basses de Jéricho et qui monte vers Jérusalem, nous voyons que lui, est infiniment libre de monter à Jérusalem et de faire le don de lui-même, mais il rencontre sur sa route un certain nombre de personnages qui le sont un peu moins, libres.

 

Alors, nous avons quatre catégories de personnages :

une catégorie de personnages (d'ailleurs, ce sont ses disciples) qui vont dire : "Seigneur, Seigneur, (devant la résistance que Jésus rencontre) veux-tu que nous fassions tomber le feu du ciel sur la terre pour punir ceux qui ne t'accueillent pas".

La deuxième catégorie de personnages, c'est cet homme qui dit : "je te suivrai partout" mais qui finalement, manifestement, n'a pas pris la peine de s'asseoir pour vérifier s'il avait les moyens de suivre Jésus partout.

Nous avons cette troisième catégorie de personnages qui impose un délai dans sa réponse.

Manifestement cette troisième catégorie n'est pas plus libre que les deux premières : "oui, je viens, mais d'abord, permets que j'enterre mon père"

et la quatrième catégorie de personnages impose aussi un délai et dit au Seigneur :"eh bien, permets que je fasse mes adieux".

 

Alors Jésus, lui qui est l’être libre par excellence, est celui qui nous permet de le devenir, révèle à chacun, ses retards, ses manques de liberté, ses obscurités et ses brouillards.

D'autant que Jésus, dans son parcours vers Jérusalem, ne vient pas juger les êtres.

Il ne dit pas : "toi qui veux faire tomber le feu du ciel, ce n'est pas bien, le feu du ciel tombera sur toi.

Toi qui imposes un délai dans ta réponse, ce n'est pas bien, tu n'iras jamais au ciel.

Toi qui n'a pas pris la peine de regarder si dans ton cœur que tu avais les moyens d'aller jusqu'au bout avec moi, eh bien, jamais de la vie tu ne parviendras au bout avec moi".

 

Jésus ne vient pas juger et condamner mais on peut d'abord constater que lui, est en proie à une certaine solitude.

C’est l'homme libre par excellence, pas toujours accompagné par ceux et celles qu'il voudrait, mais que seul, lui, peut nous aider à dissiper ces brouillards, ces incertitudes, ces obscurités qui nous empêchent d'être pleinement libres.

Alors, je ne sais pas si vous avez remarqué, mais dans ces quatre catégories de personnages, les deux premières sont comme (on pourrait dire) présomptueuses.

Ces personnages sont présomptueux : ils surestiment leurs capacités.

La première catégorie en faisant tomber le feu du ciel s'imagine être à la place de Dieu.

La deuxième catégorie de personnages imagine avoir une force incroyable et les deux catégories suivantes (troisième et quatrième) sont un peu timorées, un peu peureuses, un peu l'excès inverse.

Ce sont ceux qui imposent du délai : "oui, mais".

Mais, c'est le mais qui compte.

Peut-être que cela peut faire miroir pour l'un ou l'autre : tantôt excessif, tantôt un peu timoré, peureux.

Mais rien ne peut prendre la place de la grâce ou la puissance de Jésus pour dissiper ces brouillards et ces manques de liberté.

Et c'est cela qui va compter dans notre dimanche, aujourd'hui, dans cet accueil de l'Évangile, car seul, Jésus peut nous aider à faire se dissiper ces brouillards qui nous empêchent d'être vraiment libres dans notre construction personnelle.

 

Notez, que ça n'est pas une longue expérience professionnelle ni même un immense bagage intellectuel qui peut permettre à des êtres d'être libres, de cette liberté spirituelle dont Saint-Paul parle dans la lettre aux Galates et dont Elie dans la première lecture est un modèle.

C'est plutôt un accueil réaliste et humble de nous, par nous, de ces brouillards qui demeurent à l'intérieur de notre cœur et qui nous empêchent d'être déterminés à la façon de Jésus.

Et cet accueil humble de ces brouillards peut ensuite nous permettre de choisir le Christ, l'aimer et le suivre.

 

Alors si je fais un tout petit excursus par rapport à l'école : dans les statuts de l'enseignement catholique en France, depuis 2013, il est redit que la personne, la personne est placée au centre du projet éducatif.

Alors la personne, c'est un être en devenir, en chemin (comme Jésus est en chemin et il invite chacun à l’être) un être en devenir, qui peu à peu s'ouvre à la connaissance de lui-même grâce aux autres.

C'est la raison pour laquelle dans l’enseignement catholique, ce n'est pas demain la veille que l'on aidera des jeunes à grandir en les laissant devant l'écran de l'ordinateur du matin jusqu'au soir.

C'est plutôt l'interaction avec les autres qui va permettre à ces élèves de grandir jusqu'à ce qu'ils découvrent ces brouillards qui demeurent en eux et jusqu'à ce que ces brouillards viennent peu à peu se dissiper.

 

Ce projet engage l'élève mais il engage vous, les parents, il engage les professeurs, il engage les partenaires de l'école : l'OGEC, l'APEL, et il va engager les enseignants à la retraite qui parfois réapparaissent dans l'école pour aider et il engage aussi les personnels non enseignants qui travaillent à l’école, qui n'ont pas les élèves devant eux en classe, mais qui parce qu’ils vont préparer à manger, ou ils assurent l'étude, ont un réel impact sur les élèves pour les aider à grandir et à faire ce chemin de la croissance de leur liberté personnelle.

 

Alors, la directrice Laure, qui a parlé deux fois (elle a fait le mot d'accueil et la deuxième lecture), au nom de l'évêque et en son nom propre, a pris sa juste place pour conjuguer toute cette matière brute, non pas pour jouer le rôle de Jésus mais pour conjuguer cette matière brute et faire en sorte pour que ça se passe plutôt pas trop mal, de façon à ce que ensuite, la mayonnaise puisse prendre, et que peu à peu les portes s'ouvrent, les brouillards se dissipent et des chemins s'ouvrent.

 

Pour notre communauté paroissiale, c'est une vraie chance.

C'est une vraie chance d'avoir une communauté éducative.

Ce n'est évidemment pas le cas de la majorité des paroisses.

Et pourquoi c'est une chance ?

Eh bien parce que ça nous permet aussi de vivre cet idéal de Jésus, de mettre l'enfant au centre et de rappeler aux grandes personnes que ce projet de croissance vaut aussi pour les grands.

Alors, on a l'habitude de dire : "les enfants vont à l'école, les grands n’ont plus rien à apprendre".

Eh bien, c'est faux, on le sait bien, normalement avec l’expérience.

Mais ça nous rappelle à nous, communauté paroissiale, que sans être à la place de l'école,nous aussi nous avons à apprendre, à continuer à apprendre.

Et cette fois-ci notre Maître, c'est le Christ.

Alors, en ce dimanche, nous renouvelons tous ensemble (je l'espère tout du moins) notre volonté, notre détermination à grandir dans notre liberté personnelle en nous mettant à la suite de notre unique Maître : Jésus.

 

Amen. 


Vendredi 24 juin : naissance de St Jean-Baptiste

Is, 49, 1-6 : Deuxième chant du Serviteur

Ps 138

Ac 13, 22-26 : La prédication de Paul devant les Juifs.

Lc 1, 57-66.80 : Naissance de Jean-Baptiste et sa circoncision.

 

Dans les actes des Apôtres, on rapporte cette parole de Paul à propos de Jean, Jean qui aurait dit : "Ce que vous pensez que je suis, je ne le suis pas. Mais le voici qui vient après moi et je ne suis pas digne de retirer les sandales de ses pieds".

Des paroles que l'on entend, à peu près semblables, dans les Évangiles.

 

La nativité de Jean-Baptiste anticipe un événement que l'on va revivre pendant le temps de l'Avent (on va refaire mémoire de la naissance de Jean-Baptiste), et cette naissance de Jean-Baptiste elle-même, anticipe l'événement de la naissance de Jésus.

Alors, c'est une grande joie.

Cette liturgie insiste très fort sur la joie de la naissance de Jean-Baptiste parce qu'il annonce la naissance de Jésus.

 

Pourquoi faisons-nous mémoire de ces naissances annonciatrices alors que, ça y est, Jésus est né une fois pour toutes, (et c'est la raison pour laquelle nous sommes réunis)?

C'est précisément parce qu'il est compliqué, toujours, dans nos communautés, comme dans notre foi la plus personnelle, de tourner régulièrement les pages de notre livre de vie.

Et ces naissances annonciatrices (surtout celle d'un précurseur), c'est pour nous redire : la lumière, elle n'est pas dans notre dos ; la lumière, elle est devant nous.

Osons tourner la page qui convient, dans notre livre personnel et communautaire.

 

C'est la grande question de la succession ou de la transmission.

La transmission de la foi reçue par ceux qui étaient derrière nous, en faveur de ceux qui sont devant nous.

C'est la question de la succession des responsabilités et des trésors que nous portons.

C'est toujours une aventure un petit peu anxiogène, douloureuse parfois, parce qu'il y a comme une petite mort.

Et c'est bien de cette façon-là (alors, tout le monde meurt évidemment), que Jean-Baptiste va mourir, même prématurément, la tête coupée.

Il y a quelque chose qui relève du martyre (c'était le cas de Jean-Baptiste), mais de douloureux, de devoir passer la main ou de communiquer le témoin à d'autres, après nous.

 

Et c'est ce qu'il s'est passé au tout début de la vie chrétienne.

On dit aujourd'hui que c'est une grande joie.

Mais, entre Juifs et Juifs convertis au christianisme, ça n'allait pas de soi.

Et Jésus n'a pas été Sauveur pour tout le monde, il a été aussi ennemi (nous le savons) : ces pharisiens, ces docteurs de la Loi, ces grands chefs des prêtres n'ont pas accueilli Jésus comme la lumière, et celui qui était la joie.

Les tous premiers siècles du christianisme, les chrétiens ont fait la découverte que, effectivement quelque chose de neuf, d'exaltant, (qui prenait sa source dans la foi au Dieu de l'Alliance), cet événement tout particulier avait besoin de se communiquer aux générations suivantes, notamment à ceux qui n'ont pas connu Jésus.

Et puis ensuite, de siècle en siècle, la grande aventure de l'Eglise : c'est de transmettre aux suivants ce que nous avons reçu par ceux qui nous précédaient.

 

La fête de la naissance de Jean-Baptiste précurseur, c'est la fête de la transmission.

Une communauté se réjouit qu'elle puisse transmettre ce qu'elle a reçu, même si c'est un peu douloureux, même si parfois, il nous faut quitter telles habitudes ou telle prérogative personnelle ou communautaire, (ça n'est pas une mort, c'est peut-être ressenti comme tel), mais cette liturgie, dans l'eucharistie nous invite à dépasser cela, pour tout simplement nous dire : cette lumière, elle est devant nous et pas dans notre dos.

C'est aussi une façon d’accueillir cette énigme du mutisme de Zacharie : il faut appeler son fils comme le père, et tant qu'il ne reconnaît pas qu'il s'appellera Jean, eh bien le voici muet.

Il décide alors d'obéir au songe et il va l'appeler Jean.

Il va rompre avec cette espèce de tradition familiale séculaire : ça ne sera pas Zacharie, ce sera Jean.

Voici qu'une page se tourne.

Ça ne veut pas dire que Zacharie meurt en enfer, mais Zacharie donne aux générations suivantes celui qui va être, effectivement, le précurseur.

 

Réjouissons-nous alors, comme cette fête nous y invite et demandons au Seigneur de nous aider à faire ces petits pas, les uns, les autres et tous ensemble, qui conviennent pour aller dans l'allégresse et assez librement vers notre avenir.

Amen.


Mercredi 22 juin

2R 22, 8-13 ; 23,1-3 : Découverte du Livre de la loi et lecture solennelle de Loi

Ps 118

Mt 7, 15-20 : Les faux prophètes

 

Les loups voraces déguisés en brebis sont des vérités bien présentes dans les relations interpersonnelles au quotidien et en effet, des personnalités qui peuvent être perverses et qui viennent finalement faire beaucoup de mal.

Ça n'est peut-être pas exclusivement ces gens-là dont parle Jésus.

 

Peut-être cela vaut-il la peine de s'intéresser davantage à ces fameux fruits dont il est question dans l'Évangile.

Il me semble que l'on peut résumer de plusieurs façons ce que sont des beaux fruits.

La première façon, ce sont les fameuses vertus : foi, espérance et charité.

Une autre façon, ce serait de dire : "des beaux fruits (ce que nous sommes appelés à être, nous avons compris), les beaux fruits ce serait un cœur qui ne soit ni mou ni dur, ni inconsistant ni blindé ; car n'oublions pas, comme disciples de Jésus, nous sommes attachés à l'impératif de l'amour et que, sous prétexte d'amour, nous pouvons être très mous, très inconsistants et être les premiers à souffrir et finir par faire souffrir d’autres ; ou tout l'inverse, être extrêmement durs et rigides, exigeants et de la même façon finir par se faire souffrir soi-même et faire souffrir les autres.

 

C'est une affaire fort délicate, et les beaux fruits se situent (me semble-t-il) entre les deux : un cœur qui va être capable de justice et de justesse.

Et pour le coup, la petite antienne que nous avons entendue, lue par Nicole à l'instant : "demeurez en moi comme moi en vous", nous rappelle que la fécondité du Christ, c'est sa façon de demeurer en son Père, dans sa mission ; accueillant ceux et celles que le Père attire à lui et remettant tout entre les mains de son Père.

C'est de cette façon que Jésus parvient à être comme un rocher, même si ce rocher est battu par les vents et les flots.

Il demeure stable, sans jamais nécessairement se protéger de ces vents et ces flots, car sa solidité demeure dans ses propres fondements. 


Alors, il peut en être de même pour nous et c'est la proposition de salut que nous fait Jésus : si nous nous enracinons dans ce visage du Père qu'est le Christ, alors nous avons comme viatique ou comme porte pour accéder à ce fondement, nous avons la parole de Dieu.

 

Et pour le coup, là, également, la première lecture dans le deuxième livre des Rois, nous montre la place toute grande que peut prendre l'Ecriture dans notre vie, sans en avoir une lecture savante, sans chercher nécessairement à décrypter tous les mystères académiques, mais en cherchant quelques perles qui se révéleraient à nous-mêmes, parce que nous aurions dans notre cœur, comme dans un creuset, à la fois la mémoire de ce qui nous fait vivre et en même temps, l'accueil de ce trésor qui viendrait le féconder.

Amen.


Dimanche 19 juin

Za 12, 10-11a ; 13,1 : Délivrance et renouvellement de Jérusalem

Ps 62

Ga 3, 26-29 : Avènement de la foi

Lc 9, 18-24 : Profession de foi de Pierre. Première annonce de la Passion. Conditions pour

suivre Jésus.


Voilà, le Seigneur pose devant nous deux manières de vivre la rencontre avec lui, deux façons de le connaître.

La première façon, ce sont les grands boulevards (je vous expliquerai après ce que cela veut dire).

La deuxième façon, c'est cette espèce de labyrinthe caché, au fond duquel se trouve un trésor.

 

Spontanément peut-être, (ça dépend de comment nous sommes fabriqués), nous choisissons sans doute les grands boulevards parce qu'un grand boulevard c'est, au fond, facile ; surtout les grands boulevards modernes, aménagés pour les personnes porteuses de handicap : on peut circuler facilement, il n'y a pas d'obstacle.

Les grands boulevards de la foi, par le passé, c'était toutes les manifestations de la puissance de Dieu qui venaient régir nos manières de comprendre le monde, notre relation avec notre environnement et avec les êtres.

Les grandes manifestations de la puissance de Dieu, nous les trouvons par exemple dans l'Évangile, lorsque Jésus enseigne, lorsque Jésus guérit, lorsque Jésus pardonne, lorsque Jésus libère.

On va dire : "voilà une parole toute puissante : elle fait ce qu'elle dit".

Elle nous permet de mieux comprendre cette parole créatrice de Dieu qui est à l'origine du monde, dans le livre de la Genèse : ce qu'elle dit, ça se produit.

Et c'est un acte d'amour.

Et nous retrouvons encore cette grande puissance de la parole de Dieu dans la bouche des prophètes : ils vont annoncer ce qu'il convient de ne plus faire et ce qu'il convient de faire.

Et ils accompagnent ainsi au nom de Dieu, le Dieu de l'Alliance, avec sécurité et confiance, le peuple qui erre dans le désert.

Au fond, c'est la puissance de la parole de Dieu qui nous donne sécurité : ce sont les grands boulevards de la foi.

 

Et puis, parfois dans l'Évangile, Jésus ne fait pas que manifester sa puissance.

Parfois, il pose des questions ; et alors là, on ne sait pas quoi dire, parce qu’une question ça n'est pas spontanément la manifestation d'une grande puissance, qui tout d'un coup viendrait éclairer tout un chemin à emprunter, un grand boulevard que nous devrions utiliser pour nous rendre à notre destination.

Car une question, immédiatement, ça nous renvoie à nous-mêmes.

Et c'est pour cela que je vous expliquais, que je vous proposais la deuxième façon de connaître Jésus qui s'impose à nous, (en tout cas aujourd'hui, dans cet extrait de l'Évangile), c'est ce labyrinthe au fond duquel se trouve un trésor.

 

 C'est ce que j'appelais tout à l'heure, au début de cette eucharistie, un mystère.

 Jésus nous propose de passer par ce labyrinthe, non pas pour aller nous perdre et nous livrer à toutes sortes de dangers, mais pour aussi, marcher, avancer, mais comme explorateurs, chercheurs ; comme essayant de nous ouvrir à une réalité qui spontanément ne vient pas tout d'un coup éclairer notre marche, mais qui seulement, peu à peu, viendra au contraire éclairer rétroactivement tout le chemin que nous avons parcouru.

Lorsque la parole de Dieu se fait question pour nous, et qu'elle nous invite à franchir cette petite porte de ce château intérieur, pour entrer dans ce labyrinthe et chercher ce trésor qu’est le Christ, eh bien, le Christ vient proposer trois dynamiques.

 

La première dynamique, c'est d'accepter d'être sur un chemin.

Le grand boulevard de la foi, c'est au contraire, une sorte de certitude qui s'impose à nous, qui ne se questionne pas, qui, à la limite, ne nous aide même pas à marcher et à avancer.

Tandis que, emprunter ce petit labyrinthe, au fond duquel se trouve un trésor, le trésor du Christ et de la Vie, (la Vérité pour nous), eh bien le Christ nous invite plutôt à cheminer, à accepter d'avancer, cheminer, chercher.

Si nous sommes des chercheurs, assurément, dans ce monde, nous continuerons à vivre.

Mais si nous voulons nous accrocher à nos certitudes et à nos sécurités, assurément, nous nous asséchons.

 

La deuxième démarche : le Christ vient nous secouer, nous bousculer.

Est-ce que nous acceptons de nous laisser bousculer ?

Telle cette question qui vient ébranler Pierre avant qu'il ne réponde dans la foi : "tu es le Christ, le fils du Dieu vivant".

Mais, avant de pouvoir répondre, encore faut-il se laisser bousculer.

Et là, tout d'un coup, c'est tout ce à quoi nous nous accrochons qui vient peu à peu se déliter, se défaire.

Et là encore, dans ce monde, nous nous rendons compte que tout ce qui a été source d'assurance dans notre vie,peu à peu, vient s'ébranler.

Quelqu'un me disait tout à l'heure que même la nature, nous devons nous battre contre elle, alors que jusqu'alors nous pouvions nous fier à elle, en toute sécurité : nous savions qu'elle allait nous donner ce dont nous avions besoin.

Aujourd'hui, même la nature nous oblige à nous battre.

Elle nous ébranle dans nos savoir-faire, dans ce que nous avions appris par le passé.

Et même l'Évangile et même Jésus dans l'Évangile vient, de cette façon, secouer et bousculer.

C'est exactement ce qu'il va se passer au moment du chemin de croix et de la mort du Christ.

 

La force de la parole de Dieu, enfin, c’est s'offrir à nous comme une règle.

Une règle qui nous apporte confiance, que nous pourrions accueillir avec amour, celle de se dire : "j'accepte de franchir cette porte, qui, dans ma vie, m'oblige à avancer, mais à chercher et à accueillir ce qui s'offre à moi et qui n'est pas d'emblée connu comme une certitude.

Au fond, ce cheminement que Jésus m'invite à vivre, comme cette question posée à Pierre : "Et pour vous, qui suis-je ? Que dis-tu, toi ?"

Cette réponse va dépendre de notre capacité à commencer un chemin avec lui,

 de notre capacité à marcher avec lui,

 de notre capacité à nous laisser nous mettre au large, à nous laisser écarter de nos chemins primitifs.

 

La conclusion de cette belle rencontre (au terme d'une nuit passée en prière, de Jésus, avant qu’il ne demande à ses disciples, qu’il ne pose la question : " Pour vous, qui suis-je ?"), la conclusion c'est que nous sommes invités à nous ouvrir à cette dimension profondément mystérieuse de notre vie, la vie du monde, la vie des êtres,

à nous laisser séduire et ravir par ce qui est beauté,

à nous laisser ravir par ce qui est profondeur, caché,

à nous laisser ravir par ce que nous ne connaissons pas encore.

 

Nous allons rentrer petit à petit dans ce temps estival, temps de repos et de vacances, temps où nous allons pouvoir laisser décanter tout ce que nous avons vécu en communauté, tout ce que le monde très agité nous a donné de vivre cette année.

Pendant ce temps de repos, (pour ceux qui auront la possibilité de se reposer), acceptons, essayons de laisser paraître toute cette beauté et cette profondeur que Christ nous offre.

 

Je voudrais remercier aujourd'hui tous ceux et toutes celles qui se sont beaucoup investis dans ce chemin que nous avons vécu, cette année, en paroisse : les équipes pastorales, les personnes relais-village, tous les acteurs des services divers liés aux paroisses des trois ensembles, ceux qui se sont beaucoup investis dans la préparation d’événements tout particuliers, spéciaux, inédits, comme les "dimanche autrement" , les repas paroissiaux.

Et puis je voudrais remercier ceux et celles qui ont accepté d'entendre un appel particulier à servir la construction de la communauté à partir de l'année prochaine ;

remercier ceux qui ont beaucoup donné et ceux qui ne donneront plus de la même façon à partir de la rentrée.

Je voudrais remercier ceux qui vont devoir nous quitter à cause d'un déménagement, d'un changement d'orientation professionnelle, ceux qui vont quitter notre terre pour d'autres raisons encore.

Toute cette richesse accumulée cette année, eh bien que pendant ce temps qui vient, ces deux mois,( en espérant qu'ils soient des vrais temps de repos, pour chacun), que nous laissions émerger cet inconnu, cette ouverture à autre chose qu'à des certitudes qui viennent s'inscrire dans nos cœurs, accueillant toute la beauté de chacun et de chacune et de ce que nous avons vécu ensemble, même si parfois ça peut nous paraître un peu compliqué, un peu forcé.

 

Amen.


Vendredi 9 juin

1R 19, 9a.11-16 : la rencontre avec Dieu

Ps 26

Mt 5, 27-32 : La justice nouvelle supérieure à l’ancienne

 

Dans ce discours sur la montagne, dont la lecture a commencé lundi, à l'image de l'ascension d'une montagne, nous montons.

Mais nous montons ou nous remontons progressivement jusqu'à la pointe même de là, où Dieu vient travailler.

La pointe même où le Seigneur veut faire sa demeure dans notre vie.

Et nous l'appelons le cœur.

Nous réduisons trop facilement le cœur à cette dimension de nous-mêmes qui aime.

Mais dans l'Évangile, Jésus va porter un regard, une lumière un tout petit peu différente sur cette dimension-là de notre vie qui aime, pour montrer aussi que cette dimension est aussi celle de la conscience, de là où s'originent nos actes, là où viennent se mélanger nos pensées, nos désirs, pas simplement nos besoins d'aimer, mais aussi parfois nos refus et tout ce qui pourrait être des élans contradictoires en nous, ce contre quoi parfois, nous nous bagarrons.

 

Alors il est bien que nous obéissions ou nous essayions de respecter l'autre, que nous obéissions à des règles, en vue de quoi ?

En vue de protéger les uns et les autres et se protéger soi-même.

Mais dans cet extrait de l'Evangile, Jésus franchit une marche supplémentaire.

Il va jusqu'à dire que, il est mieux encore de ne même pas désirer secrètement au fond de soi, quelque chose qui serait être contraire à ceux et à celles qui sont autour de nous.

Il est bien de ne pas commettre l'adultère, (puisque c'est le premier exemple qui vient), mais il est encore mieux de ne pas le désirer.

Il est bien de ne pas fiche son poing sur le visage de son frère, il est encore mieux de ne pas le penser.

Il est bien de ne pas proférer les paroles haineuses, il est encore mieux de ne même pas l'imaginer.

Alors souvent, on a coutume de dire : « ah ben oui, le Seigneur pousse le bouchon un peu loin… » mais ce qui va importer, c'est le souci permanent de Celui qui vient faire sa demeure en nous, de produire, de façonner, tel le potier, un cœur unifié.

Un cœur unifié.

Et de la sorte, il vient s'en prendre à tous ceux qui sont dans l'Évangile : des pharisiens, des chefs des prêtres, des bien-pensants et des beaux parleurs, qui vont effectivement sembler être tout à fait irréprochables mais qui sont "des sépulcres blanchis ", comme il dira par ailleurs.

 

Alors, la première lecture, on peut en avoir une lecture assez imagée, métaphorique, et se dire : voilà ce prophète Elie qui fuit Jézabel, il va être dans une caverne, il va chercher le Seigneur dans le feu, la tempête, les éclairs etc... et Dieu va se révéler dans une brise légère.

Eh bien, ça peut être aussi l’image, (une image!), d'un cœur qui peu à peu, parce qu'il se met à la suite du Christ comme disciple, peu à peu va laisser s'éteindre tout ce qui peut être tempête, ouragan, éclairs, pour laisser sa place à une brise légère.

Un cœur qui s'unifie, un cœur qui se simplifie et qui alors, effectivement, pourra être à l'image de Celui qui en est son créateur.

 
Alors le plus grand remède, s'il faut utiliser aussi une image médicale, le plus grand remède pour chacun d'entre nous c'est d'abord beaucoup d'humilité, vraiment d'humilité.

Une autre façon de dire la miséricorde.

Devant Dieu, même le cœur le plus turbulent et le plus contradictoire, devant Dieu a sa place.

Et déjà il est aimé comme ça et c'est déjà le premier pas pour sa simplification. 

 

Amen.


Vendredi 3 juin : Fête du Sacré-Cœur de Jésus

Ez 34, 11-16 : Les pasteurs d’Israël

Ps 22

Rm 5, 5b-11 : la justification, gage de salut

Lc 15, 3-7 : la parabole de la brebis perdue

  

S’il fallait trouver une image assez simple pour dire en quoi consiste la miséricorde de Dieu, on pourrait prendre cette image célèbre de la marche et se dire qu’en nous, dans nos dispositions naturelles, personnelles, le royaume (la perfection et de Dieu et de nous-mêmes), à la fin de la marche, on arrive à destination de cet itinéraire qu’on emprunte.

Dieu, en Jésus, il voit les choses autrement. I

Il voit la perfection divine dans la distance entre le point de départ et le point d’arrivée.

Quand nous partons en pèlerinage, en randonnée, en promenade, il se peut que nous soyons tendus vers le point d’arrivée.

Eh bien, la miséricorde de Dieu, ça va être davantage la distance entre les deux, le chemin parcouru, le détail de la marche, les baisses de forme et les entrains retrouvés, les rencontres sur le chemin, les soifs, les faims, les découragements ( voyez en exemple): c’est ça qui intéresse Dieu, c’est ça, sa miséricorde.

Ou bien, illustré dans cette parabole de celui qui part à la recherche de la brebis perdue.

 

Il y a quelques similitudes avec le livre d’Ezéchiel que nous avons entendu, au début,en première lecture.

Mais il y a une différence notable : c’est que dans le livre d’Ezéchiel, il s’agit de rassembler ce qui a été dispersé par les invasions successives du peuple d’Israël.

Là, la dispersion n’est pas liée aux invasions.

Il y a des brebis qui se sont perdues.

Ce berger va les réunir.

 

Il y a quelques points d’attention.

Le premier point d’intention : c’est de se dire que dans notre vie de tous les jours, Dieu vient nous visiter.

Il vient nous visiter souvent par ceux ou celles qu’on attend le moins (les présences divines, les visitations de Dieu dans nos vies), par les visages qui feraient nous spontanément le moins penser à lui.

Alors c’est le classique : un tel qui m’agace, une telle que je ne voulais pas voir, voilà la visitation de Dieu, toute sa miséricorde.

Ça nous rappelle en fait le chemin que nous avons encore à parcourir.

 

Ça tombe bien, parce que le deuxième critère : Dieu a le temps.

Dieu, il a le temps.

Peut-être que nous n’avons pas le temps ; Il a le temps.

Intégrons-le dans notre vie personnelle et dans notre itinéraire de disciple.

 

Et troisième point : Dieu a de l’humour et il est artiste.

Il a de l’humour parce qu’il prend souvent le contre-pied de nos projets, notamment de nos perfections personnelles.

Et puis, il est artiste : il arrive à faire du beau avec des ingrédients que l’on n’imaginait pas du tout adaptés à l’œuvre de Dieu.

Premiers ingrédients, ce n’est pas toujours les plus moches autour de nous.

Ça peut être aussi parfois quelques ingrédients qui peuvent être cachés sous le tapis personnel.

Mais il arrive à faire des belles choses avec tout ça.

 

Trois éléments pour dire sa miséricorde et pour s’ajuster progressivement à cet élan du berger qui part à la recherche de la brebis perdue.


Vendredi 20 mai 2016 :

Jc 5, 9-12 : Exhortations finales

Ps 102

 

Mc 10, 1-12 : Question sur le divorce

 

Ce texte d'Evangile est souvent pris par les couples qui célèbrent leur alliance devant Dieu, et surtout le passage où Jésus reprend la citation du livre de la Genèse : "L'homme quittera son père et sa mère, s'attachera à sa femme", et la parole qui est propre à Jésus lui-même : "ce que Dieu a uni, que l'homme ne le sépare pas".

 

Nous voyons que Jésus enseigne.

Dans le temps ordinaire, c'est ce que l'Évangile, souvent, nous donne à voir du Maître : il enseigne ; il enseigne.

Cette fois-ci, il n'est plus en Galilée, il est en Judée.

Et comme le texte l'indique : "comme d'habitude" ou "de nouveau", les foules sont autour de lui.

Une autorité toute particulière rayonne du Maître par son enseignement.

Et il arrive parfois, comme c'est le cas dans l'Évangile, celui-ci, qu'il est nécessaire pour lui, d'expliquer à quelques-uns ce qu'il essaie de dire.

Et c'est le cas avec ses disciples, lorsqu'ils se réunissent dans la maison.

 

Je vous propose de retenir de l'enseignement de Jésus, par-delà la réponse qu'il donne à cette question de morale et de morale conjugale, cette affirmation qui est propre à lui : "ce que Dieu a uni, que l'homme ne le sépare pas".

Jésus remonte à l'acte créateur de son Père, ce que nous pourrions appeler aussi : Jésus remonte au fondement ou à la fondation et du monde et de l'humain.

Et il proclame l'absolue unité de l'acte créateur du Père.

 

L'homme, dans sa prétention (homme et femme d'ailleurs), ne peut pas croire possible de casser ce que Dieu a produit, ou diviser ce qu'il a uni, ou ruiner ce que Dieu a bâti.

 

Nous savons que dans toute l'Histoire Sainte, l'homme rompt beaucoup d'alliances avec le Père et le Père ne s'en fatigue pas.

Il y a des moments de crises violentes et beaucoup d'alliances raccommodées (quand je dis alliance, j'entends la relation du peuple de Dieu avec le Dieu de l'Alliance).

Mais au plus profond du cœur ou la prétention de chacun d'entre nous, ne pensons pas pouvoir enterrer définitivement Dieu.

 

"Ce que Dieu a uni, que l'homme ne le sépare pas".

Sans quoi, notre cœur lui-même en viendrait à être divisé.

Souvenez-vous : Béelzéboul, dans un autre passage de l'Évangile :"Tout royaume divisé", dit Jésus à propos de Béelzéboul, "tout royaume divisé court à sa perte".

Ça peut être ainsi pour tous ceux et toutes celles qui imaginent soit que Dieu les a définitivement abandonnés, soit qu'ils sont plus forts que Dieu.

 

Ici, cet acte créateur de Dieu, fonde l'unité et la solidité d'un couple, mais il en est de tout le reste : l'unité et la solidité de notre propre vie, de toutes nos entreprises, de la construction de nos groupes et de nos sociétés.

Imaginer pouvoir faire fi de Dieu, reviendrait à séparer ce que Dieu a construit.

Le résultat en serait une ruine, ce qu’une oraison souvent, dans la messe, dit : "sans toi Seigneur, notre vie tombe en ruine".

 

Alors, demandons dans notre prière confiante, à l'Esprit Saint, que nous puissions toujours fonder notre vie (même lorsque le mal semble nous accaparer, même lorsque la tristesse ou la déception nous envahit), continue à fonder notre vie, nos entreprises, sur lui, sans quoi la ruine est proche.

 Et même la miséricorde, qu'elle soit fondée sur lui, sans quoi notre miséricorde est aussi fragile qu’un fétu de paille au vent.

 

Amen.


Mercredi 18 mai :

 Jc 4, 13-17 : Avertissements aux riches

Ps 48

Mc 9, 38-40 : Usage du Nom de Jésus

 

Le Nom de Jésus semble avoir une importance particulière dans l’Évangile :

"si vous recevez un enfant en mon Nom",

"si vous vous vous réunissez et priez en mon Nom",

"si vous demandez quelque chose au Père en mon Nom",

et là, quelqu'un qui fait un miracle "en mon nom".

 

Le Nom de Jésus. 

 

Il est important de retenir que celui qui parle, Jean, est quelqu'un qui suit Jésus.

Jean a peut-être quelque prétention à soutenir, une sorte de pouvoir qui serait dû à sa proximité avec Jésus.

La réponse de Jésus, me semble-t-il, peut inviter à la fois, Jean et nous, les auditeurs, à nous rappeler que suivre Jésus, c'est être donc en marche, c'est progresser avec lui.

 

Ceux qui, au Nom de Jésus, agissent, ont un pouvoir ; l'ont, parce qu'ils marchent, progressent et grandissent à la suite de Jésus.

Nul ne peut se prévaloir d'une autorité qui lui viendrait d’En-Haut, (quand bien même ce serait au Nom de Jésus), si d'abord, dans sa propre vie, cette autorité est fondée dans sa progression personnelle, dans sa capacité à cheminer, à se remettre en question, tout autant qu'à recevoir ce que Dieu et d'autres lui donnent.

 

Nous ne savons pas qui est cet homme qui a fait un miracle.

Nous savons que c'est au Nom de Jésus.

Peut-être alors, qu'il faut voir en lui un disciple parmi d'autres ; certes, il semble ne pas être du groupe, mais comme eux peut-être, il est un homme qui chemine, un homme qui progresse, qui se laisse instruire.

Peut-être est-ce donc la source de son autorité, de son pouvoir à faire des miracles.

 

Rappelons-nous, dans l'Ancien Testament, cet épisode de cet Esprit, l'Esprit Saint, qui tombe sur des gens extérieurs au groupe, dans le camp des Israélites.

Et ils prophétisent.

Tout homme et toute femme qui se laissent instruire par le Maître, sans être pour autant du clan, ou de groupe, ne peuvent pas être contre lui, ni contre nous.

 

Amen.


Dimanche 15 mai : Pentecôte.

Ac 2, 1-11 :La Pentecôte

Ps 103

Rm 8, 8-17 : La vie de l’Esprit

Jn 14, 15-16.23b-26 : Les adieux

 

En cette fête de la Pentecôte, fête traditionnelle, très précieuse dans le calendrier liturgique, nous l'avons entendu dans la première lecture, (qui a été lue dans les deux langues : allemand et français), c'est une fête où nous célébrons aussi l'Esprit qui nous permet de nous entendre dans toutes les langues.

Or, je demande pardon à nos amis allemands : je ne connais pas un seul mot d'allemand, à part : " ich liebe dich ", mais il n'y a pas de quoi faire une homélie sur ce thème.

Donc, pardon.

Mais, nous aurons l'occasion de continuer à poursuivre notre liturgie en partageant la langue allemande et le français. 


Nous nous situons dans ce grand élan de Pâques.

Ce grand cierge pascal a été allumé, la veillée de Pâques, des enfants ont été baptisés ici.

Cinquante jours après, des adultes ont été confirmés.

Ce grand élan des 50 jours qui suivent la résurrection de Jésus, c'est pour nous préparer à vivre notre propre résurrection.

La résurrection du Maître est ce qui a été le début d'une grande aventure chrétienne qui se poursuit, et il y a notre résurrection qui se concrétise d'une part :

les disciples se sont préparés à lâcher la main du Maître (quelque chose que les textes de l'Ecriture nous redisent souvent) : il leur faut 40 jours pour se préparer à cela.

 et puis 10 jours d'attente du don du Saint Esprit, pour qu'eux-mêmes vivent avec la même force, la même audace que celle qui fut celle du Maître, audace plus forte que la mort, plus forte que la peur.

Les disciples, à leur tour, peuvent comme le Maître, ressusciter, être des ressuscités.

C'est la raison pour laquelle, ils attendent ce don de l'Esprit Saint.

Ils prient pendant une dizaine de jours dans la chambre haute à Jérusalem, quelques apôtres, des femmes.

Et voici que, comme des langues de feu tombant sur eux, ils entendent toutes les langues du monde connu de l'époque, signe que les voici, sortant de leur peur et de leur enfermement.

 

La fête de la Pentecôte nous rappelle aussi, pour nous, très fortement, que la vie chrétienne, dans l'élan de l'Esprit Saint, n'est pas un effort de perfection.

La perfection, c'est au fond, l'ambition des médiocres.

Certains chrétiens le sont, perfectionnistes, idéalistes, se disant : je vais une fois pour toutes enfin être mieux, enfin libéré de ceci, enfin libéré de tel problème parce que j'aurai accumulé un certain nombre de prières ou de bonnes pratiques.

La fête de la Pentecôte, au contraire, nous rappelle que le dynamisme spirituel, l'élan du Saint Esprit, c'est plutôt la croissance dans la sainteté, ce qui est tout autre chose.

Car la croissance dans la sainteté, c'est le lourd combat de la fidélité.

La fidélité, jour après jour, face au mal, qui nous envahit nous-mêmes personnellement (et pas toujours les autres) et qui envahit notre monde, sans que nous sachions comment l'expliquer, quoi en dire.

Ce dynamisme spirituel qui nous fait croître dans la fidélité, c'est la signature de la vraie liberté chrétienne.

 

En cette fête de la Pentecôte, je nous souhaite aux uns et aux autres, d'être vraiment libres.

Non pas de refuser de combattre le mal, mais de croire que contre ce mal, nous ne pouvons pas seuls, faire quelque chose.

Il faut pouvoir demander dans la prière, il faut pouvoir oser se convertir, (jamais seuls, mais avec d'autres) pour recevoir un nouvel éclairage sur les chemins qu'il conviendrait de prendre personnellement et ensemble pour éviter ce mal, pour être plus fort que lui, plus grand que lui.

Face au mal, il y a deux tentations très grandes :

La première, celle de justifier : eh bien, il se passe telle catastrophe ou bien nous sommes en train de vivre tel dommage très grand (notre région est durement touchée, nous le savons, nul besoin de l'expliquer), la première tentation serait de justifier (de toutes les façons, il fallait que cela arrive ; de toutes les façons, nous y allons inexorablement, vers telle ou telle impasse ou telle ou telle difficulté).

C'est une tentation et il faut s'en éloigner.

 La deuxième tentation c'est de le refuser, le mal, c'est-à-dire de fermer les yeux, dire : non, non, ça n'existe pas ; ou si ça existe, je n'en ferai rien.

C'est une deuxième tentation qui déresponsabilise.

 

L'Esprit Saint, ce qui est la signature de notre propre résurrection à nous (c'est-à-dire que l'on devient comme des Christs), consiste à recevoir ce nouvel éclairage ou à se laisser instruire par ce nouvel éclairage qui va se frayer un chemin entre le refus et la justification, et envisager une action autrement, qui va construire une solution, d'une autre façon.

 

C'est complexe, mais ça montre que l'homme n'est pas simplement acteur du temps.

Il n'est pas simplement celui qui va construire, qui va planifier, qui va organiser quand bien même des considérations économiques justifieraient que nous fassions des planifications à l'avance.

Mais la vie dans l'Esprit Saint consiste plutôt à recevoir le temps et les événements comme des dons.

Attention, ne tombons pas dans la tentation de la déresponsabilisation, ce n'est pas ce que j'ai dit.

 Mais recevoir le temps et les événements comme des dons.

 Parfois, il y a des planifications qui nous empêchent de vivre cela et qui au contraire, alors que ce sont des planifications qui nous orientent vers des belles choses, précipitent le fracas ou la catastrophe.

 C'est ce que nous enseigne cette fête de la Pentecôte.

 C'est une chose bien difficile pour chacun d'entre nous, qui que nous soyons.

 Mais, c'est possible.

 Ce jumelage le rappelle : il y a des conflits ; nous sommes capables de les dépasser.

 Il y a des impasses économiques ou sociales ; dans l'histoire, nous avons été capables de les dépasser.

 Eh bien, nous rencontrons des obstacles aujourd'hui ; il y aura moyen de les dépasser, jamais seuls, mais ensemble.

 

Alors, s’il y a parmi nous des gens qui ne croient pas, ce "ensemble et cette communion" peuvent se faire par le simple fait d'oser se parler, même si nous sommes différents.

Mais ceux qui croient, peuvent le faire de la même façon, mais aussi, en vivant cette communion dans la prière.

 

Je vous rappelle que les communautés contemplatives du diocèse prient pour notre territoire.

Je le redis aujourd'hui parce qu'il y a un certain nombre de représentants publics : les communautés contemplatives du diocèse prient pour notre territoire car la presse donne à connaître les raisons pour lesquelles il faut prier pour notre territoire.

Je voulais aussi vous partager un mot que j'ai reçu du pape François : c'est notre évêque qui m'a demandé de vous le dire.

Le pape François nous a adressé une lettre datée du 7 mai, donc pas très vieille, cette lettre.

Les deux phrases qui s'adressent à nous : "Monsieur l'abbé, le Saint-Père est sensible à la situation socio-économique difficile que connaît la région où vous exercez votre ministère.

Il confie vous-même, votre ministère ainsi que vos paroisses et toutes les personnes que vous rencontrez à la protection de la Vierge Marie.

Il les bénit chacun de tout cœur".

Alors le pape, n'est pas un président, mais c'est une façon de dire, que dans notre tentation de nous croire seuls ou abandonnés, nous pouvons au contraire savoir, que les uns et les autres, quels qu'ils soient, à l'intérieur de notre territoire, peuvent compter sur cette solidarité indéfectible, qui est un cadeau du Saint Esprit.

 

Amen.


Vendredi13 mai : Fête de Notre Dame de Fatima

Ac 25, 13-21 : Paul comparait devant le roi Agrippa

Ps 102

Jn 21, 15-29 : Apparition au bord du lac de Thibériade

 

Vous savez que toute cette semaine, la liturgie nous a fait entendre la longue prière que Jésus adresse à son Père au chapitre 17.

Et là aujourd'hui, ainsi que demain, nous faisons un saut dans le dernier chapitre, chapitre 21 après l'apparition (après la résurrection de Jésus), l'apparition sur le bord de lac de Tibériade : la pêche miraculeuse.

Jésus partage un repas au bord du lac et voici, une première scène avec Simon Pierre, ensuite il s'agira demain, d'un dialogue à propos de Jean.

Nous connaissons ce passage et nous avons d'autres occasions dans l'année pour l'entendre.

Nous insistons souvent sur cette triple question posée à Pierre, qui peut faire écho à un triple reniement.

Mais n’oublions pas que nous sommes dans la perspective de la Pentecôte et nous achevons ce temps, à la fois Pascal et ce temps qui a été inauguré avec l'Ascension : ces 10 jours d'attente de l'Esprit Saint, comme l'attendaient les apôtres et les quelques femmes, réunis à Jérusalem.

Nous sommes comme eux, réunis pour la prière, nous attendons.

 

Peut-être que ce texte peut nous signifier avec plus de force, la vie dans l'Esprit, si nous nous mettons quelques instants dans la peau de Simon Pierre.

Rappelez-vous tout son itinéraire : à part être pécheur fautif, Pierre a d'abord été pêcheur de poissons, sur les bords d’un lac, rencontré par Jésus.

Et le voici, par trois fois, invité à accepter une mission.

Lui qui jetait les filets, (un peu aussi à la façon dont il a été invité à jeter les filets juste avant, sur le lac, au moment où il rencontre le Ressuscité) ; lui le missionnaire et le pêcheur de poissons, le voici enjoint de devenir pasteur, berger : accompagner un troupeau.

C’est quand même une conversion profonde dans sa vie, une responsabilité pour laquelle peut-être n’a-t-il pas été préparé puisqu'il était d'abord pêcheur.

Il ramassait plutôt qu'il rassemblait.

Il pouvait passer de longues veillées solitaires à attendre de prise.

Tandis que là, le voici appeler à exercer une charge pastorale : prendre soin de ceux qui sont devant, les brebis (tout du moins le mot grec), ceux qui sont derrière ou au milieu, les agneaux, les petits, les faibles, ceux qui ont tendance à aller sur le côté, ceux qui ne veulent plus avancer.

Une charge pastorale qui consiste à prendre soin.

Non pas à chasser ou à capturer mais à prendre soin.

Par trois fois, c'est ce que Jésus lui confie.

 

Alors oui,il y a ce triple reniement, peut-être, en toile de fond.

Et ce que nous rappelons en permanence, ces trois questions : « M’aimes-tu ? », qui cachent un verbe très beau : « M’aimes-tu à la manière de Dieu ? ».

Et Pierre qui répond : « Je t’aime d’affection, je t’aime comme je peux, je fais comme je peux ».

Et Jésus qui finit par lui dire : « M’aimes-tu comme tu peux ? »

Cette belle rencontre entre Dieu et l’homme vient se sceller dans une mission toute neuve qui est confiée à quelqu’un qui était d’abord un chasseur et pêcheur.

Le voici devenu pasteur.

 

Ensuite, il est signifié sa mort.

Par anticipation, nous savons qu’il mourra une vingtaine d’années plus tard sous Néron.

Et Eusèbe de Césarée dira qu’il est mort, crucifié, la tête en bas.

La vie dans l’Esprit, c’est-à-dire, celui qui se laisse guider par ce que Dieu lui réserve, c’est dans doute, ce à quoi nous sommes appelés les uns les autres, par notre baptême, et c’est ce que la fête de la Pentecôte va nous rappeler : une audace, une liberté.

 

À la Pentecôte, cette audace sera signifiée par cette universalité des langues comprises, entendues.

 

Demandons dans notre prière, d’être dans cette disponibilité qui fut celle de Simon Pierre.

Amen.


Jeudi 5 mai : l’Ascension du Seigneur

Ac 1, 1-11 : Prologue

Ps 46

He 9, 24-28 ; 10,19-23 : Le Christ scelle la nouvelle alliance par son sang.

Lc 24, 46-53 : Dernières instructions aux apôtres et Ascension

 

Voilà, chers amis, l'Ascension est une fête un petit peu étrange et pourtant elle est essentielle.

Elle se situe en plein milieu d'une séquence entre Pâques et la Pentecôte, la fin de la semaine prochaine.

 

Alors pourquoi elle passe parfois, un peu inaperçue cette fête?

Parce qu'on a du mal à imaginer, que pourrait être une vie sans l'Esprit Saint, quand on est chrétien.

Or, il faut attendre Pentecôte pour voir la différence entre l'Ascension (ce qui se passe : Jésus qui est élevé au ciel), et le don de l'Esprit Saint.

Alors, on dissocie les deux, et il faut associer les deux.

Mais la liturgie nous invite à un peu les séparer au moins le temps du jour.

 

Alors, je vous rappelle le chemin que nous avons parcouru : le matin de Pâques, la résurrection ; les disciples ont été très ébranlés et il leur faut une quarantaine de jours, pour quoi faire ?

 

Pour quoi faire ?

Pour que petit à petit, les disciples, pas simplement qu'ils laissent partir Jésus au ciel mais tout simplement pour qu'ils deviennent petit à petit, ces disciples, autonomes :qu'ils prennent leur vérité en main, qu'ils se refusent à la résignation, qu'ils acceptent tout simplement de devenir des grands, en laissant le Maître partir.

Ça c'est la disparition de Jésus au ciel.

La disparition de Jésus au ciel, ce n'est pas simplement, non plus, pour les disciples ni pour nous : regarder le ciel pour savoir si demain il fera beau.

C'est, (l'affirmation est toute simple), c'est d'abord Jésus qui prend sa place dans le cœur de chacun, dans le cœur des disciples, en nous.

Et la joie dont nous parlons depuis le départ, la louange que nous chantons depuis le début de cette eucharistie c'est ça : Jésus est au ciel équivaut à :le ciel est en moi.

Si le ciel est dans mon cœur, ce ciel, ou cette affirmation produit tout simplement de la joie.

Il y a des raisons d'être joyeux.

Et les disciples, vous avez vu qu'il leur est recommandé de rester dans leur vie, ces disciples, sont tout simplement dans la joie.

C'est le sens de cette montée de Jésus au ciel.

Si Jésus monte au ciel, ça veut dire que le ciel s'ouvre dans le cœur des disciples.

 

Et puis il faut encore attendre 10 jours et dans 10 jours, c'est le don de l'Esprit Saint.

Je vais quand même un petit peu anticiper pour dire ce que ça veut dire, mis à part le fait que l'Esprit nous donne sa force etc, et pour bien saisir la particularité de la fête d'aujourd'hui.

 

Alors ce qui se passe dans cette église, l'initiative de plusieurs pour faire cette messe aujourd'hui, jour de l'Ascension et jour de la fête des plantes, en lequel on a mis …, est une très belle parabole pour comprendre l'Ascension : parabole des plantes.

Voilà une initiative commune qui, depuis 25 ans, petitement au départ et progressivement contre vents et marées a réussi à transformer l'essai : une fête qui d'abord nous unit et puis rassemble des gens de l'extérieur.

Et puis, l'idée c'est de dire : en cet anniversaire, ça vaut la peine qu’ils aient l'eucharistie.

Et puis, on va la préparer cette eucharistie et on va à l'animer.

Ça va non seulement, faire vivre l'église du village et en plus ça va donner une note particulière au début de cette journée pour l'anniversaire et puis tout simplement, ça va être l'occasion de faire éclater notre joie car il y a de la joie dans notre cœur et en nos vies, ce sera une fête à travers l'eucharistie qu'on va vivre maintenant.

C'est exactement ce qu'il se passe, au fond, pour les disciples à l'Ascension.

Mais il faut du temps.

Alors donc, je ne sais pas, ça fait plus de 25 ans… qu'on décide de faire la fête Bergères, ce n'est pas la question.

Il faut trouver d'une part, sa place et il faut oser proposer, organiser, mettre en place.

Et c'est ce qui fut fait.

Au fond, cette eucharistie ou le résultat qu'elle donne, c'est l'équivalent de Jésus qui monte au ciel, la joie dans le cœur des disciples, la fête de l'Ascension.

 

Mais toujours, toujours, toujours, l'Eglise associe cet événement-là avec la Pentecôte parce qu'à la Pentecôte, (vous vous souvenez, ce qui se passe à la Pentecôte ?le don de l’Esprit Saint) ; mais, les mêmes qui sont dans la joie (alors d'abord ils ont peur, mais ce n’est pas tellement la question) les mêmes qui sont dans la joie, vont en rencontrer d'autres et qui sont de toutes langues, toutes langues, toutes nations.

L'Esprit leur donne de les comprendre, leur donne de communiquer et sans doute de commencer une aventure ensemble.

Mais ça veut dire que cette joie portée, doit être une joie communiquée ; une joie communiquée c'est aussi une joie qui va se donner mais aussi se recevoir.

Notre vie ecclésiale, toujours, est entre ce désir de communiquer de la joie d'une part, (ce qu'on fait aujourd'hui) et cette nécessité de la construire, ou de la partager, de la recevoir d'autres qui sont différents, qui ont d'autres langues, qui sont d'autres lieux, qui ont d'autres histoires que nous.

Ça c'est l'événement de la Pentecôte.

 

C'est pourquoi l'Eglise ne peut jamais être cantonnée en un lieu, c'est pour ça que l'Eglise, elle n’existe pas qu’en terre sainte, elle n’existe pas qu’à Jérusalem.

Elle est partout.

Alors, aujourd'hui, elle est à Bergères, demain ce sera Lignol, pourvu que nous sachions (et ça c'est aussi une des exhortations sur ce jour de l'Ascension), que nous sachions la cultiver cette joie, qu'elle ne se perde pas dans notre âme et qu'elle puisse donc demain, après-demain, les jours d'après, avec d'autres, continuer à se dire, à se propager.

 

Le jour de la Pentecôte, dans cette joie de la résurrection de Jésus, elle est là pour nous aujourd’hui dans nos communautés, des adultes se sont mis en route vers leur confirmation ; ça veut dire que pour des adultes, il y a eu quelque chose qui leur a donné envie, il y a déjà quelques temps dans nos communautés.

Cet événement de la confirmation sera dans 10 jours, le samedi soir de la Pentecôte à la cathédrale.

 

Donc, on peut les porter dans notre prière.

Ces adultes sont une plus-value pour nos ensembles paroissiaux.

On peut porter dans notre prière plus particulièrement ceux et celles qui vivent avec angoisse les temps qui viennent pour leur situation économique, leur travail, leur avenir, ici dans ces territoires que nous avons...

Porter aussi le travail de ceux qui peinent dans ces coteaux, notamment l’agriculture, en espérant que cette année soit, ni bonne ni mauvaise, enfin bon, qu'elle soit.

Tout ceci, nous l'apporterons dans nos prières dans cette procession des offrandes que nous déposons entre les mains du Père. 

 

Seigneur, que cette joie que nous recevons de toi, toi qui montes au ciel et qui ouvres le ciel dans notre cœur, que nous sachions ne pas la perdre, la propager et que nous donnions envie à d’autres de venir goûter à ta source.

 

Amen.


Mardi 3 mai : Fête de St Philippe et St Jacques, Apôtres

1 Co 15, 1-8 : Le fait de la résurrection

Ps 18

Jn 14, 6-14 : Les adieux

 

 

Dans un très très long discours que Jésus prononce devant ses disciples dans l'Évangile de Jean, il y en a un qui est émaillé de quelques interventions de disciples : il y a Thomas qui pose une question, là c'est Philippe, plus loin ça va être Jude.

Et ces questions permettent d'imaginer un petit peu ce que les disciples eux-mêmes avaient dans le cœur, les interrogations qu'ils portaient et peut-être à Jésus de préciser sa pensée.

Ceci étant, peut-être que sa pensée peut demeurer un peu obscure.

 

Il rentre dans la vie même du Père, du Fils et de l'Esprit et c'est pour nous sans doute, une sorte de mise à l'épreuve de notre foi, une foi qui a toujours besoin, à la fois de se préciser, de se clarifier et en même temps s'abandonner à celui vers lequel nous allons.

 

On peut retenir le verbe montrer :"Seigneur montre-nous le Père".

Nous savons que : « le Père, personne ne l'a jamais vu », c'est Jésus, lui-même qui nous dit ; mais celui qui passe par le Fils ou celui qui a vu le Fils, eh bien a vu le Père.

 

« Je suis dans le Père et le Père est en moi ».

Il y a une très grande étroitesse de relation entre le Père et le Fils et cela est donné au Père et au Fils, au Fils par le Père.

 

Nous, nous sommes devant le Fils.

Alors certes, il nous montre le Père, mais nous sommes des êtres de sens : nous voyons, nous touchons, nous sentons, nous sommes des êtres sensoriels.

Donc, nous avons besoin de sentir, toucher, voir, pour mieux appréhender ce que nous croyons ou ce, vers quoi nous allons.

On peut, dans notre vie de baptisé, être attentif à ce que Jésus nous dit, nous montre, à la fois dans l'Évangile (être attentif à tous les gestes, les signes, les signes de la nature, comment il nous dit que le frère lui aussi, est concrètement vu et les relations avec lui concrètement vécues) sont une façon pour nous de montrer, de toucher, de voir et de sentir.

Donc, revenir toujours à toutes ces réalités très concrètes et palpables que le Christ nous donne.

Et puis, en revenir aussi à notre vie, indépendamment de ce que le Christ nous y révèle ou pas.

 

Au quotidien, nous sommes des êtres aussi très incarnés avec ses forces et ses faiblesses du corps, avec nos désirs, nos répulsions ; eh bien tout ceci prend sa place dans notre foi.

Ça doit pouvoir prendre sa place.

 

Une foi, qui serait en permanence retrait, une tentative de s'échapper ou de prendre de la distance (et Dieu sait que parfois nous en avons besoin, nous en éprouvons le besoin), eh bien, cette foi-là serait une foi pas juste.

Et même, si nous avons autour de nous un certain nombre d'exemples contemplatifs qui nous montreraient une foi complètement (enfin, pas de complètement mais qui tenterait de se détacher un petit peu d'un certain nombre d'excitations sensorielles), eh bien ne nous trompons pas en voyant ce témoignage de nos frères et sœurs contemplatifs.

Ça n'est pas pour rencontrer Dieu à l'extérieur du corps mais peut-être pour mieux l'éprouver à l'intérieur.

 

Alors demandons au Seigneur dans cette fête des Philippe et Jacques, et en accueillant ce texte de l'Évangile selon Saint-Jean :"montre-nous le Père",que par l'Esprit Saint, le Seigneur nous fasse le don, d’opérer dans notre cœur ou de nous laisser, dans notre cœur, faire ou vivre la synthèse même de ce que Dieu montre de lui-même à travers nos sens.

Cela peut nécessiter beaucoup de temps.

 

Et ce n'est peut-être pas pour rien, que Philippe s’adresse à Jésus juste après l'affirmation que Jésus fait à Thomas : « je suis le chemin, la vérité et la vie ».

En l'occurrence ici, il faudrait retenir le mot : chemin.

C'est en cheminant, que petit à petit, nous aiguisons nos sens et notre sens spirituel.

 

Amen.


Dimanche 1° mai :  

 Ac 15, 1-2. 22-29 : controverse à Antioche et lettre apostolique

 Psaume 66

 Ap 21, 10-14.22-23 : La Jérusalem messianique

 Jn 14, 23-29 : les adieux

 

Chers amis, il est bon de se redire quelle est l'histoire que nos aïeux dans la foi, ont vécue.

Une histoire courte néanmoins, je ne vais pas refaire 2000 ans d'histoire.

Je vais remonter avec vous à cette petite séquence entre la résurrection de Jésus et la Pentecôte.

La Pentecôte c'est dans 15-20 jours, la Pâque c'était, il y a six semaines.

Et nous sommes, la semaine prochaine à l'Ascension, 40 jours entre Pâques et l'Ascension.

Quarante jours pendant durant lesquels, les disciples ou amis de Jésus ont dû se préparer à, définitivement, lâcher la main de leur Maître, car l'Ascension c'est la disparition, la disparition de Jésus.

 

Moment important de leur vie comme nous en connaissons parfois, dans notre propre existence : passages significatifs durant lesquels nous avons des deuils à vivre :

il nous faut quitter la sécurité, parfois, d'un foyer (papa, maman);

il nous faut quitter certaines prérogatives ;

il nous faut consentir à notre vieillissement;

il faut accepter quelques bouleversements.

Et nous en avons ainsi, qui jalonnent notre histoire personnelle.

 

Les disciples ont vécu ça.

On n'a pas à les juger parce que nous sommes pareils qu'eux.

Rappelons-nous bien, qu'ils ont tout misé sur cette suite de Jésus.

Et l'Ascension, si nous avons appris au KT que c'est la montée au ciel du Christ, il n'en demeure pas moins que c'est sa disparition.

 

Et puis, 10 jours après, c'est la Pentecôte : une présence toute autre,

 en tout cas, non pas physique,

 non pas sensible, sensorielle,

 mais une présence par l'Esprit Saint.

C'est le moment de la maturité, dans la vie des disciples.

Ils peuvent être des premiers de cordée, ils n'ont plus besoin d'être à la suite de celui qui leur ouvre le chemin : Jésus.

 

Alors, je voulais vous redire cette brève séquence, parce que les chrétiens sont nés de cette période où les disciples ont tout reçu du Maître et ils doivent à leur tour, se laisser entraîner dans un monde, d'une part qui ne les attend pas tellement, ils doivent se laisser entraîner comme désormais, des premiers de cordée, investis de l'intérieur par cette chaleur et cette puissance du Christ qu’ils ont suivi.

 

Alors, peu ou prou, c'est quand même le projet que nous avons pour vos enfants à l'occasion de la première des communions et peut-être que vous avez vous-même.

Je m'explique : première communion, petite communion, ce sont des choses que beaucoup parmi vous avez aussi vécues, à l'âge de ces enfants.

On sait que c'est une étape importante.

Nous aimons nous rassembler autour d'eux.

Et quand on célèbre la première communion des enfants, nous savons que dans un an ou deux, déjà, ils seront beaucoup plus grands, ils seront au collège avec tout son lot de nouveautés dans la vie de ces jeunes et du coup de vos familles.

Alors, nous aimons vivre avec eux cette étape importante de leur vie, qui est aussi une étape pour vous, les parents car vous vous voyez vieillir quand même, en voyant ces enfants grandir.

Et s'ils demeurent encore des enfants à vos yeux maintenant, la première communion est un peu le signal que demain ce ne sera plus pareil.

 
Quel est le projet de la première communion en plus de celui-là ?

À la manière des disciples, voici qu'ils passent une étape.

Ils savent qu'ils sont habités du Christ.

Ils peuvent se préparer progressivement à devenir des grands ; comme les disciples, il sont entrés dans leur maturité.

Avec ces enfants, nous avons découvert qu'ils avaient un cœur.

Alors, nous le savons bien, pas un cœur qui bat, ni simplement le cœur que l'on dessine à l'école pour dire : j'aime.

C'est plus complexe le cœur de l'humain.

Les enfants ont en eux, comme vous et comme moi, ce cœur qui est le moteur de toute relation avec quiconque, même avec ceux qu'on n'aime pas.

C'est un cœur qui produit attraction et répulsion.

Ces enfants découvrent qu'ils ne vont pas être isolés dans ce monde, ils vont être au milieu de plein d'autres.

Eh bien, à la suite de Jésus, ils savent que ce cœur peut être source de joie et de paix, s'ils apprennent le chemin qui mène vers lui : c'est ce que nous avons essayé de découvrir pendant ces deux années de catéchèse.

 

En recevant l'eucharistie, ils vont découvrir que Christ frappe à la porte de leur cœur, qu'ils ont toute la liberté du monde pour l'accueillir (c'est ce que nous n'avons pas cessé de leur dire) et qu'en l'accueillant, Christ ouvre la porte de leur cœur.

Désormais, désormais, ils savent que la source de leur joie, n'est pas uniquement dans le ciel, au-dessus des nuages, la source de leur joie est dans cette délicatesse et cette habileté qu'ils ont à mettre en œuvre pour soigner toutes les relations avec les uns et les autres.

 

Finalement, la catéchèse, c'est une école de la vie.

Et en recevant Jésus, ils se rappellent que ce qui est précieux aux yeux de Dieu, c'est la communion ; entendu par là : se nourrir de Dieu, mais aussi soigner les relations les uns avec les autres (ça veut aussi dire ça, communion).

Quelqu'un qui est dans la division ne fait pas communion.

Eh bien tout ceci, trouve sa source dans leur cœur.

Finalement ces enfants découvrent aujourd'hui, qu'ils sont libres et aimés.

 

Alors, ils ont besoin de vous, ces braves enfants, parce qu'ils sont très dépendants de leurs parents.

Et en catéchèse, la vie des familles n'a pas cessé de retentir dans les équipes de KT : les joies et les peines vécues en famille, les forces et les faiblesses ; tout ça trouve sa place dans le cœur de Dieu, il n'y a pas de problème ou de jugement.

Mais vous avez un rôle très très important, vous les familles, pour continuer à consolider ce qui est en train de se construire : cette liberté et cette recherche de la joie durable dans le cœur de ces enfants.

 

Alors les enfants, vous allez recevoir Jésus pour la première fois dans l'eucharistie, vous vous préparez.

Vous savez que vous avez 300 paires d'yeux qui vous regardent ; vous avez surtout le Père du ciel qui frappe à la porte de votre cœur.

N'ayez pas peur et recevez avec toute, toute, toute votre bonne volonté, toute, toute votre force, ce Christ qui vient à vous.

Comptez sur la communauté chrétienne, pour que, chemin faisant, les années qui viennent, vous continuiez à découvrir qui vous êtes et qui est Dieu.

 

Je profite de la parole que j'ai pour mettre un point, aller à la ligne et passer à quelque chose d'un tout petit peu différent :

Je me suis permis, suite aux événements qui frappent notre territoire, (car nous sommes tous, j'imagine beaucoup, des habitants du Barsuraubois), je me suis permis d'adresser une lettre à toutes les communautés religieuses de notre département, féminines, masculines, contemplatives ou apostoliques (c'est-à-dire religieux, religieuses qui sont très actifs dans la vie des paroisses), pour leur dire : priez, priez pour notre territoire, les hommes et les femmes qui l'habitent.

Ces annonces de fermetures diverses et variées ont des conséquences, justement pour notre confiance personnelle et collective.

 

Nous chrétiens, nous n'avons pas les cordons de la bourse, et nous chrétiens, nous ne sommes pas les premiers responsables de la vie publique.

Mais nous y sommes présents, dans les différentes instances de la vie publique.

Nous avons à apporter notre discernement et aussi parfois, nos propres orientations.

Mais n'oublions pas la puissance de la prière.

Alors, j'ai demandé aux communautés qu'elles soient en communion avec nous.

 

La première lecture, qui a été lue tout à l'heure par Blandine, peut-être que l'enjeu vous a échappé un petit peu ; mais dans cette première lecture, c'était les débuts de la vie de l'Eglise (les toutes premières décennies de la vie des chrétiens).

Eh bien, nous avons vu que les villes entre elles, étaient en communion.

Les chrétiens étaient solidaires entre eux, ils faisaient communion :

 une communauté qui souffrait était portée dans la prière par une autre.

 une question qui se posait dans une communauté, une autre communauté pouvait l’aider.

C'est dans ce sens ce que j'ai demandé aux religieux, religieuses de prier pour nous.

 

Je vous invite frères et sœurs à faire vous aussi de même, pour ne pas tomber dans la résignation.

C'est le pire des ferments qui puisse prendre sa place dans notre cœur : la résignation.

Christ frappe à la porte du cœur, non pas le ferment de la résignation : prions et agissons.

 

Et enfin, nous pouvons être en communion avec les orthodoxes qui, aujourd'hui, fêtent la résurrection de Jésus : Pâques.

 

Amen.


Mercredi 27 avril

Ac 15, 1-6 : Controverse à Antioche

Ps 121

Jn 15, 1-8 : la vigne, la véritable

 

Dans notre territoire, l'image de la vigne nous est familière et sans doute ces verbes : émonder, couper, nous évoquent-ils des gestes que nous avons peut-être faits nous-mêmes dans les vignes ou dont on nous parle souvent.

Des gestes peut-être un petit peu sévères s'ils s'appliquent à nous-mêmes.

La perspective que vous avez vue, soit d'être coupé et jeté, soit d'être émondé, dans les deux cas il y a quand même quelque chose qui est de l'ordre du sécateur et dans notre vie c'est peut-être un peu effrayant.

Ceci étant, la visée, c'est d'abord de porter du fruit, c'est d'être en Christ et si nous poursuivons la lecture du chapitre 15, c'est la joie.

Ni plus ni moins.

 

Alors on a déjà les uns et les autres une expérience assez sérieuse de la vie et on sait que, comme le rappelait le père Gérard hier, il ne faut pas être idéaliste, il ne faut pas rêver.

Quelles que soient notre foi ou nos qualités, nous rencontrons aussi un certain nombre de rigueurs sur notre route, qui peuvent nous évoquer effectivement, l'émondage, la coupure.

 

Alors comment faire pour demeurer en Christ ?

Je vais vous proposer trois points, les fameux trois points. 

 

Le premier, c'est peut-être de se dire : attention de ne pas envisager avec crainte, le coup de sécateur dans notre vie en se disant : "oulala, oulala il va y avoir des coups de sécateur" ; ou l'inverse : "eh bien tant mieux, le plus gros est derrière moi".

Dans un cas comme dans l'autre, c'est une petite illusion.

Nous n'y pouvons rien à ces coups de sécateur de la vie et nous ne pouvons pas non plus les faire cesser, ni y échapper, ni même de les anticiper.

 

Le deuxième point, c'est se décider.

Se décider.

Nous avons à nous de décider, presque tous les jours, nous décider à demeurer, nous décider à nous en remettre à plus grand, en l'occurrence, à Christ.

 

Le troisième point, c'est de se redire que c'est lui qui nous a choisis.

Nous avons sans doute l'impression de remuer notre carcasse tous les jours, comme si nous nous décidons et nous l'avons choisi, lui.

Mais c'est lui qui nous a choisis, c'est lui qui nous attire ; c'est lui.

 

Voilà trois repères ; je pourrais en dire d'autres, je ne les connais pas tous d'ailleurs, mais trois repères pour nous aider à demeurer en lui et à viser cette joie qu'il nous promet.

Amen.


Dimanche 24 avril

Ac 14, 21b-27 : fin de la mission

Ps 144

Ap 21, 1-5a : la Jérusalem céleste

Lc 24, 13-35 : les disciples d’Emmaüs

 

Je le redis pour ceux qui sont venus après, cet Évangile n'était pas proposé par la liturgie aujourd'hui.

C'est un Évangile que nous accueillons les huit jours qui suivent Pâques.

Mais nous sommes toujours dans le Temps Pascal et nous avons accueilli cet Évangile ce matin, en équipes de petits, moyens, grands, tandis que la communauté était pour une part rassemblée dans le cadre de ce dimanche autrement, à l'école Sainte Thérèse, depuis neuf heures.

J'avais trouvé plutôt utile que cet Évangile soit repris dans cette eucharistie.

 

Alors chers amis, j'ai une grande nouvelle à vous annoncer.

Il y a deux catégories d'humains sur terre : il y a soi et il y a les autres.

Moi et les autres, deux catégories d'humains.

Souvent les autres, dans le meilleur des cas, ils ne nous gênent pas trop, parce que, au fond, je réussis à être relativement indifférent, ils ne me gênent pas.

Ou bien les autres me gênent et c'est la guérilla permanente dans mon cœur parce que, justement, le moi (le soi) cherche à se justifier, à se défendre, à prendre sa place dans cette grande foule des autres.

Soi et les autres.

 

Vous avez compris que dans le meilleur des cas, quand tous les autres me sont relativement indifférents, c’est quele soi a autant de problèmes que si les autres m’étaient un problème.

C'est le fruit d'un cœur, tel que nous l'avons hérité.

Alors, il y a des explications psychologiques, des explications spirituelles, des explications théologiques (vous savez, c'était ce fameux péché des origines : un cœur brisé).

 

Alors, dans notre Evangile d'Emmaüs, il y a un peu de ça pour Cléophas et son mystérieux compagnon.

Ils sont le jour de la résurrection mais plutôt dans l’après-midi, voyez-vous et ils décident de partir.

Ils sont un peu fuyants et vous avez vu qu'ils ressassent.

Ils ressassent

On ne sait pas d'ailleurs au départ qu'ils ressassent mais c'est ce mystérieux troisième personnage qui les rejoint, qui finit par comprendre qu'ils ressassent.

Et ils sont dans leur passé qui, déjà, est en train de s'enkyster en eux et ils racontent quelque chose qui ne les libère pas mais qui les enferme.

 

Et puis, il y a ce mystérieux troisième personnage qui approche, qui essaie de les rejoindre.

Ce n'est pas tellement les autres d'ailleurs, ce troisième personnage, mais ce n'est pas eux-mêmes, non plus.

Il n'a pas de nom, il n'est pas reconnu

.

Alors nous, on sait que c'est Jésus parce que nous, on est des vieilles barres de l'Évangile, on connaît tout.

On sait la fin d'ailleurs.

On sait qu'il est ressuscité, et on sait qu'ils vont finir par le reconnaître.

Mais essayons de nous mettre à leur place deux secondes et on va se rendre compte que ce Jésus, il fait de grandes choses.

 

Le grand projet du Ressuscité, le grand projet pour nous aujourd'hui, c'est de sortir de cette espèce de clivage entre soi et les autres mais rentrer dans la découverte de celui qui est l'Autre, ce qui est déjà différent : l'Autre avec un grand A.

Et cet Autre qui, progressivement peut devenir un toi, un tu, l'hôte de mon cœur.

Tout un programme.

 

Pour que l'on puisse sortir les uns et les autres de ce fameux clivage de soi et les autres, le soi qui se considère l'unique, celui qui veut prendre sa place pour rallier à soi, pour ne pas être dissous dans le grand tout des autres, eh bien, il est nécessaire que notre cœur fêlé laisse tomber ses différents remparts.

Oui, notre cœur est fêlé, et c'est précisément parce qu'il est fêlé que des remparts se construisent.

Mais on peut se réjouir parce qu'il est fêlé et que par ces fêlures, ses remparts peuvent tomber.

Dans cet Évangile, le Seigneur s'y prend par deux fois, pour venir avec son marteau, son burin et faire tomber ces remparts du cœur de Cléophas et de son compagnon.

 

Le premier coup de marteau et burin, ça va être la Parole.

Vous avez vu qu'il ne force rien, il s'introduit dans ce compagnonnage, sur cette route vers Emmaüs et il va interpréter à partir des Ecritures, à partir de Moïse et de tout ce qu'ont dit les prophètes, ce qui le concernait.

L'Ecriture, c'est lui qui est sollicité.

L'Ecriture peut être cette manière dont Dieu vient rejoindre notre cœur pour faire tomber ses remparts.

Alors ça marche un peu, mais pas complètement, pour eux.

Il y a encore du chemin à faire.

 

Et un autre coup de marteau et burin va être cette table à Emmaüs, le soir étant tombé : le geste eucharistique.

Et les remparts du cœur vont tomber, ils vont enfin le reconnaître.

Ça n'est plus l'étranger, c'est celui qui immédiatement devient l'hôte de leur cœur en plus d'être l'Autre : raison pour laquelle il disparaît de leurs regards mais il vient désormais habiter en eux.

 

Alors ces disciples non plus besoin de s'échapper de ce grand monde qu'ils fuientplus ou moins, ils n'ont plus besoin de continuer à quitter Jérusalem pour aller loin, essayer de se cacher dans un trou perdu qui s'appelle Emmaüs, ou essayer de construire leur propre monde autour d'eux.

Ils peuvent retourner à Jérusalem, ils ne sont plus : soi contre les autres ; les voici en communion.

Il n'y a plus de clivage en eux, il n'y a plus de combats ni de bagarres : ils rentrentdans cette communauté avec les autres compagnons.

Et vous allez voir après, si vous continuez à tourner les pages, on arrive aux Actes des Apôtres : l'Esprit Saint va leur permettre de se situer dans ce vaste monde différent, sans aucune peine.

C'est la grande nouvelle pour eux.

Marteau, burin, pour pouvoir faire tomber ce qui a besoin de tomber en nous.

Une affirmation qui a été lue au cœur de cet Évangile mais qui passe inaperçue.

Vous allez comprendre pourquoi, j'espère : " Ne fallait-il pas que le Christ souffrîtcela pour entrer dans la Gloire".

Généralement nous, catholiques, ce genre d'affirmation, nous sautons à pieds joints par-dessus parce que nous ne comprenons pas.

On devine que c'est très important et on imagine que c'est une vieille chose qui vient de l'Ancien Testament qui s'est retrouvéepar hasard dans le Nouveau... hé bon, ben ! c'est assez important!

C'est bien ! On va passer à la ligne suivante.

 

Le Christ souffrît : c'est la mort de Jésus.

Alors je comprends qu'on ne revienne pas sur la mort de Jésus tous les quarts d'heure parce que ce n'est pas toujours très heureux.

Mais si nous résistons à comprendre, c'est que précisément, ça ne se comprend pas avec la tête.

 

Ça se comprend avec la foi.

Je m'explique : pour comprendre que le Christ meure pour moi (moi, qui me bagarre avec les autres), il faut que je comprenne justement, qu’en moi, quelque chose est prêt à mourir, je peux laisser tomber quelque chose, tel ou tel aspect ; chacun a son cœur.

Chacun devine peut-être, d’ailleurs, ce qui est prêt à tomber.

Puis-je consentir un deuil, un tout petit deuil ?

Permettons que le Christ meure pour nous, je puis permettre que Jésus meure pour moi.

Jésus mourra pour moi, si quelque chose est prêt à mourir en moi.

C'est à ce prix que nos bastions peuvent tomber.

 

Les disciples résistent à comprendre.

Jésus l'a dit combien de fois avant sa mort ?

Il faut qu’il revienne là-dessus après sa résurrection.

C'est parce qu'ils finissent par accueillir cette Parole que quelque chose va tomber en eux.

Ou, on peut renverser la phrase : c'est parce que quelque chose tombe en eux, qu'ils peuvent accueillir cette Parole : belle nouvelle de la mort et de la résurrection.

 

Je voudrais terminer par deux choses.

La première, c'est que vous avez repéré que le disciple Cléophas a un compagnon qui n'a pas de nom.

Quand nos cœurs s'enkystent,nous avonsune furieuse tendance à se chercher des alliés pour mieux mener la bagarre contre le reste du monde : "voyez, tout le monde pense que…j'ai raison de penser ce que je pense... Tout le monde pense que…"

Je vais me chercher des alliés, compagnons d'infortune ; nous sommes parfois un peu comme ça.

Ne faisons de notre communauté cette espèce de ralliement de personnes mécontentes.

Mais attention, nous-mêmes, personnellement, de ne pas faire de nous-mêmes, celui qui va absolument vouloir se rallier je ne sais quel compagnon d'infortune pour mieux faire valoir son cœur blessé.

Peut-être que, si cet autre disciple n'a pas de nom, c'est parce que nous avons tous un double que nous cherchons à incarner chez je ne sais qui, qui pourrait mieux supporter ce qui m'insatisfait profondément dans ma vie.

S’il y a des choses qui m’insatisfont, il est important de s'en libérer, c'est inutile de souffrir.

Ne cherchons pas à ce que d'autres souffrent avec nous.

Mais au contraire, cherchons que l'Autre nous en libère.

 

 Et la dernière chose que je voulais dire, je vous en avais promis deux, donc voilà la deuxième : c'est qu'il faut beaucoup de miséricorde.

Pour que tombent ces forteresses, le Seigneur nous propose des petites anesthésies locales, car ce n'est jamais très agréable de se faire arracher une dent sans qu’on l’ait endormie au préalable, ni couper un bras sans qu'on fasse une piqûre avant.

Eh bien les petites anesthésies locales, c’est la miséricorde du Seigneur.

Le Seigneur, il y va doucement.

Vous avez vu, il ne force pas la main sur la route.

Il ne dit pas : "allez les gars, vous n'avez pas compris !"

Non, il les rejoint sur la route.

Il s'y prend à deux fois, alors que déjà il en avait parlé beaucoup de fois de sa mort et de sa résurrection, avant qu’elle ne se survienne.

Le Seigneur est lent, le Seigneur est patient.

Il marche à notre rythme et il fonctionne très fort à la miséricorde pour ne pas faire mal.

Ne faisons pas de mal aux autres, ayons de la miséricorde, nous aussi.

 

Si la Parole de Dieu et si l'eucharistie ont du mal à faire tomber en nous ce qui a besoin de tomber ; alors, ressaisissons-nous :osons demander pardon,

osons demander conseil,

osons nous approcher du prêtre,

osons un accompagnement spirituel pour que la Parole de Dieu et l'eucharistie nous atteignent dans toute leur fraîcheur et dans toute leur puissance.

Alors nous aurons la joie de dire un jour, peut-être : «mon cœur n'était-il pas tout le brûlant quand il me parlait en chemin ?»

 

 Amen.


Mercredi 20 avril : 

Ac 12, 24-13, 5 : Barnabé et Saul rentrent à Antioche : envoi en mission.

Ps 66

Jn 12, 44-50 : Croire en la Parole


Voilà, quand nous écrivons une lettre à une personne (n'importe laquelle : qui nous est chère ou à une administration), nous sommes l'expéditeur et puis la personne qui reçoit, le destinataire.

C'est aussi simple que ça.

 

L'Evangile met l'accent non pas ni sur l'expéditeur ni sur le destinataire seuls, mais met l'accent sur la lettre, sur le médium, sur ce qui permet à l'un de communiquer avec l'autre : c'est le Fils.

Il a été envoyé par le Père, mais le Fils a été envoyé vers chacun d'entre nous.

 

Et que se passe-t-il en lisant cette lettre, en accueillant celui qui est la Parole même du Père ?

Eh bien, il se passe 2 choses :

-  la première, c'est que cette lettre du Père vient révéler toute la beauté de celui qui la lit, c'est-à-dire nous-mêmes : chacun de ceux et celles qui accueille le Fils.

-  Et puis cette lettre du Père va aussi révéler la beauté de Dieu.

 

Donc, celui qui lit cette lettre va à la fois trouver 2 éclats : lui-même et le Père.

Ça paraît enfantin et ça n'est pas si simple.

 

C’est une conversion importante dans notre relation avec Dieu.

Souvent d'ailleurs pour ne pas la limiter qu’à une simple relation binaire d'un homme solitaire avec un Dieu lointain.

Dieu s'offre à nous en nous révélant toutes nos possibilités.

 

Alors, il faut plusieurs critères pour entrer dans cette belle relation :

 
-Le premier critère c'est celui du temps, il faut du temps pour chacun. 

-  Le deuxième critère, c'est de l'humilité, évidemment car, pour que de la beauté soit révélée, encore faut-il accepter de se laisser creuser ; parfois les couches sont épaisses.

-   Et puis le troisième critère, c'est celui d'oser aller vers les autres : la relation avec le Père n'est pas dans une pure aventure solitaire.

 

Alors, nous accueillons Jésus comme l'envoyé.

Et l'histoire que nous accueillons jour après jour dans ces extraits des actes des Apôtres, la première lecture, nous montre la naissance d'autres envoyés.

Eh bien, là, c'est Barnabé ; nous avons Paul qui surgit de plus en plus ; tous ces envoyés qui ne sont pas directement envoyés par le Père.

Ils sont là, eux, après s'être identifiés au Fils, ils sont envoyés par le Père et le Fils dans l'Esprit.

Nous sommes des envoyés, nous sommes des lettres nous aussi à notre tour pour d’autres. 


Entrons déjà dans cette belle relation avec le Père et le Fils dans l’Esprit pour que peut-être, d'autres y rentrent à leur tour, grâce à ce que nous pourrons leur révéler.

Amen.


Mardi 19 avril :

Ac 11, 19-26 : Fondation de l’Eglise d’Antioche

Ps 86

Jn 10, 22-30 : la véritable identité de Jésus

 

Il y a un verbe très fort qui revient et c'est le verbe arracher et dans St Jean, ce qui revient aussi, un petit extrait : "le Père et moi, nous sommes un".

Cette solidité dans la relation du disciple avec son Maître provient de cette unité du Père et du Fils.

L'unité du Père et du Fils nous est accessible dans la contemplation, nous est accessible dans la prière, nous est accessible dans l'adoration ; tandis que la confiance, la solidité nous est accessible dans l'action,c'est-à-dire au moment où nous décidons d'être disciples.

Les 2 mouvements de la vie spirituelle : je contemple l'unité du Père et du Fils ou du moins, je viens me reposer sur ce socle sûr et en même temps, je me mets en route pour expérimenter combien cette confiance se traduit chez moi en grande liberté et en une grande miséricorde.

 

 

Nous avons à grandir sans doute dans cette adoration du Père et du Fils dans leur unité, afin que cette unité vienne vraiment nous habiter. Amen.


Jeudi 14 avril

 

Vous savez qu'il y a eu deux grands moments dans l'histoire Sainte, l'histoire de nos aïeux avant Jésus, dans l'Ancien Testament.

Il y a un moment qui se lit clairement, si l'on regarde les livres de l'Ancien Testament et si on est sensible à ce que la liturgie nous révèle en permanence ; ce premier moment, on l'a célébré beaucoup pendant la veillée pascale : c'est cette libération d’Egypte.

Le Seigneur nous a libérés, c'est ce que nous avons chanté, je l'ai dit en introduction, un moment très clair, et ça apparaît les textes très régulièrement dès l'Exode et ça revient chez les Prophètes, les Psaumes.

 

Et puis, un deuxième moment, qui est plus caché ; il faut un peu creuser.

Il faut prendre une pelle, une pioche, et bien regarder dans l'Ancien Testament : c'est le moment où, le brave petit peuple de Dieu se trouve en proie à des échecs.

Il est déporté, il doit quitter sa terre, alors qu'il tenait à Dieu et il croyait que Dieu était là.

Et malgré tout, le voilà déporté et emmené en exil.

Ça, ça revient aussi, mais chez les Prophètes ou dans les livres historiques comme le premier livre des Rois, le deuxième livre des Rois, Samuel, etc, mais on n'en parle moins.

C'est un peu caché.

 

Et qu'est-ce qu'il se passe pour eux ?

Eh bien il se passe que le grand événement de leur foi, ce qui est leur permet de garder la tête haute, c'est de ne plus croire de la même façon.

Ils se sont mis à ne plus croire de la même façon, comme croyaient les autres peuples autour d’eux.

 

Et qu'est-ce qu'il s'est passé ?

C'est que désormais Dieu, ce n’était pas celui qui leur apportait le bonheur.

Mais quand il arrive du malheur, qu'est-ce qu'il se passe, alors ?

Notre Dieu nous apporte du bonheur, mais dès qu'il y a du malheur dans nos vies, il se passe quoi ?

C'était leur problème.

 

Et Dieu n'est plus simplement l'inverse non plus : ce n'est pas simplement celui qui nous donne le malheur, ou qui donne le malheur aux autres d'ailleurs.

Donc Dieu n'est plus simplement la source ni du bonheur, ni du malheur.

 

Ils ont changé leur manière de croire.

Ils se sont dits : Dieu, c’est celui qui est avec nous, quoi qu'il se passe.

Et ça, ça a transformé leur force, leur vie et ça leur a permis de traverser les événements tels qu’ils arrivaient.

Pour faire court, ils se sont dit : Dieu n'est pas simplement celui qui va orienter nos vies de manière aveugle (nous, nous serions aveugles à ce que Dieu veut pour nous) ; Dieu, il fait route avec nous.

 

Et ça, ça a été un grand bouleversement dans leur foi.

Ils ont été libérés à un moment donné de leur exil, de leur lieu de captivité.

Ils sont revenus avec cette transformation de leur foi.

Je dis ça, parce que en fait, quand Jésus parle du Pain de vie et fait référence à : «vos pères qui étaient dans le désert etc… », il y a ça, derrière.

Désormais, vos pères, rappelez-vous leur expérience d'exil.

Rappelez-vous : ils ont découvert que le Seigneur n'était pas qu'un Seigneur qui donnait toujours ce qui devait être source de bienfaits dans nos vies, mais c'était d'abord un Seigneur qui faisait route.

Il donne une nourriture plus grande encore qui n'est pas simplement le prolongement de nos désirs ou de nos souhaits.

Sa nourriture c'est ce Pain quotidien, comme nous en parlons d'ailleurs dans le Notre-Père.

Ce qui nous nourrit : c'est qu'il est avec nous, quoi qu'il se passe ; c'est ça nous nourrit.

Ce qui nous nourrit, c'est que : il continue à nous parler même quand on a l’impression qu’il ne se passe rien.

Ce qui nous nourrit c'est que : même au plus bas du trou dans lequel nous pouvons tomber parfois, il est quand même là.

 

Il suffit juste, et c'est ça le plus dur,parfois, il suffit juste, à moment donné, que je ne perde pas cette foi-là : Il est là.

Et quand Jésus dit : « je suis le Pain de vie, » il faut vraiment prendre le pain au ras des pâquerettes dans sa symbolique : c'est ce qui nous nourrit.

Eh bien,il nous nourrit, il suffit d'avoir faim.

Eh bien ce qui nous sauve, c'est de se dire : je peux avoir faim, quelles que soient les circonstances dans lesquelles je me trouve, que ce soit heureux dans ma vie ou que ce soit malheureux.

C'est ce Dieu de ces moments-là, c'est le Dieu de la vie pas extraordinaire, c'est le Dieu du quotidien : « Donne-nous aujourd'hui notre pain de ce jour ».

 

Quand nous parlons de la vérité, j'ai évoqué ça dans la prière d'introduction : Fais-nous adhérer plus fermement à la vérité, c'est ça la vérité de notre foi.

 

Alors, je dois vous confesser que ça m'arrive prier le bon Dieu, de lui dire : « fais que ceci, fait que cela… », des fois : « que ça n'arrive pas à d'autres ».

Eh bien cela, c'est à convertir.

Que je me nourrisse de cette présence, quoi qu'il se passe, de Dieu qui fait route avec moi.

 

Vous savez, c'est ce qu’on vit aussi, quand,par exemple, on donne (les prêtres), le sacrement des malades: c’est cela.

Ce n'est pas, ni le visa pour le ciel, ni un antidote contre je ne sais trop quel mal, c'est Dieu (d'ailleurs c'est dit dans les paroles) qui fait route et il traverse avec vous les épreuves que vous êtes en train de vivre.

Mais ce n'est pas une garantie de ne plus avoir d’épreuves ou je ne sais pas quoi, ce n'est pas ça.

Dieu fait route.

Le sacrement du mariage, c'est la même idée, dans le bonheur, comme dans les épreuves.

Ce n'est pas une garantie qu'il n'y aura pas d'épreuves ou que sais-je, non.

Vous êtes beaucoup ici, à le savoir très bien.

Eh bien l’eucharistie, c'est pareil.

Ayons cette vision que l’eucharistie c’est : Dieu vient nous nourrir et pas, je ne sais pas trop quelle opération magique qui pourrait se passer dans ma vie parce que je suis fidèle à l’eucharistie.

Non, Dieu est là.

Et c'est ce qui est formidable, c'est qu'il est là, fidèlement, lui.

C'est lui qui est fidèle.

 

 

Seigneur, renouvelle notre propre fidélité (à nous), à ce Pain du quotidien, qui grâce à toi, en ton Fils, vient jusqu'à nous. Amen.


Mardi 12 avril

Ac 7, 51-8, 1a : La lapidation d’Etienne. Saul, persécuteur.

Ps 30

Jn 6, 30-35 : discours dans la synagogue de Capharnaüm

 

Dans les préfaces qui sont dites par les prêtres pendant toute la période de Pâques jusqu'à l'Ascension, nous avons une affirmation : « le Christ, notre Pâque a été immolé».

Ça renvoie et au jeudi Saint et à la veillée Pascale.

Souvenez-vous, l'agneau pascal de l'Ancien Testament, pour commémorer la libération de cette terre d'esclavage, est une fois par an, offert et en sacrifice et mangé par la famille réunie, pour commémorer cet acte extraordinaire d'un Dieu qui libère.

 

Et nous savons aussi que nous identifions Jésus à cet agneau ; tout à l’heure dans l'eucharistie, je vais dire : « voici l'agneau de Dieu qui enlève le péché du monde ».

Et puis l'hostie, au moment où l'on dit que l'on n'est pas digne, l'hostie est fractionnée, le corps du Christ, pour redire que cet l'agneau, il s'est offert pour nous.

Ce n'est pas uniquement pour le partager, (encore que c'est pour le partager), c'est pour dire : voilà, cet agneau-là, ce Jésus, il s'est offert pour nous, lui-même, à la différence de l'agneau de l'Ancien Testament qui n'a rien demandé et qui ne se livre pas d'ailleurs, on va le chercher et on les gorge et en le mange.

Il s'est livré lui-même sur la croix.

 

Alors on reconnaît que Jésus est pour nous, nourriture.

Dans cet extrait de l'Évangile, quand Jésus parle de lui, de son Père, il s'identifie cette fois alors, peut-être plus au pain, moins à l'agneau ; mais dans les deux cas, il est nourriture.

 

Et comment Jésus est-il véritable nourriture pour nous?

Il est d'abord véritable nourriture parce qu'il a fait de son Père, sa nourriture.

Parce qu'il aime son Père, il a tout reçu de lui et il lui redonne tout et il a même reçu sa mission de lui et tous ceux et toutes celles qui viennent à lui, lui sont donnés par son Père.

 

Néanmoins, néanmoins, c'est la grande différence, c'est le point crucial pour nous : Jésus, tout en recevant tout de son Père, a eu la liberté d'aimer.

Il a eu la liberté d’aimer

Il n'a pas été forcé.

 

On est invité à se nourrir de cette nourriture.

De quelle façon ?

Tout simplement en se laissant attirer par le Christ, en essayant de rentrer dans son propre chemin, tout simplement avec des petits pas ; très lentement parfois, selon les personnes, mais en suivant Jésus sur sa propre route.

En se disant qu’on le suit, mais on n’est pas complètement le Christ, c'est un don qui nous est fait de l'Esprit.

Mais on ne suit, de très, très près, comme les disciples : de la crèche à la Croix.

 

Et il y a des passages, dans nos vies desquels nous sortons comme on peut.

Burinés, c'est sûr, polis et façonnés, c'est certain, mais nous passons avec lui par bien des passages, de la mort à la vie.

Eh bien, c'est cela qui nous fait à notre tour devenir du bon pain pour d'autres, pourvu que ce pain ne soit pas trop rassis, pas trop cuit non plus.

 

Donc, il faut suivre.

La seule chose que l'Eglise, la parole de Dieu, les prêtres, les chrétiens, peuvent dire les baptisés, tous, c’est de dire : il faut.

Mais après : il n'y a plus qu'à… dans le désir de l'amour.

C'est à ce moment-là, que nous rentrons dans cette belle relation du Christ qui est nourriture pour nous.

Tant qu'on est dans le : « il faut », c'est comme quand on veut gaver une oie qui n'a pas faim.

Dès qu’on se laisse attirer par lui, il nous nourrit parce que nous avons faim.

 

Contemplons ce Jésus qui a fait de son Père sa nourriture, et qui nous invite à être nous-mêmes nourriture, si nous acceptons de nous laisser attirer par lui, qui se fait une nourriture pour nous. Amen. 


Vendredi 1er avril : octave de Pâques

Ac 4, 1-12 : Pierre et Jean devant le Sanhédrin.

Ps 117

Jn 21, 1-14 : Apparition au bord du lac de Tibériade.

 

Voilà, comme chaque jour de cette semaine, encore un récit d'apparition du Seigneur ressuscité à ses disciples.

C'est à la fois pour eux, comme pour nous, une occasion de prolonger cette nouvelle de la résurrection.

Alors, en ce 1er avril, nous avons droit à nos poissons : 153, dans cet Évangile.

 

Mais, je vous invite à regarder plutôt, le fait que Pierre est nu et qu'il revêt un vêtement, une fois qu'il a entendu : « c'est le Seigneur ! ».

Dans nos vies, il y a des paroles qui effraient, des paroles qui repoussent ou des paroles profondément insignifiantes, (d'ailleurs, on ne les écoute même plus).

Et puis, il y a des paroles qui nous réveillent ou qui affermissent notre confiance ou alors, parfois, qui nous sortent d'une sorte de léthargie et tout d'un coup, nous permettent de prendre pied.

Peut-être que ça fait longtemps, que ce genre de paroles, nous n'en avons pas entendues, ça dépend de chacun.

Mais, on a sans doute entendu ce genre de paroles réconfortantes, même au moins une fois dans sa vie.

C'est souvent parfois dans un contexte d'amour, un contexte de relation enfants à maman ou à père, c'est un contexte de confiance ou bien encore, où nous construisons peu à peu notre confiance.

Ce genre de paroles-là, sont donc tes paroles fondatrices.

Eh bien, je vous invite à entendre cette parole, (prononcée, d'ailleurs, par Jean) : « c'est le Seigneur », comme une parole fondatrice dans la vie de Pierre.

Il en a entendu d'autres avant, du Seigneur lui-même, mais il semble que Pierre avait, d'une certaine façon, oublié ou se soit endormi à nouveau.

 

Il y a comme un recommencement dans cet Évangile.

On a l'impression que la vie est redevenue comme au début : voilà, il pêche du poisson.

Pierre, de nu qu'il était, va revêtir un vêtement.

Nous pouvons l'accueillir comme le vêtement de la foi, accueillons-le comme le vêtement de la foi, (sous-entendu confiance et pas simplement, savoir).

Voici que Pierre à nouveau, a confiance dans sa vie.

Il a confiance dans ce qui se manifeste à lui et confiance dans sa mission.

La preuve, lui et ses camarades ne pêchent rien ; tout d'un coup, ils pêchent quelque chose, et le filetne craque pas ; alors que dans un autre évangile récit de pêche miraculeuse, (dans l'Évangile de Luc, au début), le filet est tellement plein qu'il craque.

Eh bien là, il ne craque pas : signe que, avec ce vêtement de la foi retrouvée, non seulement Pierre a retrouvé la force, il a retrouvé la confiance, mais il a aussi retrouvé une profonde unité de son cœur, qui va jusqu'à produire l'unité de l'Eglise : ce filet ne craque pas.

 

Alors, c'est un signe de résurrection dans la vie de Pierre, mais aussi dans la nôtre (ça pourrait, en tout cas), d'accueillir la parole que nous trouvons dans la Parole de Dieu ; l'accueillir pour nous-mêmes comme cette invitation à la confiance. : « N'aie pas peur, lève-toi, courage ».

Et vous avez remarqué ce nouveau signe de l'eucharistie : ce fretin, qui est partagé sur le bord du lac doit nous évoquer ce que nous allons vivre maintenant : l'eucharistie.

 

Mais voilà, accueillons ces outils que nous avons pour nous, disciples de Jésus, à la fois, la parole de Dieu et l'eucharistie, vraiment, non pas comme une affaire habituelle dans notre vie ou automatique, mais comme ce réveil des premiers instants : « allez, n'aie pas peur c'est bon, les ténèbres sont parties, tu peux y arriver, je suis avec toi,vas-y ».


Jeudi 31 mars : octave de Pâques

Ac 3, 11-26 : Discours de Pierre au peuple

Ps 8

Lc 24, 35-48 : Jésus apparaît aux apôtres

 

Tous ces temps, qui vont nous conduire jusqu'à l'Ascension, et même la Pentecôte, c'est pour nous, qui sommes disciples du Christ, à la suite des disciples qui ont connu Jésus de près pendant son cheminement en Galilée, l'occasion de naître aussi à la résurrection : de nous laisser ressusciter.

Que ce ne soit pas la résurrection d'un seul, mais aussi la nôtre.

Le tombeau ouvert, certes, est quelque part en Judée, mais nous avons aussi des tombeaux qui s'ouvrent et qui ont à s'ouvrir en nous.

 

Alors, les textes de ces huit jours qui suivent la résurrection du Seigneur, sont intéressants parce qu'ils nous permettent de découvrir combien, vient nous nourrir de l'intérieur, cette nouvelle de la résurrection.

Ce n'est pas combien, mais c'est comment.

 

Nous sommes tous des êtres de chair et de sang, ça on le sait.

Dès qu'on tombe par terre, on a des bobos, on a mal, il faut aller à l'hôpital.

Dès que ça ne va pas dans la tête, ça ne va pas ailleurs non plus.

Donc, on voit bien qu'on est des mécaniques complexes.

Nous ne sommes pas que des esprits virevoltant dans les cieux.

On le sait bien.

Nous sommes un grand réservoir de mémoire ; et on est, là, pour le coup, tous différents, parce que dans notre réservoir de mémoire, on n'est pas tous équipés de la même façon : on n'a pas tous la même histoire.

Mais à côté de ce réservoir de mémoire, il y a aussi ce que nous recevons de l'Ecriture.

La foi, elle est aussi ce que nous en avons reçu d'autres ; d'autres personnes nous ont parlé avec familiarité de Jésus.

 

Alors, la résurrection, ça consiste en quoi ?

Ça consiste à faire disparaître une espèce de mur qu'il peut y avoir entre notre réservoir de mémoire et ce que nous savons de Jésus pour que les deux se mélangent et que ça fasse un savant mélange, une belle recette.

Et c'est ce qui se passe avec les disciples pendant toutes les apparitions de Jésus.

 

Vous avez entendu, il y a beaucoup les verbes : reconnaître, voir.

Les disciples se mettent après-coup, à voir et à reconnaître que tout ce qui était annoncé, se passe, mais se passe aussi dans leur vie à eux.

 

Reconnaissons que parfois, nous sommes un peu à côté de la joie de la résurrection, parce que, à cause de notre mémoire, on a raison de ne pas toujours être joyeux.

Et pourtant, cette résurrection, elle n'est pas placée à côté de notre vie, elle est dedans nous.

Alors c'est un long chemin.

Il ne faut pas s'accuser de ne pas être joyeux comme il faudrait l'être, parce qu'on a dit que c'était la résurrection.

Mais c'est toute la vie du baptisé qui, progressivement, fait disparaître ce mur qui sépare d'un côté notre mémoire et puis de l'autre, ce qu'on nous dit : Jésus est ressuscité.

 

Alors, quelle est la finalité de toutes ces choses-là ?

C'est ce que nous avons entendu à la fin de l'Evangile et c'est ce que fait Pierre dans la première lecture : c'est d'annoncer, c'est d'en être témoin.

Alors, ça n'est pas d'aller immédiatement aux carrefours de Bar-sur-Aube dire que Jésus est ressuscité.

Encore que, Nora, si vous voulez le faire, vous pouvez.

Mais c'est plutôt, sérieusement, tout simplement, de laisser paraître cette joie qui n'est pas feinte et qui n'est pas non plus exubérante ; une sérénité qui est l'unification de notre cœur.

 

D'un côté, on nous dit qu'il est vivant et de l'autre, on a parfois encore des tombeaux, pas complètement ouverts en nous.

Faisons, progressivement avec la puissance de l'Esprit Saint, laissons disparaître ces murs, ces portes, ces pierres qui ferment l'entrée du tombeau pour que, et notre histoire d’une part,et notre mémoire et cette nouvelle de la résurrection se fécondent.

Ça tombe bien c'est le printemps.

 

Vous allez voir que nous avons besoin de ces fécondations autour de nous,pour voir apparaître de beaux fruits.

Que les fruits soient beaux, en grande quantité et savoureux dans notre vie.

 

Amen.


Mardi 29 mars : octave de Pâques

Ac 2, 36-41 : Les premières conversions

Ps 32

Jn 20, 11-18 : L’apparition à Marie de Magdala

 

Nous avons des textes magnifiques pendant toute cette octave, ces jours qui suivent Pâques : à la fois des récits de résurrection ou de découvertes du Ressuscité et puis ces grands propos dans les actes des apôtres, notamment de Pierre, pour proclamer, ce qu'on appelle le Kérygme : proclamer que Jésus est ressuscité, se réapproprier cette bonne nouvelle de la résurrection et essayer de la traduire, pas uniquement dans la langue, (mais on va dire) dans la mentalité religieuse de son auditoire.

 

Et donc, réinterprétant toutes les Ecritures, ne fallait-il pas etc... ?

Nous avons une démarche à peu près semblable à celle des disciples d'Emmaüs, où Jésus lui-même (il était encore inconnu, pas reconnu par les deux disciples: Cléophas et son compagnon), Jésus lui-même vient se faire l'interprète de toutes les Ecritures : « il était annoncé que cela devait se passer, voilà !ça s'est passé.

Et comme ça s'est passé, il faudrait que cela se passe pour vous, aussi ».

 

Et c'est bien le sens de l'octave : il faudrait que cela se passe pour vous, aussi.

Alors ça commence à se passer pour Marie Madeleine, dans l'Évangile.

Un tombeau vient s'ouvrir pour elle, en elle.

Et il lui faut être messagère de cette nouvelle-là, pour les disciples : « va trouver mes frères et dis-leur : …», pour qu'elle aussi, vienne ouvrir des tombeaux dans le cœur des disciples : « Il est ressuscité celui que vous cherchez, il n'est plus là, il est en train de monter vers le Père ».

 

La résurrection du Christ c'est aussi la nôtre.

Jusqu'à l'Ascension et jusqu'à Pentecôte, c'est cela que la liturgie va beaucoup réaffirmer : c'est aussi notre résurrection.

Il ne suffit pas de se réjouir de la résurrection du Christ.

Avec un côté un peu trop simplet, je pourrai dire : « Grand bien lui fasse ! »

Mais il faut que ce soit aussi la nôtre, et ça commence à être celle de Marie Madeleine.

 

« Ne me retiens pas parmi les morts, et après tout, si tu me laisses monter vers le Père, sans doute alors, en toi, un tombeau va-t-il s’ouvrir ; pour que désormais, l'avenir ne soit plus dans le passé, mais soit devant toi.

Va trouver mes frères.

Sèche tes larmes.

Cesse de chercher ton Maître, là où il a été déposé. »

 

Alors, pour nous aussi, cela nécessite de notre part une décision, donc on est bien dans l'ordre de la foi.

Une décision.

Il nous faut nous décider à ce que ce le soit ainsi, pour nous.

Et donc, la manière de nous décider, c'est d'abord certes, le vouloir, mais le demander à l'Esprit Saint.

 

Et que notre prière à l'Esprit Saint réclame pour nous, ces ouvertures de nos tombeaux intérieurs. Amen.


Dimanche 27 mars :Pâques

Ac 10, 34a. 37-43 : Discours de Pierre chez Corneille.

Ps 117

1 Co 5, 6b-8 : Admonestations.

Jn 20, 1-9 : Le tombeau trouvé vide.


Chers amis, en cette fête de Pâques, je vous propose trois verbes, comme trois petits jalons sur un parcours qui va récapituler à la fois tout le carême que nous avons vécu, cette merveilleuse finale avec la résurrection, et au fond tout le sens de la vie, chrétienne ou non d'ailleurs.

Ces trois verbes : chercher, creuser et bâtir.

 

Chercher : alors non pas tellement les œufs de Pâques, peut-être l'avez-vous fait ou cela va venir tout à l'heure avec les enfants, (les cloches sont revenues de Rome).

Mais, plus sérieusement, une recherche beaucoup plus longue de tout homme et femme qui, arrivé à l'âge mûr, essaie de durer comme il peut, face aux événements de l'existence qui se présentent à lui : événements heureux, qui sont parfois, souvent, d’heureuses coïncidences ;événement malheureux, qui sont des événements non souhaités, redoutés, dont nous voudrions être épargnés.

 

Celui qui cherche, ça peut être chacun d'entre nous, mais aussi l'un ou l'autre disciple de l'Évangile.

Et ces hommes qui ont été appelés par Jésus, hommes et femmes, ont été appelés parce qu'ils étaient disposés à recevoir un appel de l'Esprit dans leur vie.

Ils se sont mis en route et peu à peu, ils se sont rendus compte que, dans leur Maître et avec leur Maître, ils pouvaient chercher comme des sourciers.

Si vous ouvrez les pages de l'Évangile, vous verrez que ces hommes et ces femmes cherchaient Dieu. 

 

Aujourd'hui, nous cherchons, et nous cherchons partout où il y a quelque chose qui brille.

Tout ce qui brille, n'est pas d'or.

Nous l'apprenons souvent à nos dépens.

On appelle ça dans la bible, des idoles.

Il y a des choses qui brillent qui sont parfois des miroirs, de pâles reflets de nous-mêmes qui nous donnent l'illusion d'avoir trouvé un infini, mais souvent on se choque contre des parois de verre et on cherche, et on cherche et on s'assèche à force de chercher.

 

Les disciples, à l'occasion de la mort de leur Maître, de son arrestation, de sa mort, ont été grandement remis en question et quelque chose s’est transpercé en eux ou s'est ouvert, à l'image de ce tombeau au petit matin de Pâques.

Vous avez vu que, jamais, (et c'est très différent d'un certain nombre de films), jamais on ne raconte dans l'Évangile (il y a de nombreux récits de la résurrection chez Saints Luc, Matthieu,Marc et Jean, quand je dis nombreux : il y en a un par Evangile), eh bien, on ne dit pas que Jésus se regonfle tel un édredon dans lequel nous aurions mis de l'air, et qui se met assis puis debout, et qui se met à parler comme une sorte d'être qui se réanimerait.

Jamais.

Les témoins de la résurrection sont témoins d'un tombeau vide.

Et, avant de se mettre à croire, il y a un certain délai.

Chez St Jean, c'est Jean lui-même qui se met à croire assez rapidement : "il vit et il cru", c'est sur cette phrase que nous avons terminé l'Évangile à l'instant.

Mais c'est bien le seul, d'ailleurs.

Parce que sinon, pour les autres récits, ce sont des femmes qui voient et qui croient, (surtout d'ailleurs parce qu’un messager céleste leur dit de croire), et puis ensuite, elles vont témoigner auprès des hommes qui mettent un certain temps à croire.

Vous savez, il faut 40 jours, jusqu'à l'Ascension.

Voyez, ça prend du temps.

Mais, parfois, il faut une vie.

Ma foi, 40 jours, c'est déjà pas mal.

Eh bien, pour que, ce tombeau qui s'ouvre et qui est vide, équivaut dans nos vies à ces parois qui se transpercent, à ces murs qu'on s'est fabriqués qui tombent et à ces faux miroirs qui se brisent, c'est à cette condition (creuser) que nous pouvons trouver ce que nous cherchons.

Un sourcier, une fois a-t-il trouvé une source, encore faut-il creuser !

 

Et c'est le deuxième verbe : creuser.

La magnifique nouvelle de la résurrection, c'est que (dans ce bas-monde, nous avons perdu l'habitude de creuser. Nous ignorons les intériorités, les arrière-mondes. Nous avons oublié le ciel. Nous l’explorons d'ailleurs le ciel, on a bien vu que le bon Dieu, il n'était pas sur la lune, (donc on considère qu’il n’y a ni bon Dieu ni sur le ciel, ni sous terre, ni en nous, ni autour de nous). Eh bien, c'est bien dommage. Parce qu’à force de perdre cette habitude de creuser, nous devenons aussi fragiles qu'un fétu de paille au vent), la grande nouvelle de la résurrection, c'est que ça vaut la peine de creuser : rappelez-vous ce tombeau ouvert, il est plein de vide.

Mais, plein de vide signifie : présence.

Et si nous ne faisons pas attention à nos propres existences, un jour en se réveillant, on peut se rendre compte qu'on est plein de vide.

Attention au vertige !

Car il n'y a pas grand-chose pour combler ces manques : des médicaments, de l'alcool, du sexe, du mensonge.

Que faire pour combler ce vide ?

Or celui qui creuse, trouve une présence.

Pour le chrétien, c'est la divine présence du ressuscité, cette brise légère qui lui témoigne, que dans sa vie, quelqu'un demeure.

 

Le troisième verbe, c'est : bâtir.

Bâtir quoi ?

Non pas de nouveau des forteresses, de nouveau des miroirs, des murs, non pas bâtir de solides assurances qui nous protégeraient à nouveau des autres qui sont différents et nous renfermeraient sur nous-mêmes.

Non !

Bâtir, on va dire, comme un bateau qui nous permet de prendre la mer, la haute mer, et oser affronter vents et marées, mais faire tout autre chose que rester calfeutré dans un port.

 

Le chrétien, c'est celui qui a compris que le monde, rien, jamais rien ne l'arrêtera et qu'il sera vain de prier le bon Dieu pour que la terre s'arrête de tourner.

Dieu a créé cette terre, il ne va pas l'interdire de tourner.

Donc les événements continueront à affluer dans nos vies comme l'eau, sur les berges, sur les rivages, et il faut bien que nous accueillons ces évènements heureux ou malheureux.

Le chrétien, c'est celui qui accueille tous ces événements en Jésus-Christ, en Jésus-Christ ressuscité.

Il n'y aura aucune mauvaise nouvelle qui aura raison de lui.

Il y aura peut-être des mauvaises nouvelles, mais aucune qui aura raison de lui.

 

Chercher, creuser, bâtir.

 

Alors chers amis, mon vœu le plus cher, c'est que ce message, tel qu'il est répercuté par l'ange dans les récits de la résurrection, ce message de la résurrection du Seigneur, puisse toucher et interpeller chacun d'entre vous, tels que vous êtes et là où vous en êtes, dans votre vie, et que vous vous mettiez à vous dire : « ai-je une intériorité en moi, ?

Ai-je trouvé une présence dans les coins et les recoins et les vides de ma vie ? Suis-je prêt à prendre le large ?

Ou, en suis-je plutôt à me calfeutrer encore, dans mes solides assurances ? ».

 

C'est un don de l'Esprit Saint.

Je vous souhaite de le demander dans votre prière, si vous le voulez.

Rien, personne ne pourra vous y forcer.

En tout cas rien n'interdira les chrétiens de dire que, par là, passe la vérité.

 

Amen.


Samedi 26 mars : Veillée pascale

Gn 1, 1.26-31a : L’œuvre des 7 jours.

Ps 103

Ex 14, 15-15, 1a : Miracle de la mer

Cantique : Ex 15 : Chant de victoire

Is 55, 1-11 : Invitation finale.

Ct Is 12 

Rm, 6, 3b-11 : La vie avec le Christ.

Ps 117

Lc 24, 1-12 : Le tombeau vide. Message des anges.

 

Chers amis, un train peut en cacher un autre.

L'événement pour beaucoup parmi vous, c'est la résurrection du Seigneur. 

Ce soir, un autre évènement, pour d'autres ou pour les mêmes : c'est le baptême de ces enfants.

Mais l'un ne va pas sans l'autre.

On n'aurait pas célébré la résurrection du Christ ce soir, il n'y aurait pas eu le baptême de ces enfants.

C'est pour ça que certaines familles ont attendu patiemment, que la date arrive.

Ces enfants sont tous au catéchisme, (à part un petit frère ou une petite sœur), ils sont tous au catéchisme, inscrits par leurs parents, selon le désir ou pas des enfants, pour découvrir Jésus-Christ.

Il se trouve que,la majorité, c'est l'année, pour eux de la première des communions.

Comment communier à Jésus s'il n'y a pas encore ce baptême ?

Ça vient ce soir !

Un train peut en cacher un autre.

 

Mais, finalement ce qui nous rassemble tous, ce soir, c'est cette nouvelle éclatante, qui paraît très distillée dans tous les textes que nous avons entendus, c'est : « pourquoi chercher parmi les morts celui qui est vivant ? »

 

Ça, c'est bien le drame de l'humain.

Le drame de l'humain.

Alors, c’est souvent le drame des grandes personnes, d’ailleurs, (ce n'est pas tellement le drame des enfants, tant mieux pour eux !) ; c'est de toujours, pour les humains adultes, de se préoccuper, de regarder ce qui fait mal, de ce qui n'est pas beau, de regarder, en être obsédé, se tâter le pouls en permanence, se plaindre.

Bien sûr, qu'il faut être responsable ; bien sûr, qu'on ne vit pas dans le monde des Bisounours.

Mais ça n'est pas en étant aveugle, aveuglé, qu'on parviendra à guider qui que ce soit ou à se sortir soi-même d'un trou.

Encore faut-il oser regarder ce qui est plus lumineux, ce qui est plus interpellant, ce qui est plus beau, ce qui est plus stimulant.

 

« Pourquoi chercher parmi les morts celui qui est vivant ? » c'est cela, la force subversive de l'Évangile.

Ça n'est pas simplement un principe, des principes moraux : ne fait pas ci, il faut faire ça, le chrétien doit être attentif à ça ou veiller à telle chose.

C'est vrai ! mais c'est d'abord saisir la lumière pour que, dans l'obscurité qui nous traverse, (et ça, c'est le drame des adultes), l'obscurité qui nous traverse, nous sachions continuer notre garder un cap et non pas s'émouvoir à la première tempête et finir par tomber dans le trou définitivement.

« Pourquoi chercher parmi les morts celui qui est vivant ? »

Alors, Jésus est ressuscité une fois pour toutes.

Les chrétiens ne le font pas ressusciter tous les ans, il est ressuscité une fois pour toutes.

Mais on en fait mémoire de cette résurrection, d'ailleurs pas tous les ans, à chaque messe, tous les jours.

Bon, pour certains c'est tous les dimanches, pour d'autres c'est quelques fois dans l'année.

Mais après tout, c'est déjà ça.

Christ est ressuscité.

Au lieu de me morfondre, je lève la tête. 

 

Ce soir je vous propose comme signe, comme ligne directrice, la joie ou la beauté du baptême de ces 10 enfants.

Gardez en mémoire ces 10 enfants que vous allez voir baptisés.

Pour ceux qui le sont déjà, (ce sont tous ceux qui portent une petite bougie, que l'on va rallumer tout à l'heure), pour tous ceux qui sont déjà baptisés, en regardant ces enfants, que se réveille en vous, votre propre baptême : vous avez été baptisés bébé, vous n'avez rien demandé, vous êtes chrétiens, eh bien que votre baptême se réveille par l'exemple de ces enfants.

Si, il y en a parmi vous qui ne le sont pas, peut-être que, ce que ces enfants éveillent dans vos cœurs, vous stimulera.

 

Gardez-le, gardez cet événement pour que vous puissiez, les uns et les autres, trouver suffisamment de ressources en Jésus-Christ, pour traverser tous les événements que la vie vous impose, vous a imposés, vous imposera.

Être chrétien ne préserve de rien.

Être chrétien, ça expose à tout.

Mais parce que précisément, attachés à Jésus-Christ, ce tout-là, nous pouvons le traverser victorieusement.

Ça tombe bien, notre monde ne nous ménage pas.

 

Mais que, ces enfants soient pour nous, un profond appel qui vient du profond des âges, tels ces textes de la Parole de Dieu que nous avons accueillis, un murmure de l'Esprit Saint dans nos cœurs : « Réveille-toi d'entre les morts, toi qui, du fond de ton âme t'es endormi, toi qui t'es laissé engourdir par la peur ou l’émotion, réveille-toi, réveille-toi, ose affronter tout ce qui se présente à toi.

Le Christ est ressuscité, tu ne t'effondreras pas.

Que ton pas s'affermisse quel que soit ton chemin ».

 

Les enfants, avant de recevoir de l'eau, nous allons nous mettre à l'école de tous les amis de Jésus qui nous précèdent : les saints.

Nous allons les invoquer, nous allons prier pour qu’eux-mêmes se révèlent en nos cœurs.

Nous ne sommes pas tout seuls.

On est nombreux ce soir.

Il y a toute une famille dans l'Eglise du ciel, l'Eglise invisible qui nous précède et elle prie avec nous ce soir.

Et dans tous les diocèses de France et du monde, au même instant, dans cette nuit très sainte, d'autres, hommes et femmes sont baptisés et ils prient les saints.

Après, nous allons bénir l'eau, cette eau du baptême.

Nous allons plonger les cierges de Pâques dedans, ils seront baptisés eux aussi, et puis nous allons dire notre foi.

En disant notre foi, nous allumerons nos lumières.

Les enfants, vous serez baptisés dans cette foi : on dira que nous croyons en Dieu Père,en Dieu Fils , en Dieu Esprit ; nous dirons que nous croyons en l'Eglise ; que nous n'avons pas peur du mal, de la mort et du péché.

Et surtout, on dira : Jésus-Christ est mort et ressuscité.

C'est le baptême des enfants, mais c'est aussi le baptême de tous.

Nous serons tous aspergés d'eau ce soir, pour renouveler notre baptême.

Et ensuite, on confiera au Seigneur, ces nouveaux baptisés.

 

Je vous invite pendant quelques instants de silence, à penser à ces enfants, à penser à votre propre baptême, à penser à ce qui vous êtes en dès demain, dans votre vie et vous demander comment un tout petit souffle léger peut vous aider à affronter ou à traverser ce qui vous attend demain.

Car Christ vous attend demain.

 

Amen.


Vendredi 25 mars : vendredi Saint

Is 52, 13- 53,12 : Quatrième chant du Serviteur.

Ps 30

He 4, 14-16. 5.7-9 : Reprise du thème sacerdotal

Jn 18,1 - 19, 42 : La Passion

 

 Ce soir, je vous donne 3 mots, 3 verbes: fuir, porter, pleurer. 

 

Fuir, ou plutôt pour Jésus : ne pas fuir.

Jésus ne fuit pas.

Il ne fuit pas ses responsabilités.

Il va jusqu'au bout pour rendre témoignage à la vérité.

Et ce jusqu'au bout, ça va être la mort.

Jésus ne fuit pas, ne se prostitue pas.

Il ne va pas se livrer à des intérêts contradictoires, particuliers, des petits arrangements comme pour être agréable aux uns et aux autres.

 

Jésus est attaché à son Père ; ceuxet celles qui sont contre lui, cherchent aussi Dieu ; ceux et celles qui sont avec lui, le cherchent également.

Les uns et les autres ont du mal à accepter que Jésus soit tout entier à son Père et que, eux aussi, sont appelés à l’être, si vraiment ils veulent rencontrer Dieu.

Jésus ne fuit pas et nous invite à ne pas fuir.

 

Combien de fois, notamment grâce à notre monde moderne ou à tout ce que nous pouvons mettre en œuvre, combien de fois fuyons-nous, nous cachons-nous comme Adam au jardin d'Éden ?

Combien de fois nous cachons-nous derrière les autres?

Combien de fois nous cachons-nous derrière nos pseudos occupations ?

Combien de fois cherchons-nous nos intérêts particuliers ?

Combien de fois en voulons-nous gravement à plein de gens, parfois au bon Dieu, au lieu de regarder notre propre responsabilité?

Jésus ne fuit pas.

Et nous ?


Le deuxième verbe, c'est porter.

Nous le voyons dans l'Évangile, mais nous l'avons entendu dans la première lecture : le récit de ce Serviteur souffrant.

Jésus porte.

Il porte quoi ?

La croix, mais surtout le péché du monde.

Dans la tradition de l'Eglise, nousen distinguons 7 grands, péchés bien fumants, fameux, effrayants, qui sont bien de notre fait et pas toujours, là encore, du voisin : l'orgueil, la gourmandise, l'avarice, la luxure, la jalousie, la colère, la paresse.

 

Personnellement, chacun, moi, vous, au lieu de tourner autour du pot, reconnaissons notre péché pour mieux laisser Jésus le porter.

Acceptons le scandale de la Croix, sans quoi, c'est nous tout seuls, qui devrons porter ces péchés.

Nous allons en mourir.

Acceptons que Jésus les porte ; et les portant, nous les montre.

Quand il nous les montre, déjà, nous en sommes guéris.

Mais acceptons de les regarder.

 

Le troisième verbe c'est : pleurer.


Il se peut qu'on pleure, d'ailleurs, il faut pleurer : le Fils de Dieu est mort, notre péché est lourd, peut-être suscite-t-il des larmes.

 

Laissons les couler pourvu que ce ne soit pas des larmes de tristesse mais de joie, car Jésus, déjà, et ressuscité, lui qui nous aime.


Jeudi 24 mars : Jeudi Saint

Ex 12,1-8.11-14 : la Pâque

Ps 115

1Co 11, 23-26 : le repas du Seigneur

Jn 13, 1-15 : le lavement de pieds


Trois mots, pour rentrer dans le sens de cette célébration de ce soir.

 

Le premier mot, c'est le mot mémorial.

Mémorial : vous reconnaissez dedans un autre mot plus connu, mémoire.

Mémoire, mémorial, faire mémoire, se souvenir, se rappeler perpétuellement, de façon régulière ; c'est une vieille affaire dans la Bible, depuis l'origine de la Bible.

On a entendu dans la première lecture, un récit ; c'est celui de l'annonce de la libération de la terre d'esclavage : les hébreux enfermés en Égypte attendent avec impatience de pouvoir traverser la mer rouge, (on lira ça pendant la veillée Pascale).

Mais néanmoins, avant que ça n'ait lieu, il y a l'annonce qu'il faut célébrer, il faut partager un repas ; et ce repas, perpétuellement, tous les ans, il faudra le refaire.

Pourquoi faire ?

Pour se souvenir.

Ainsi, des siècles et des siècles et des siècles après, des parents et des grands-parents rassemblent les enfants et les petits enfants et disent : « Tu sais, vous savez, nos arrières arrières arrières arrières grands-parents étaient esclaves en terre d'Egypte et le Seigneur les a libérés.

C'est pour cela qu’on peut se rassembler ce soir et vous raconter cette histoire.

Et pour s'en souvenir, on fait ce repas.

 

Quand Jésus réunit ses disciples, lors du dernier repas, c'est ce qu'il fait.

Il est avec ses disciples pour faire la mémoire de la libération par les arrières arrières arrières arrières grands-parents,la libération de la terre d'Egypte.

Notre Seigneur est un Seigneur qui nous libère ; on le fête, on s'en souvient.

Et on le fait à l'occasion d'un repas ; c’est comme un repas d'anniversaire, mais pas l'anniversaire de quelqu'un, l'anniversaire de l’histoire, un événement, d'un fait : la libération de la terre d'Egypte.

Mémoire, mémorial, premier mot.

 

Le deuxième mot, l'eucharistie.

Alors les enfants, les petits loups qui êtes en troisième année de catéchèse, quatrième année de catéchèse, c'est quelque chose que vous connaissez par cœur, sur le bout des doigts.

Ceux de la deuxième année de catéchèse, vous êtes en train de le découvrir.

Et ceux de la première année de catéchèse, pour l'instant, c'est encore un petit peu mystérieux, pour les petits loups de première année.

 

L'eucharistie.

Donc on retient : Jésus est avec ses disciples, il fait la mémoire de la libération d'Egypte et il va modifier le repas.

Parce que dans ce repas, il fallait prendre un agneau.

Vous voyez ce que c'est un agneau ?

Il fallait le cuire et le manger, c'est souvent ce que font les familles, parfois, à Pâques : ils prennent un agneau, ils le cuisent et c'est le repas festif de la famille.

Donc, il l’a remplacé : il a pris du pain et du vin, c'est un repas un peu léger.

Et puis il a dit :" l'agneau, ça sera moi".

Alors les disciples ouvrent grand les yeux, ils ne comprennent pas.

"Je prends la place de l'agneau ", parce que l'agneau, il fallait le tuer comme toutes les bêtes qu'on mange, (parce qu'on mange des bêtes mortes, excusez-moi de vous l’apprendre).

« Eh bien moi, je vais donner ma vie et je vais être comme l'agneau, sauf que ce ne sera plus un animal, ce sera moi. Parce que moi, je donne ma vie au nom de mon Père, jusqu'au bout, pour que vous l'ayez.

Et d 'ailleurs, je viens vous nourrir de cette façon.

Mais vous n'allez pas me manger tout de suite : on va prendre du pain et du vin et ce pain et ce vin deviennent Corps et Sang, mon corps et mon sang.

Et vous allez faire pareil, vous allez vous en souvenir à chaque fois.

Quand je serai mort et ressuscité, vous allez vous rassembler, vous souvenir que désormais notre Père nous libère, mais plus seulement de la terre d'Egypte, il nous libère du péché et de notre cœur tout fermé.

Je me donne.

Corps et Sang, c'est moi ».

 

Et Jésus va le faire au moment d’un repas, c'est ce qu'on va faire ce soir.

Il prend du pain, il dit : "Ceci est mon corps livré pour vous ".

Il prend du vin, il dit : " ceci est mon sang versé pour vous ".

Il prend,il les bénit ; moi je vais les consacrer, il les partage et après il les donne.

Il dit :"merci" à son Père pour tout ce que son Père produit dans sa vie.

Et il dit à ses disciples : « faites pareil ».

C'est le deuxième mot : l'eucharistie. 


Le troisième et dernier mot, je pourrais dire service mais je vais dire engagement.

Les enfants est-ce que vous savez ce qu'est : s'engager ?

Je vais vous donner une image.

S'engager, c'est refuser de rester sur le bord de la piscine, mais c'est plonger dans l'eau : ça c'est s'engager.

S'engager c'est aussi dire: « Moi je ne suis pas dans le public, je rentre sur scène ».

C'est ce qu'Adam a fait ce soir : pour la première fois, Adam ne rentre pas sur scène mais il sert la messe.

Anthony aussi.

Il s'engage, il ne reste pas uniquement à regarder et à dire : « ah, c'est bientôt fini ; Oh oui c'est fini ! », et puis je m'en vais.

Pourquoi ?

 

Parce que Jésus, lors de ce dernier repas, il a lavé, non pas les mains, mais les pieds.

Alors, on ne mange pas avec les pieds, mais il a lavé les pieds parce que c'était un geste qu'on ne fait plus aujourd'hui, les enfants, c'est pour ça que ça peut paraître peut-être étrange.

Mais à l'époque de Jésus, on lavait les pieds, parce qu’à l'époque de Jésus, il n’y avait pas de voiture ni de vélo, et qu'on faisait tout à pied.

Et quand on arrivait chez quelqu'un, pour le soulager et pour qu'il soit propre (parce qu'on ne mangeait pas assis sur une chaise, on mangeait couché par terre) alors si vous étiez avec le nez sur les pieds du voisin pas lavés, ce n'était pas terrible pour prendre son repas.

L'agneau a beau être délicieux, il y a des limites.

Alors, on lavait les pieds.

Mais, c'est un geste de service, parce que ce n'est pas très agréable de laver les pieds.

Mais pourquoi, il le fait ?

Il l’a dit dans l'Évangile : « je le fais, pour que vous le fassiez aussi.

Le faire (ce soir, on va le reproduire), mais le faire, c'est pour dire : la messe ça n'est pas qu'une affaire de spectacle.

D'ailleurs, ça n'est pas un spectacle.

La messe, ça nécessite de bouger, ça nécessite de faire, ça nécessite de se secouer.

Le tout de la vie chrétienne ne se limite pas, qu'à la messe qui commence et à la messe qui se finit.

 

Je vais vous donner deux mots, encore.

Jésus lui, quand il donne sa vie, quand il nous demande de servir, de faire comme lui, il nous demande de quitter une affectivité, dans nos relations avec lui et avec les autres, trop chargée, trop compliquée : « je vais t'aimer parce que Jésus m'a demandé de t'aimer ; je vais donner ce que Jésus m'a demandé de te donner » ; mais on va le faire parce qu’on souhaite que l'autre nous rende ou nous aime : une affectivité sac de nœuds.

Ça produit des complications.

Quand Jésus, il aime ou il se donne, ça n'est pas pour que nous-mêmes, ses propres amis et disciples, on rentre dans des complications relationnelles et affectives qui transforment les communautés et le témoignage des chrétiens dans le monde, en chose : sac de nœuds.

Le bazar.

Jésus, il s'est battu contre ça avec ses disciples : il s'est battu contre Judas mais il l'a trahi, il s'est battu contre Pierre qui disait n'importe quoi, et il s'est battu contre deux disciples qui voulaient être chefs à la place du chef.

Tout ça parce qu'ils avaient bien compris que dans Jésus, il y avait quelque chose qui était de l'ordre de l'amour, mais ils n'avaient pas compris de quel amour il s'agissait.

C'est cette affectivité où on veut se faire valoir.

Dans cette affectivité-là, on est dans l’exclusif, c'est : tout, toujours, ou jamais.

Il n'y a pas de juste milieu.

C'est l'affectivité, "ragotage", complot : on raconte des petites histoires derrière, des murmures : un tel a dit, l'autre a dit, l’autre a fait,il ne fallait pas dire, il ne fallait pas faire.

Affectivité :sac de nœuds.

 

Les disciples de Jésus sont invités, par ce geste du service à passer à autre chose.

Et cet autre chose, c’est la charité, c'est tout autre chose.

La charité, c'est ce que je vis le Christ.

Quand il est en relation avec les autres, il n'y a pas de condition.

« Je te donne mais tu me donneras, je te dis un truc mais, tu me diras »… non !; « je te donne des goûters à la cour de récré mais tu m'as pas dit le secret de la copine » …: il ne rentre pas là-dedans Jésus.

Il donne, point, fini !

Et il passe à autre chose.

Ça, c'est la charité.

Il dit :"ma vie, nul ne la prend, c'est moi qui la donne".

Et cette manière d'aimer-là, c'est une manière d'aimer qui produit la joie et la paix.

C'est tout le contraire du sac de nœuds.

 

Alors quand on a vécu l'eucharistie, elle doit produire toute autre chose que le bazar.

Avant, pendant, et après.

Ce n'est pas uniquement le désordre, c'est un bazar : finalement nous, comme communauté ou comme chrétiens dans le monde, un bazar où on représente tout le contraire de ce que Jésus veut dire.

 

Jésus, il est don, il est pardon, point.

Eh bien ce soir, c'est ça, la Cène : il se donne, on va le refaire.

On va laver les pieds dans quelques instants, tout de suite.

 

Retenez ça les enfants : Jésus va jusqu'à aimer sans condition, sans rien attendre du tout.

On va laisser les deux diacres, moi-même, laver les pieds de douze personnes qui ont été choisies, de nos trois ensembles paroissiaux.

C’est pour dire : « voilà ! ce n’est pas le tout de regarder la messe.

Faites pareil entre vous, servez-vous et aimez.

 

Amen.


Mercredi 23 mars : mercredi Saint

Is 50,4-9a : Troisième chant du Serviteur

Ps 68

Mt 26, 14-25 : Annonce de la trahison de Judas

 

Beaucoup de littérature a été produite pour comprendre le personnage, le rôle de Judas dans cette trahison.

Nous sentons bien que, indépendamment de cette trahison, était montée déjà depuis longtemps contre Jésus, une volonté de s'en défaire.

C'est ce qui traverse l'Évangile, bien assez tôt.

Jésus le sait : par trois fois il va avertir ses disciples ; dans ces trois annonces de sa Passion, avant qu'il décide de monter vers Jérusalem.

 

Depuis samedi, dimanche, nous sommes à Jérusalem avec le Christ.

Nous poursuivons pas à pas le déroulé du texte de la Passion : préparation de la Pâque, trahison de Juda et demain nous rentrerons dans le Triduum (trois jours saints) avant de célébrer la nuit Sainte.

 

Le sens de ces jours saints, déjà depuis lundi (avant-hier), c'est à la fois pour nous montrer ou méditer ou nous renouveler dans la découverte de Jésus, profondément enraciné et attaché à son Père.

La figure du Serviteur souffrant que l'on trouve sous la plume d'Isaïe, est une bonne illustration de Jésus qui passe son chemin tout en accueillant ce qui se présente sur sa route, et en l'occurrence ici, l'adversité devant laquelle il ne va pas se dérober.

Et d'autre part, pendant ces jours saints, nous pouvons méditer sur l'attitude des disciples, et à travers ceux-là, nous-mêmes.

N'ayons pas de peur de laisser surgir en nous toute l'émotion que peut susciter cette identification à Jésus.

Ça n'est pas pour nous faire du mal, c'est pour renouveler notre attachement à la résurrection dans notre vie.

Nous chrétiens, nous ne sommes pas du tout, mis à l'écart de tout ce qui fait la vie des hommes et des femmes d'aujourd'hui.

Et dans ce qui fait la vie des hommes et des femmes d'aujourd'hui, il y a des peurs, il y a des chances, il y a des pièges, il y a des signes de Dieu.

Il se trouve que pendant la semaine Sainte, nous avons affaire, beaucoup, à des pièges.

Mais à la résurrection, nous voyons comment la fidélité du Christ à son Père a raison de ces pièges.

 

À notre tour, alors, notre propre fidélité au Christ aura raison de ce qui se présente sur notre route et qui parfois ralentit notre marche.


Dimanche 20 mars : Les Rameaux

Lc 19,28-40 : l’entrée messianique à Jérusalem

Is 50, 4-7 : le troisième chant du Serviteur

Ps 21

Ph 2, 6-11 : l’abaissement et l’élévation du Christ

Lc 22, 14 - 23, 56 : La Passion de Jésus

 

Nous venons les mains vides et nous repartons avec du buis qui est béni.

Parfois nous repartons avec une pleine brassée de buis.

Nous allons en orner des croix, des crucifix dans nos maisons, ou peut-être chez certains dans des cimetières.

Nous en avons besoin.

Cette espèce de besoin obscur qui traverse les vies de chacun, face à la fragilité de notre existence.

 

Nous venons de terminer un hiver, aujourd'hui c'est le printemps.

Et combien sommes-nous fragiles devant l'obscurité, le froid, les évènements qui surgissent, pour lesquels nous ne sommes pas toujours préparés.

Et puis, il y a ce que l'on nous raconte à la télévision,

il y a ce qui se dit près de chez nous,

il y a ce qui se dit dans nos familles,

il y a ce qui se dit dans nos corps et dans nos têtes.

Nous avons besoin de protection,

nous avons besoin de réconfort,

nous avons besoin de consolation.

 

Jésus aussi.

Vous avez peut-être perçu par exemple qu'un ange le réconforte alors qu'il prie son Père, lui qui est dans le jardin des oliviers.

 

Nous sommes venus à cette célébration, attirés peut-être par la fête elle-même, par notre amour du Christ et parce que nous avons besoin de ces rameaux.

Jésus, lui a besoin de cet âne pour entrer à Jérusalem.

 

Avant de comprendre ce que signifie cette entrée à Jérusalem pour nous, il est bon de se redire que nous sommes d'abord attachés à Jésus-Christ.

Le point commun entre chacun d'entre nous c'est une histoire d'amour.

Nous avons été saisis de diverses façons par le Christ : peut-être à notre insu, depuis toujours (nos plus lointains souvenirs sont des souvenirs de foi chrétienne)

peut-être que c'est plus récent dans nos vies,peut-être que des choses se sont réveillées en nous à l'occasion d'obsèques, de mariage, d'une visite impromptue, une rencontre, une parole entendue à la télé ou ailleurs.

 

Mais notre présence ici signe d'abord,notre attachement à Jésus ; nous sommes attachés à lui, une histoire d'amour.

Et comme les disciples, nous le suivons, nous essayons de le suivre, pourvu que nous nous identifions à lui, car la parole de Dieu, toujours, nous rappelle : ce que vous entendez, la parole que je vous dis, il faut la mettre en pratique ; pourvu que nous nous identifions à Christ.

Sans doute, c'est ce que nous faisons, chacun à notre mesure, avec nos moyens.

 

Comme les disciples, nous le conduisons jusqu’au seuil de Jérusalem.

Sauf que voilà, le drame commence, et c'est le sens de cette semaine Sainte, de cette entrée dans Jérusalem.

Peu à peu, nous allons vivre une distanciation, une mise à distance, un éloignement, un abandon.

La joie qui caractérise les disciples, à l'entrée de Jérusalem est sans doute la nôtre : Jésus est important pour nous.

Mais, nous voyons qu'il va mourir, seul.

Et ceux qui seront les plus proches de lui, seront deux malfaiteurs.

Les disciples ? envolés.

L'enthousiasme de Pierre ? fondu comme neige au soleil ; Judas ? ; les autres disciples ?

Alors, il y a bien des femmes qui pleurent à Jérusalem sur le passage de Jésus, mais Jésus se retrouve seul.

Alors c'est le sens de cette semaine Sainte, ce n'est pas la semaine la plus rigolote que nous pouvons vivre dans la liturgie chrétienne et pourtant c'est le centre même ; le centre, de notre foi.

Car, ne nous y trompons pas, nous ne sommes pas en train de célébrer la mort d'un homme, nous célébrons le don de sa vie ;le don de sa vie.

 

Nous ne pouvons pas le retenir, c'est pour cela que c'était un âne qui le fait entrer jusqu’au lieu de son accomplissement, ce ne sont pas ses disciples, ce ne sont pas les opposants de Jésus, c'est personne ; c'est un âne car, et les uns et les autres devront se résoudre à accueillir ce que Jésus donne : lui-même.

Personne ne peut prendre sa place.

 

Parfois, quand on aime quelqu'un, nous aimerions prendre sa place pour lui épargner bien des souffrances, des malheurs, des difficultés.

C'est souvent notre façon de comprendre l'amour, parfois : on aimerait que ceux que nous aimons, soient épargnés et pourtant, un jour, ils vont bien mourir et nous ne pouvons pas prendre leur place.

Il en est de même pour notre Maître.

Personne ne peut prendre sa place.

 

Il va vers le lieu de sa mort et non pas pour que cela soit signe d'une catastrophe ; il y va de manière libre, consentie, attaché à son Père, et c'est d'abord la fidélité de son Père qui va resplendir.

Et la résurrection est en filigrane et c'est bien ce qui va nous rassembler dans une semaine.

 

Dans une semaine, dans cette église, nous célébrerons la résurrection du Christ.

Donc, ça n'est pas une fin que nous célébrons, que nous anticipons, c'est d'abord une résurrection mais qui n'est pas possible si nous ne consentons pas à vivre cette distance : celui auquel nous sommes attachés doit partir seul.

Partant, il nous révèle ce qui nous est désagréable : notre lâcheté, notre petitesse, notre misère, notre insuffisance, etc : ça, ce sera le vendredi Saint. 

Vendredi Saint : une liturgie très dépouillée, où le silence domine.

Je souhaite que nous soyons là, entourant ensemble la Croix, non pas pour se faire mal mais pour dire jusqu'où, l'amour gratuit du Père, en Jésus, va.

 

Nous avons vu que la lecture de la Passion commençait par la Cène, ce sera jeudi, la veille : le jeudi Saint.

Au fond, pourquoi continuons-nous à nous rassembler, nous les disciples de Jésus ?

Parce qu'il nous a dit de le faire.

Et pourquoi est-ce toujours autour d'un repas, même le dimanche?

Parce que c'est ce qu'il a fait et il nous est demandé de le refaire : la Cène. 

 

Mardi, tout le diocèse sera rassemblé, dans le département, les chrétiens qui pourront s'y rendent autour des prêtres, de notre évêque.

Nous serons rassemblés à Troyes à l'église de Notre-Dame des Trévois, boulevard Jules Guesde, pour renouveler les promesses des prêtres,

 renouveler les promesses des diacres,

 renouveler les promesses de notre Eglise.

Car le Christ, vous l'avez entendu dans la Passion, a demandé à Pierre qu'il affermisse la foi de ses frères.

Notre Eglise, en permanence, à l'image de chacun d'entre vous, connaît des variations de sa foi et de sa fidélité.

Et nous avons besoin toujours, d'un autre ou d'une autre pour nous raffermir.

C'est pour ça que nous avons un évêque, qui lui-même, s'appuie sur des prêtres et des diacres.

Ils ont besoin de raffermir aussi leur foi et leur fidélité, ce sera mardi Saint.

Et mardi Saint seront consacrées, les huiles avec lesquelles nous pourrons baptiser ces dizaines d'enfants et de jeunes qui seront là, devant nous, samedi soir ; ces quatre enfants qui seront baptisés dimanche matin ; ces quatre jeunes qui seront confirmés au mois de juin dans notre église ; ces dix adultes qui seront confirmés la veille de la Pentecôte à Troyes, dix adultes de notre paroisse.

Nous avons besoin de ces huiles : Saint Chrême, huile des catéchumènes et huile des malades.

Nous visitons les malades dans les maisons de retraite ou à domicile.

Combien d'entre eux ont besoin de la puissance du Ressuscité dans leur faiblesse, à travers cette huile.

Ça, c'est mardi. 

 

Samedi, la journée, il n'y a rien, rien.

La nuit.

Seul jour dans l'année où il n'y a pas de messe, il n'y a rien, rien du tout, car le Seigneur est descendu aux enfers pour prêcher aux morts et aux vivants.

 

Chers amis, c'est bien un éloignement que nous vivons là, aujourd'hui, attachés à Jésus pour consentir à l'abandonner.

Car là où il va, il y va seul, attaché à son Père.

Et il nous invite : il nous invite à ne pas l’oublier.

Il nous invite à faire mémoire de lui chaque jour de cette semaine Sainte.

Il nous invite à renouveler notre fidélité à lui, pendant cette semaine Sainte.

Il nous invite à renaître d’une vie nouvelle la semaine prochaine.

 

Si aujourd'hui, c'est le printemps ; dimanche prochain, c'est Pâques.

C'est notre printemps, c'est notre résurrection.

 

Nous voici attachés d'une façon nouvelle, ça n'est plus le Jésus magique, le Jésus poussiéreux, celui que nous conservons au début de l'hiver dans nos maisons renfermées, c'est un Jésus renouvelé, qui nous renouvelle, prêt à ce que nous ouvrions nos fenêtres, nos portes pour accueillir les premiers rayons du printemps.

 

Entrons dans cette semaine Sainte avec toute sa gravité mais aussi avec toute sa promesse.

 

Mes frères, dans une semaine, nous ressusciterons avec lui.

 

Amen.


Jeudi 17 mars :

 

Nous confessons, nous croyons à Jésus.

Les détracteurs de Jésus par rapport à Abraham, nous par rapport à Jésus : il peut y avoir une ressemblance.

Laquelle ?

Il peut, ça nous guette toujours un peu.

Laquelle ?

 

Eh bien, le mot "mort" revient souvent dans ce texte, vous avez repéré.

Chez Saint Jean, il y a un vocabulaire qui n'est pas ultra riche, donc que souvent les mots reviennent, les mêmes.

Là, c'est le mot "mort".

Et ce qui est reproché par Jésus, c'est de penser que l'alliance qui a été scellée, la promesse qui a été faite par Dieu à Abraham, serait presque devenue comme caduque par sa mort, le fait qu'il soit loin, Abraham dans le temps : Abraham, c'est une histoire ancienne.

Alors oui, il a promis quelque chose (Dieu à Abraham) ; nous sommes liés à cela, nous nous en réclamons, mais c'est tellement ancien, tellement loin, que peut-être ça a perdu de son intensité ou de sa valeur dans notre cœur.

 

Jésus va rappeler par sa simple présence, que la promesse faite à Abraham, non seulement elle n'est pas caduque mais en plus, elle se réalise.

Et vous avez entendu, c'est quelque chose qui semble inaudible pour les interlocuteurs de Jésus.

Il dit : " ça se réalise en moi, car Je Suis, et j'étais même avant Abraham".

Dieu en fait, au fond, malgré le temps qui passe, demeure avec la même intensité des origines, la même puissance dans sa parole, telle qu'elle a pu mettre en route Abraham et tout un peuple.

Elle demeure loin après.

 

C'est pareil, nous, dans notre relation à Christ.

Vous savez qu’on se prépare à la célébration des Rameaux, et cette semaine c'est une sorte de catéchèse pour bien rentrer dans cette célébration, où nous allons être parfois plus occupés par nos Rameaux eux-mêmes, que par ce que signifie cette célébration : l'entrée dans la semaine Sainte.

 

Nous avions en début de semaine l'idée : Jésus part seul jusqu'au lieu de son accomplissement.

Nous ne pourrons pas le suivre, malgré notre bonne volonté.

 

Ensuite, nous avons : « Ecoutez ma parole, demeurez fidèles à ma parole » parce que Jésus s'éloigne mais néanmoins nous avons comme ligne de vie ou fil d'Ariane avec lui, malgré la distance,nous avons sa parole.

 

Et aujourd'hui, on pourrait dire, sa parole, elle est puissante elle est performante.

Sa parole, malgré la distance, malgré le fait que nous le voyons s éloigner de nous pour aller jusqu'au lieu de son sacrifice, malgré le fait que nous avons conscience que nous sommes pécheurs, cette parole demeure et elle est dans toute son intensité, son éclat ou son pétillement des premiers instants.

Et c'est là, qu'on est presque amené à retourner au commencement : l'appel des premiers disciples, « viens, suis-moi », l'appel des premiers instants, cette fraîcheur qui nous met en route.

Eh bien revenons à cette fraîcheur qui nous met en route.

 

Et ne pensons pas qu'elle devient caduque parce que Jésus s'approche de sa mort, parce que ça fait bien longtemps, parce qu'on est des vieux habitués…

Ne nous laissons pas emporter par ces tendances.

 

Entendons cette affirmation : « moi, Je Suis ».

C’est qui a été révélé à Moïse, de Dieu lui-même, c'est ce qui a mis en route Moïse, c'est ce qui a mis en route un peuple pour quitter la terre d’Egypte.

En amont encore, c'est ce que Dieu a pu révéler de lui-même, à Abraham, à Isaac et Jacob.

 

Cette intensité de Dieu qui vient toucher, ne la perdons pas.

Ne perdons pas le fil.

C'est une exhortation pour rentrer dans cette semaine Sainte.

 

Nous avons parfois l'expérience, surtout dans nos coins, du brouillard, des hivers longs, une certaine impatience à voir revenir les beaux jours, parfois une lassitude.

Eh bien il en est de même, il peut en être de même dans notre attache à Jésus-Christ.

 

Entendons cette parole : « moi, Je Suis » comme une exhortation de Jésus à demeurer fidèle aux commencements : « viens, suis-moi. Je ferai de toi un pêcheur d'hommes. »

 

Amen.


Mercredi 16 mars : 

Dn 3, 14-20.24-25 : Dénonciation et condamnation des Juifs. Reconnaissance du miracle

Cantique Dn 3

Jn 8, 31-42 : Jésus et Abraham

 

Déjà hier, je vous avais proposé de rentrer dans cette semaine et dans cette lecture de ce long discours de Jésus dans l'Évangile de Jean avec la perspective des Rameaux.

Et cette perspective des Rameaux, particulièrement, non pas le texte de la Passion que nous lisons aux Rameaux, mais ce texte de l’Evangile qui souvent, passe inaperçu, mais que nous lisons dehors, au tout début de la célébration des Rameaux : le texte qui narre l'entrée de Jésus dans Jérusalem, acclamé par les foules.

 

Alors hier, le texte de l'Évangile nous disait : « là où je vais, vous ne pouvez pas aller ».

Le Fils, rejoint sans nous, et nous devons bien y consentir, (que nous soyons ses fidèles disciples ou que nous nous situions (mais ça n'est pas notre cas) du côté de ses opposants) ; il part seul et nous ne pouvons pas l'accompagner, jusqu'au lieu de l'accomplissement de sa mission.

 

Pourquoi part-il seul ?

Parce que notre dimension d'être humain, notre cœur tel qu'il est, blessé depuis les origines, ne peut que consentir à ne pas être comme Jésus, même si Jésus est Dieu fait homme jusque quand notre péché.

Jésus est semblable à nous en toute chose sauf le péché, c'est la raison pour laquelle il y a cette distance à Jérusalem, et nous lelaissons partir : « là où je vais, vous ne pouvez pas aller ».

 

Ceci étant, plus la distance se creuse pendant les jours saints, plus notre péché nous est révélé.

Alors évidemment, la perspective de la résurrection nous rassure.

Nous savons que nous allons être graciés.

Mais néanmoins nous ne sommes pas complètement abandonnés ; si nous le voyons s’éloigner de nous, nous avons quand même un solide socle sur lequel nous arrimer : c'est sa Parole.

 

Le Fils s’éloigne, mais sa Parole demeure, ça c'est le texte d'aujourd'hui : « si vous demeurez fidèles à ma Parole, vous êtes vraiment mes disciples ».

Les chrétiens ne sont pas des hommes et des femmes qui s’enorgueillissent d'être pécheurs ; sinon nous aurions une vision très pessimiste de nous-mêmes et du monde en se battant la coulpe tous les jours et en n’avançant pas d'une seconde, ne progressant en rien.

 

Non, nous sommes pécheurs, très bien ; mais que sommes-nous ?

Nous sommes éclairés et sauvés et envoyés par cette parole.

Si nous n’y sommes pas fidèles, effectivement nous allons ployer dans cette vallée de larmes, de laquelle nous prions la très Sainte Vierge de nous aider à traverser.

 

Mais nous ne sommes pas sans rien, nous avons cette parole.

Alors cette parole, ce n'est pas que la parole du prêtre, c'est aussi la parole qui est à notre disposition dans l'Ecriture.

Il y a plein de petites paroles qui peuvent en nous, être des vrais cadeaux.

L'idéal, c’est que chacun trouve la sienne.

Mais je peux vous en proposer un petit florilège, qui sera très bref d'ailleurs.

Par exemple : « je serai avec vous jusqu'à la fin des temps ».

Ça c'est une parole de Jésus à la fin de l'Évangile de Matthieu, juste avant l'Ascension. C'est beau, ça !

Le fameux : « n'ai pas peur, n'ayez pas peur », adressé aux disciples.

Ça ce n'est pas le pape Jean-Paul II, c'est Jésus lui-même.

Ça peut être aussi une parole à laquelle s'attacher.

« Demeurez en moi comme je demeure en vous ». Troisième parole de Jésus.

« Va, ne pèche plus ! ». Encore une parole de Jésus.

Ça, ce sont des paroles de Jésus auxquelles on peut s'attacher.

Il y en a plein d'autres, ce sont les miennes.

L'idéal, c'est que nous allions faire un bouquet des paroles de Jésus pour nous, (rien que pour nous), paroles auxquelles nous pouvons nous attacher.

 

Et c'est cela qui nous permettra d'être, après la résurrection de Jésus, des disciples.

Des disciples conscients de leur misère, mais conscients d'avoir été sauvés.

 

Amen.


Mardi 15 mars :

Nb 21, 4-9 : le serpent d’airain

Ps 101

Jn 8, 21-30 : Jésus est le Fils de l’Homme

 

Nous venons d'entendre la rencontre de Jésus avec cette femme accusée d'adultère et donc depuis dimanche, la liturgie nous propose la suite de cette rencontre ; un long discours de Jésus comme cela est commun dans l'Évangile de Saint-Jean : le disciple bien-aimé retient les longs propos de Jésus, sur son œuvre et les œuvres que le Père lui donne et sa relation avec le Père.

On peut retenir de ce propos de Jésus, déjà une anticipation de ce que nous allons vivre à partir de la célébration des Rameaux, dimanche.

Retenons cette parole qui a été dite :" Là où moi je vais, vous ne pouvez pas aller ».

 

Il y a une identification très grande, une proximité importante qui se crée avec les disciples et leur Maître, et nous aussi sans doute, d’ailleurs, avec le Christ.

Alors nous savons que nous ne sommes pas parfaits...

Nous savons que nous avons plus à le connaître, c'est important aussi.

Nous savons que nous dédions beaucoup de temps pour lui, ne serait-ce que pour aller à la messe ou le temps qu’on donne dans la vie paroissiale.

Mais néanmoins, à moment donné, cette identification ou ressemblance avec Jésus, s'arrête.

 

Et à un moment donné, nous sommes obligés de le laisser aller, à un endroit où nous ne pouvons pas aller avec lui.

Ce n'est pas comme la garde du roi, qui va seule, à pieds, où seul, il doit aller.

Jésus lui, va jusqu’à Jérusalem pour vivre l'accomplissement de sa mission.

Et nous savons que cet accomplissement c'est ce don entier de sa vie.

 

Alors nous ne pouvons pas le retenir.

Peut-être le voudrions-nous, à la mode de Pierre lui-même : « j'irai partout où tu iras ».

On ne peut pas le retenir.

Car si nous le retenons, que peut-il se passer ?

Alors d'abord, on ne sait pas, parce que ce n'est pas comme cela que ça s'est passé.

Mais si nous le retenons, ce don entier de sa vie ne peut pas se produire.

Et nous ne pouvons pas le retenir, pour le simple fait que, le don de sa vie est absolument lié à l'imperfection de notre cœur.

 

Et notre cœur serait parfait, de cette façon, il ne se serait pas produit ce qui s'est passé à Jérusalem.

Donc, c'est ainsi : là où il va, nous ne pouvons pas aller.

Nous sommes obligés de nous séparer de lui.

Alors, par excellence, c'est ce que nous vivons au moment du jeudi Saint, après la célébration du dernier repas.

Ensuite Jésus va au jardin des oliviers, est trahi ; et là, les disciples ne peuvent plus l'accompagner.

Mais déjà, c’est anticipé avec la célébration des Rameaux : nous l’accueillons dans la liesse et nous savons que les mêmes qui l'accueillent dans la liesse, sont ceux qui vont l'abandonner.

Il n’y a qu’une nuit !

 

Alors, acceptons cette séparation, qui à la fois commence déjà à nous renvoyer à notre imperfection, mais en même temps, qui nous fait apparaître la lumière : celui qui vient éclairer notre cœur imparfait et contrit.

 

« Quand vous aurez élevé le fils de l'Homme », continue Jésus, sur la croix, (je le rajoute) « alors vous comprendrez que moi, Je Suis ».

C'est le nom de Dieu, Je Suis.

« et que je ne fais rien de moi-même ».

 

Eh bien cette semaine, vivons-la commune préparation à cette célébration des Rameaux où nous accueillons notre Maître mais qui, tout en étant notre Maître, nous le laisserons partir devant nous, avec une réelle impuissance de notre part.

 

Amen.


Dimanche 13 mars :

Is 43, 16-21 : Les prodiges du nouvel Exode

Ps 125

Ph 3, 8-14 : La vraie voie du salut chrétien

Jn 8, 1-11 :La femme adultère sauvée

 

Je vous invite à lire la lettre de Saint-Paul aux Philippiens, elle n'est pas très longue et elle est très intéressante.

Il est très stimulant Paul et il nous stimule aussi.

Toujours, il nous met au centre, le Christ.

Parfois, on peut avoir l'impression qu'il prend plein de détours pour nous faire aller au centre.

Mais dans la lettre aux Philippiens, il y va sans détour. 

Et que dit-il quand il s'adresse à sa communauté des Philippiens ?

« Il s'agit pour moi de connaître le Christ »

 . 
« Il s'agit pour moi de connaître le Christ »,eh bien, pour nous, aussi.

Nous le revendiquons depuis notre baptême.

Alors, nous n'avons peut-être pas beaucoup choisi notre baptême, mais c'est quand même notre métier de chrétiens que de chercher à connaître Jésus-Christ et d'avoir l'intention de le suivre et de l'aimer. 


La phrase suivante m'intéresse, pour nous, ce matin : " Il s'agit pour moi de connaître le Christ, d'éprouver la puissance de sa résurrection. "

 

La puissance : une énergie, un dynamisme, un ressort.

Sans doute, c'est cette puissance qui nous a sorti du lit ce matin, pour braver le froid et venir à la messe, comme tous les dimanches.

Sans doute, c'est cette puissance, qui fait de nos mines toutes réjouies, ces soleils radieux qui nous donnent envie de nous parler les uns aux autres.

Peut-être c'est cette puissance, qui donne envie de mieux connaître Jésus à travers notre communauté, parce que l'on voit qu'on s'aime comme des frères.

Peut-être, c'est cette puissance de la résurrection qui nous anime depuis que nous connaissons Jésus-Christ.

 

Mais malheur à nous, car il est une autre puissance qui, dans nos cœurs, produit toutl'inverse (sans doute ce qui se voit sur nos visages ce matin, d'ailleurs) ce cercle tout fermé, qui apparaît dans l'Évangile.

 

Dans l'Évangile, il y a deux formes qui apparaissent : un cercle (un cercle dangereux d'ailleurs), puisqu'il est formé par des hommes avec des pierres prêtes à être envoyées ;

et il y a une autre forme : verticale, avec Jésus qui se lève et se baisse et cette femme au centre.

 

Ce cercle, pour moi, et je vous propose pour vous, ce matin, il est comme le cercle d'une conscience étroite, venue du fin fond des âges, obsédée par le permis et le défendu.

Cette conscience religieuse qui est née de la montagne de la révélation de la Loi de Moïse, avec tous ses commandements qui apparaissent et qui sont autant de révélations d'une puissance contrariée, d'un cœur qui n'arrive jamais à aller jusqu'où il voudrait, car s'opposent contre lui, des lois: il est défendu de ceci, il n'est pas permis cela ;


les autres, qui sont parfois comme des véritables commandements contradictoires contre nous-mêmes : on aimerait bien, mais les autres nous empêchent de… ;

et puis parfois aussi, la dure loi de la nature qui vient contrarier la puissance du cœur.

Eh bien voilà, je vous ai beaucoup parlé de cheveux blancs qui font partie de ces signes du vieillissement, du ralentissement de nos corps qui contrarie considérablement la puissance de nos cœurs.

 

Nous sommes traversés d’une puissance.

Cette puissance souvent, elle est contrariée.

Et lorsqu'elle est contrariée, elle produit rarement de la joie, rarement du plaisir, rarement de la satisfaction.

Oui, elle nous enferme : ce cercle.
Et au lieu de nous libérer de ce cercle étroit, étouffant, d'une puissance contrariée d'un cœur, quand même un peu tourné sur lui ; au lieu d'en mourir, parce que c'est parfois très étouffant, nous avons inventé une échappatoire, une soupape de sécurité, ce sont les autres : ils deviennent la source de tous nos ennuis : « voyez-vous, c'est la faute des autres ! ».

 

Ces hommes, apparemment, dans l'Évangile, ils ne souffrent d'aucun péché, mais ils ont bien compris que cette femme est un vrai problème pour eux.

Mais on pourrait très bien inverser, il pourrait y avoir un cercle de femmes et un homme au milieu, ça serait exactement pareil.

C'est l'adultère qui est pointé dans l'Évangile mais vous pouvez mettre n'importe quel sujet qui pourrait être tabou ou difficile à évoquer devant une assemblée, sans que nous levions les bras au ciel.

Mais nous pourrions quand même généraliser tout ce qui serait source de jalousie, de violences (alors là, c'est le désir sexuel qui est pointé dans le texte).

 

Notez que Jésus arrive très bien à briser le cercle et à libérer cette femme, autant que les hommes d'ailleurs (vous avez vu que les deux sont libérés), en faisant miroir :

« Cette femme paraît être absolument grossière, mais vous, messieurs, ne l’êtes-vous pas ? » (J'imagine ce que Jésus pouvait avoir dans la tête).

Mais nous pourrions inverser: ces hommes pourraient être grossiers, mais vous mesdames ?...

Cet effet miroir renvoie toutsimplement à l’impuissance de notre cœur à aller jusqu'au bout de lui-même.

 

C'est ça, cette conscience religieuse du fond des âges, qui nous pousse souvent à vouloir atteindre Dieu au sommet de la montagne, à avoir des ambitions supérieures à ce que l'on est capable de produire par nous-mêmes.

Mais ça produit toujours, à terme, de la violence, de la division dans les communautés, des querelles fratricides(Caïn et Abel), de la mort, (cette femme aurait pu être lapidée) ; mais ne nous y trompons pas, ces hommes iront jusqu'au bout : ils tueront le Fils de Dieu.

 

Alors comment sortir de cette conscience religieuse du fond des âges ?

Donc, je vous rappelle : les tables de la Loi gravées par des éclairs, si nous avons des images du cinéma (mais il suffit de lire l’Exode, dans nos bibles).

Comment en sortir ?

 

Eh bien nous passons à cette autre forme: non plus le cercle de l'Évangile, mais cette verticalité : Jésus (ce va-et-vient entre la position debout et accroupie), qui va écrire une autre Loi, non plus sur les tables de pierre mais sur le sol et qui va laisser le péché de cette femme juger le péché non avoué de ces hommes.

 

Jésus, au fond, est en train de produire devant nos yeux ce que nous appelons : la Nouvelle Alliance, le Nouveau Testament ; ce que le pape François appelle la miséricorde, c'est-à-dire : en Jésus-Christ nous pouvons passer de cette puissance contrariée du cœur à la puissance du Ressuscité, mais si nous passons par les souffrances de la Croix.

Et les souffrances de la Croix, c'est ce que nous allons vivre en lisant la Passion au moment des Rameaux et au moment du vendredi Saint : c'est d'accepter de contempler notre misère.

Et au fond, Jésus transforme cette femme en une véritable croix pour ces hommes : « vous l'accusez, elle ? et vous-mêmes !»

En regardant notre cœur blessé, nous accueillons la puissance du Ressuscité.

Notre vie n'est plus à nous-mêmes mais elle est à lui, le Christ.

Nous passons alors d'une tristesse à une libération.

Et c'est la raison pour laquelle, nous sommes de beaux visages de la puissance du Ressuscité.

Voyez la conversion que Jésus nous permet de vivre.

 

Cette scène de l'Évangile, dans St Jean, est extraordinaire parce qu'elle déplie ce que,une parole de Jésus, ailleurs dans l'Évangile, (c'est dans Matthieu justement, le fameux sermon sur la montagne), lorsque Jésus dit :« qu'as-tu, toi, à enlever la paille qui est dans l’œil de ton frère, si tu n'enlèves pas la poutre qui est dans ton propre œil ?».

C'est exactement la même chose.

Sauf que cette magnifique rencontre de Jésus chez St Jean déplie ce mystère et anticipe ce qui va se passer avec Jésus sur la croix :

Cette femme ne sera pas lapidée, mais elle est un vrai miroir pour ces hommes.

Jésus lui, va mourir et il sera un miroir pour nous tous, hommes et femmes d’ailleurs, quel que soit notre péché, pas forcément l'adultère.

 

Alors, accueillons cette puissance du Ressuscité, au lieu de nous morfondre sur ce nous ne parvenons pas à faire, en pensant que c'est la faute des autres ;

au lieu de nous diviser en querelles fratricides;ou toujours en voulant nous faire le médecin et le juge d'autrui.

 

Acceptons cette intimité de Jésus-Christ, qui vient nous rejoindre au creux de notre vie ; là où est en train de pourrir une misère, mais où est en train de jaillir une source : sa Parole.

 

Amen.


Mardi 8 mars : St Jean de Dieu

Ez 47, 1-9.12 : La source du Temple

Ps 45

Jn 5,1-16 : Guérison d’un infirme à la piscine de Bethzatha

 

A partir d'hier et jusqu'à la Pentecôte, nous accueillons beaucoup de textes de l'Evangile selon St Jean. 
St Jean l'évangéliste, le disciple bien-aimé, porte un regard sur le Christ, un regard très perçant, pourrions-nous dire, qui décrypte les relations que Jésus entretient avec son Père ; et par la même occasion, la manière dont la compagnie du Maître fait naître dans le disciple cette porte qui s'ouvre vers le Père.

C'est une vision du Christ peut-être un peu plus spirituelle encore, pas désincarnée, mais qui creuse encore davantage l'identité même de Jésus.

 

Et nous avons cet Evangile qui nous est proposé : un homme, voilà, 38 ans, c'est immense dans une vie, sans guérison possible.

Il attend à côté d'un lieu, qui peut être un lieu de guérison, semble-t-il être pour d'autres.

Mais on sent cet homme dépouillé, d’une forme de volonté ou de détermination personnelle, une sorte de défaitisme.

Il ne demande rien à Jésus.

C'est Jésus qui l'interpelle : « veux-tu être guéri »?

La guérison arrive, il ne sait toujours pas qui est Jésus, cet homme qui l'a guéri. 


 Dans les Evangiles de Matthieu, Marc, Luc, une guérison produit immédiatement la découverte de qui est Jésus.

Là, non!

Il ne sait pas l'homme qui l'a guéri ; il ne sait pas qui est Jésus.

Et vous avez vu qu'il faut une série d'interlocuteurs pour que, progressivement, le lecteur que nous sommes, finisse par découvrir que celui qui est à l'œuvre, c'est Jésus et c'est le Père.

 

Si vous poursuivez la lecture dans l'Evangile de St Jean lui-même, vous découvrirez qu'à chaque fois, Jésus ne garde pas pour lui-même l'honneur produit par une guérison, un miracle ou un signe, mais il renvoie à Celui qui est à l'œuvre, son Père.

L'Evangile ne dit pas là, spontanément, explicitement, mais c'est bien ce qui est en jeu : toute guérison, chez St Jean, ouvre une porte, chez celui qui est guéri ou chez celui qui est témoin d'un signe,une porte vers le Père.

Et c'est ce qui va se produire chez cet homme et c'est peut être ça, la véritable guérison, plus encore que l'eau qui bouillonne de manière plus ou moins miraculeuse.

 

C'est ce que nous allons vivre au moment de la veillée Pascale, c'est ce que nous vivons par notre baptême, c'est ce que nous vivons dans notre compagnie du Christ.

Non pas simplement quelqu'un qui nous tient compagnie, non pas simplement quelqu'un qui occupe nos journées, mais celui qui, à cause de l'exigence de ce qu'il pose par sa parole et la puissance de sa promesse, creuse et continue à creuser en nous, pour une ouverture, non pas dans les amis du personnel, mais pour une ouverture sur Celui qui est la source, le Père en Jésus.

 

Alors dans cet Evangile, nous voyons le symbole baptismal : l'eau qui bouillonne, mais ce qui va être déterminant, c'est la rencontre avec Jésus-Christ, pas simplement le thaumaturge de Galilée ou l'homme qui occupe nos journées mais celui qui nous ouvre vers le Père.

 Prions pour tous ceux et toutes celles qui ont du mal à se redresser de leur grabat. 

 Prions pour tous ceux et toutes celles qui cherchent à mieux vivre et qui ont du mal à trouver celui qui redressera leur vie.

 Nous les portons dans notre eucharistie. 

 

 Amen.


Dimanche 6 mars :4° dimanche de Carême

Jos 5, 9a.10-12 : La célébration de la Pâque

Ps 33

2 Co 5, 17-21 : L’exercice du ministère apostolique

Lc 15, 1-3.11-32 : le fils perdu et le fils”fidèle”

 

La toute première lecture que nous avons entendue, que Hubert nous a lue, le livre de Josué, pour faire très bref, nous situe approximativement, une quarantaine d'années (un peu plus), après ce que nous avons lu le dimanche d'avant.

Le dimanche d’avant, nous étions au tout début du livre de l'Exode : Moïse se déchausse, voit un buisson ardent et découvre un Dieu qui se révèle à lui, Dieu révèle son identité et Dieu révèle aussi son projet d'alliance et de libération d'un peuple qui est enfermé dans une terre et qui a besoin d'en sortir.

Alors il choisit Moïse comme celui qui va être le premier de cordée de cette libération.

Vous savez, c'est l'épisode de la libération d'Égypte, la Mer Rouge qui s'ouvre en deux parts.

Et puis ensuite de l'autre côté de cette mer, une fois traversée, il y a le désert qui occupe pendant une quarantaine d'années le peuple de l'Alliance.

Moïse ne va pas connaître la terre promise ; ce n'est pas le désert, c'est ce qu'il y a encore après le désert.

Il va mourir en la voyant à l'horizon.

Encore lui fallait-il traverser le Jourdain.

Il ne le fera pas, il mourra.

Moïse était déjà fort vieux, il va désigner Josué qui va poursuivre cette aventure et c’est ce que nous venons d'entendre : le peuple est de l'autre côté du Jourdain, après avoir vécu une quarantaine d'années dans le désert.

Enfin il devient sédentaire et autonome ; il n'a plus besoin de manne, c'est cette nourriture qui tombe du ciel.

Il peut lui-même cultiver et récolter des fruits du sol.

 

Donc ça nous dit que l’entraînement…quarante ans et ça veut dire aussi qu'on avance assurément vers Pâques, puisque c'est bien l'objectif de ces cinq semaines d’entraînement du carême.

C'est de nous réjouir de la résurrection déjà à l’œuvre dans nos vies de baptisés, à l'œuvre dans la vie du monde.

Mais il faut que nous nous y convertissions, à cette résurrection déjà installée et c'est tout le projet de l'Évangile que nous venons d'entendre ; cette histoire que Jésus rapporte à ses détracteurs : un homme avait deux fils.

 

Alors, je vous propose d'accueillir cette histoire en faisant quatre pas.

On ne va pas marcher pendant 40 ans, mais on va faire quatre pas, quatre petits pas.

Vous allez voir, ce sont des pas considérables pour l'évolution de l'humanité.


Premier pas : le plus jeune des fils part.

Et Luc dit : il gâche tout,après avoir dilapidé l'héritage qui lui revient, et l’Evangile insiste bien pour dire qu’il était perdu,il s'est perdu (une terre ou un père).

Et puis alors, il va se vautrer dans le plus scandaleux qu'il puisse, il va se retrouver comme dépendant de porcs, alors que ce sont des animaux impurs pour lui par excellence.

 

Alors c'est une histoire comme d'autres, qu’il y a dans l'Évangile notamment dans ce chapitre de Luc, que nous venons d'entendre.

Ce fils perdu, il est semblable à la brebis perdue : vous savez un homme avait 100 brebis, il y en a une qui est perdue, il part à la recherche de celle qui est perdue.

Et puis il y a une femme, vous savez elle a perdu une pièce de monnaie, eh bien elle va se mettre vraiment en action pour la retrouver.

Eh bien le fils s’est perdu,et lui, il s’est retrouvé tout seul, c’est la différence avec la brebis et de la pièce.

Et il se dit : « je vais retourner chez son père", il revient et puis c'est la fête, c'est la fête comme pour l'homme qui a perdu sa brebis et c'est la fête comme pour la femme qui a perdu sa pièce, après les avoir retrouvées.


Donc le premier pas c'est de se dire : bon, c'est une histoire édifiante, si jamais un jour on se perd nous-mêmes, on sait que, peut-être, quelqu'un nous donnera le pardon si nécessaire, c'est un petit espoir. 
On peut rester très extérieur à ça.

Si on est chrétien, ce sont des choses quine nous disent pas grand-chose : une affaire de pièce de monnaie; et le fils, le plus jeune, quand même, entre nous soit dit, a été quand même lâche. 


Deuxième pas, beaucoup plus difficile, ça vaut quarante ans d’épuration.

Le deuxième pas c'est : je suis peut-être ce fils.

Ça n'est pas seulement un fils imaginaire, raconté dans l'Évangile. 
Certes,je ne suis pas une pièce ni une brebis mais je suis peut-être ce fils, moi, pas mon voisin.

Oui, effectivement, tout bien regardé, si je me retourne, peut-être que, un jour, j'ai été perdu.

Je suis tombé bien bas.

J'ai appris à rentrer en moi-même, ce qui ne m'a pas été donné de tout temps.

Et je me suis souvenu que mes racines, mon fondement se situent ailleurs, que là où je croyais les trouver, en m'éloignant.

Alors je me remets en route vers cette source et je me réjouis de savoir que je suis rétabli sur mes pieds et dans ma dignité.

Alors ce sont des histoires très variables entre les personnes. Ce n'est pas toujours une affaire d'abandon…

Il va y avoir plein de façons de se perdre et de se retrouver.

Chemin cuisant sans doute, il faut bien se le dire, pour le plus jeune fils.

C'est un chemin très cuisant pour lui et difficile, il perd la face : deuxième pas.


Troisième pas.

Oulala, encore quarante ans.

On devient vieux, nous-mêmes…, bien burinés par la vie.

Après s'être choqué aux autres, beaucoup à soi-même, beaucoup à tous les mystères qui traversent notre vie, on se rend compte que : peut-être, je ne suis pas simplement le plus jeune fils qui est parti, peut-être que je suis le fils aîné, qui est resté.

 

Que se passe-t-il pour ce fils aîné, qui est resté?

Ce fils aîné qui est resté, semble (l'Evangile ne nous en dit pas grand-chose), il semble pétri, quand même, de jalousie.

Ça ne vous rappelle pas quelque chose, du genre : Caïn et Abel dans la Genèse ?

Cette relation entre humains qui rappelle cette querelle fratricide ?

Au lieu de se réjouir de son petit frère qui est parti et qui revient, le grand frère qui semble être bien sous tout rapport, eh bien lui à son tour, perd la face, dans son éclat de colère.

Sauf que l'histoire ne nous dit pas la fin.

On ne sait pas, finalement, ce que va faire ce grand fils après avoir entendu son père plaider la cause du petit frère.

 

Nous sommes remis en question, au fond, dans notre relation, à l'intérieur de notre vie communautaire, quelque part ; et à l'intérieur de notre relation aux autres, notamment avec ceux qui sont à l'extérieur de la communauté.

La relation à la différence et la relation avec ceux qui nous renvoient, comme un éclair, notre statut de pécheur : c'est le drame du grand frère dans cet Évangile.

 

Alors pourquoi avoir fait un progrès magnifique, en identifiant le moment où nous avons traversé la mer, où nous avons quitté (les deux choses) et perdu la face et ensuite l'avoir retrouvée, on pense avoir fait un progrès ; et puis tout d'un coup, on se rend compte que peut-être : je suis un peu comme le grand frère.

Il y a un autre petit frère qui sommeille à côté de moi et qui m'agace et j'ai envie de juger, que j'ai envie d'exclure.

Sa vie personnelle je ne la connais pas, je voudrais qu'elle soit parfaite.

Je voudrais qu'un tel ou une telle, qui est assis à côté de moi, soit mieux.

Et pour quoi?

Parce que ce qu'il est, me renvoie à ce que moi-même, je suis et qui m'est coûteux.

Le fait est, qu'on peut vite s'enfermer dans un verre d'eau, se noyer dedans et tomber dans un grand pessimisme ; car ce qui est terrible avec cette histoire, par rapport au grand frère, c'est qu'on ne sait pas comment elle se termine.

L'histoire, juste, s'achève par rapport au frère, sur une note très pessimiste.

 

On peut en rester au petit frère et se réjouir qu'il ait été retrouvé, comme pour l'agneau ou comme pour la pièce, sauf que là, il y a un grand frère.

Quand les pièces ont retrouvé la pièce perdue, elles n'ont pas réagi et quand les 99 brebis ont retrouvé la centième, elles n'ont pas réagi, mais là il y a un grand frère.

Nous sommes un peu, à avoir tous un grand frère : d'autres qui, par leur itinéraire personnel, quelque part, provoquent chez nous jalousie et agacement.


Quatrième étape, quatrième pas, c'est le pas de la rencontre avec Dieu lui-même.

Car c'est bien notre vocation de chrétiens, attirés par le Christ et l'amour du Père qui nous presse.

Le quatrième pas c'est : je lâche mes armes, j'abdique, je dresse le drapeau blanc et je dis : Père, accueille-moi comme je suis.

Je ne suis ni le petit frère ni le grand frère, j'ai besoin que tu me guides, que tu m'aimes et que tu me libères.

Conduis-moi au large.

Ça, c'est notre vocation de baptisé.

 

Alors les plus jeunes, qui vont être baptisés à la veillée Pascale, on vous promet de vivre en Jésus-Christ.

Vous auriez 30 ans, 40,50 (ça arrive que l'on se fasse baptiser à ces âges-là), on vous dirait : eh bien, voilà, vous avez été jeunes comme ce jeune de l'Évangile, avec ses joies et ses chances, ses risques, ses dangers ; vous êtes déjà bien cabossés et burinés, Christ ne vous promet pas de ne plus connaître aucune bosse, jamais.

Voilà ce qu’on dirait

Christ ne vous promet pas ça.

Il vous promet juste quoi?

De connaître la profonde miséricorde du Père, de notre Père, de Celui qui fait de nous des frères et non pas des gens, non pas des ennemis.

Mais le jour de votre baptême, ce sera à la veillée Pascale, on sera tous là, on va tous renouveler notre baptême à nous et on va vous dire la même chose.

Voyez, vous êtes des vieux chrétiens, mais la vie ne vous a pas épargnés ; mais Jésus ne nous a pas promis d'être libérés ni de ces conflits ni de tous les dangers.

Christ nous a juste promis que nous connaîtrons la tendresse du Père.

C'est cela qu'il faut rechercher.

 

Et nous continuerons à connaître les antagonismes, les conflits, pourvu que cette tendresse du Père fasse de nous des frères et non pas des ennemis.

Voilà ce quatrième pas.

 

Alors à chacun de se situer si l'on est encore au premier, au deuxième, au troisième, au quatrième.

Parfois ça nous arrive qu’on traverse une case et qu'on revienne à la case départ, un peu comme au Monopoly.

Mais demandons au Père vraiment, avec l'intention que cette prière se produise en nous, que les effets de cette prière se produisent en nous.

Demandons au Père qu'il nous donne sa puissance pour que nous nous convertissions vraiment, à son projet d'amour pour nous ; que nous soyons des frères.

Alors si on se frite un peu en communauté, en paroisse c'est presque bon signe, ça veut dire finalement, qu’il nous reste à franchir la quatrième étape.

Nous sommes en route.

 

Amen.


Vendredi 4 mars : St Casimir

Os 14, 2-10 : Retour sincère d’Israël au Seigneur.

Ps 80

Mc 12, 28b-34 : Le premier commandement.

 

Nous savons que Jésus « n'est pas venu abolir la loi, mais l'accomplir ».

 

Accomplir la loi pour que le cœur de la créature, dans l'alliance, sache à nouveau se tourner vers Celui qui est le Créateur.

 

Et il y a des pratiques d'alliance, même des pratiques d'alliance inscrites dans la loi, qui coupent la créature de son Créateur : ces fameuses idoles dont on parle.

Tout ce qui, finalement, est construction humaine, ouvrage de mains humaines qui viennent séduire beaucoup la sensibilité plus que tout, le regard ; et qui peu à peu ferment le cœur sur lui-même, le faisant prendre pour sa propre source.

 

Si on se regarde déjà, (on ne va pas se regarder une deuxième fois), si nous sommes attentifs à la manière dont notre vie spirituelle fonctionne, nous repérons sans doute facilement, cette inclinaison du cœur à se tourner sur lui.

Mais il y a pas fois des pratiques et communautaires et personnelles de la foi, qui ne sont pas véritablement des ouvertures vers Celui qui murmure.

 

Le premier commandement que rappelle Jésus c'est : « écoute ».

 

Écoute.

« Tu aimeras le seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de toute ta force ».

Deuxième commandement : « et ton prochain comme toi-même ».

 

Écoute.

Ce que l'auditeur de Jésus rapporte dans sa réponse : « tu as raison maître, tout ceci vaut mieux que toute offrande d'holocauste et de sacrifice », c'est-à-dire, tout ceci vaut mieux qu'une certaine pratique d'alliance, un certain rituel (très important, au demeurant, qui marquent profondément l’histoire du peuple d'Israël), mais qui loupent leur cible, et qui, au lieu d'accueillir celui qui est l'alliance, l'oublient.

 

Écoute.

Raison pour laquelle, une nouvelle pratique d'alliance nous est donnée par le Christ, qui ne l'a pas inventée, elle est aussi dans l'Ancien Testament ; mais il la met en avant.

Ce ne sont plus les holocaustes ou les sacrifices mais c'est l'amour du prochain et de soi-même: meilleur chemin pour s’ouvrir vers Celui qui murmure, le Père.

 

Il y a du travail.

Seigneur donne-nous ta grâce.

 

Amen.


Mercredi 3 mars :

Jr 7, 23-28 : le culte sans fidélité

Ps 94

Lc 11, 14-23 : Jésus et Béelzéboul


Voilà, nous sommes invités par la parole de Dieu à découvrir Jésus comme celui qui est beau.

Et la beauté de Jésus ne peut se révéler à nous que, si jamais, nous mettons bien en perspective Jésus avec son Père.

 

 Dans son Evangile, Jean nous rapporte beaucoup les relations du Père avec Jésus.

 Jésus est l'envoyé du Père.

 La mission de Jésus, il ne se l'est pas donnée, il l'a reçue de son Père.

 Tous ceux qui viennent à lui, c'est le Père qui les attire à lui.

 Jésus les tourne vers le Père, il ne les retient pas.

 Cette filiation, cette relation entre Jésus et son Père est mise à durée preuve, nous le savons : la liturgie nous l'a fait découvrir déjà au premier dimanche de carême, son passage par le désert.

 Nous savons que nous aurons encore l'occasion, au moment de la Passion : le dernier repas, le jeudi Saint ; le vendredi Saint, notamment la scène à Getsémani ; ce cri sur la croix, de Jésus : "mon Père pourquoi m'as-tu abandonné ?"

 Cette relation est mise à rude épreuve mais elle demeure.

 Et elle demeure même au-delà de la mort puisque le Fils ressuscite.

 

 Celui qui pense que Jésus agit par le doigt du démon, pense que cette relation n'existe pas ou qu'elle est coupée, qu’en Jésus, il n'y a pas de profondeur, qu'il se donne tout à lui-même.

 Et effectivement, dans ce cas-là, celui qui pense ça, se ligote lui-même; car il se laisse aller à une interprétation de son propre cœur divisé et il tombe, comme par vertige, dans la fêlure ou la crevasse de son cœur divisé.

 Alors que le Fils, envoyé par son Père, ne vient pas vivre autre chose que la réunification de ces cœurs, ou bâtir des ponts dans ces cœurs blessés, meurtris, afin que l'homme ne tombe pas dans le vertige de ses crevasses intérieures.

 Si pour nous, Jésus n'est encore pas celui qui ravit notre cœur, il n'est encore pas beauté; celui qui n'est  encore pas complètement le centre de notre vie comme Christ(et tout ce qu'il nous apporte dans sa parole et dans son exemple), alors, si ce n'est encore pas cela, n'ayons pas peur.

 Mais empruntons la route qu'il nous trace ; allons-y, tournons-nous avec lui vers l'horizon de la croix et de la résurrection du Père.

 Si ça l'est déjà, tant mieux, mais attention : convertissons-nous en permanence, laissons cette beauté nous convertir afin qu'elle ne devienne pas notre propre reflet.

 Si ça l'a été et que ça ne l'est plus, ne nous décourageons pas.

 

 Demandons dans notre prière la force, la grâce de Dieu, son Esprit Saint pour que Jésus devienne pour nous, beau, lumière, lueur, pour que se réconcilient en nous, nos cœurs qui parfois, tellement divisés ou écartelés, auraient tendance à nous faire sombrer dans des déserts.

 Seigneur vient panser nos cœurs.

 Deviens pour nous le vrai visage du Père.

 Deviens pour nous lumière.

 

 Amen. 


Mardi 1° mars :

Dn 3,25.34-43 : Cantique d’Azarias dans la fournaise

Ps 24

Mt 18, 21-35 : Parabole du débiteur impitoyable

 

Nous sommes tendus entre deux promesses, deux réalités.

La première c’est : nous sommes vraiment contraints d’entrer dans une exigence de l’amour et de son impératif de croissance de notre perfection.

Nous ne le sommes jamais assez, donc il faut grandir dans cette perfection ; alors

cela se mesure par nos capacités, et ça apparaît plein de fois dans l’Evangile, et là, de manière resplendissante, nos capacités à raccommoder les liens avec nos frères, à nous purifier dans la vie fraternelle et à être dans le pardon.

 

Ailleurs dans l’Evangile, on voit apparaître aussi une idée semblable par rapport à soi-même et à Dieu.

Une sorte de remise de dettes, ça paraît dans la parabole dont Jésus parle.

Première réalité : un effort de notre part et une reconnaissance de dettes, et dans une remise de ces dettes.

 

Et puis, l’autre partie, c’est de dire, et c’est de croire, et c’est ce qui nous meut, pendant tout notre carême également : Jésus est mort pour nos péchés.

Il est la pierre angulaire sur laquelle le bâtisseur a bâti.

Il est ce que l’on dit dans un langage peut-être qui nous est moins familier, mais que, à travers toute l’histoire de l’Eglise, il est victime pour nos péchés, et de manière définitive.

Il n’y a pas besoin de renouveler ce don de sa vie pour nous sauver, nous racheter, nous remettre nos dettes, ces fameuses dettes.

 

Nous sommes entre les deux : c’est-à-dire, il y a des dettes à remettre et Dieu nous remet des dettes.

Et je devrais rajouter une troisième dimension, qui est : ce qui adviendra de nous-mêmes au jugement.

Ça, on ne le sait pas, quelle que soit l’excellente nouvelle (qui nous fait du bien), de savoir que nous sommes sauvés par le don de Jésus.

Rappelons-nous dans la prière du Notre Père, il y a cette double exigence qui apparaît : « Remets-nous nos dettes comme nous les remettons nous-mêmes ».

 

Alors peut-être qu’en accueillant cet Evangile d’aujourd’hui, on aurait l’impression peut-être d’être devant une exigence si grande (nous sommes chez Matthieu), si grande, que déjà nous sommes pécheurs devant même l’exigence qui nous est donnée : c’est-à-dire, il y a à s’efforcer à grandir dans le pardon.

Et en même temps, nous ne pouvons que faire le constat d’une impuissance ou d’une difficulté à être à la hauteur de ce qui nous est demandé.

 

Alors l’amour de Dieu est exigeant, mais l’amour de Dieu est amour : c’est-à-dire que, gratuitement, quelles que soient nos compétences, quelles que soient nos qualités, quels que soient nos efforts, eh bien il nous est donné quand même, mais il est exigeant.

Il est exigeant, il y a quand même des efforts à fournir !

 

Sans savoir ce qu’il adviendra après, grandissons dans ce besoin d’amour.

N’oublions pas que nos frères sont une image, pour nous, très précise, de notre disposition à nous laisser aimer par le Père.

 

Amen.


Dimanche 28 février :

Ex 31-8a.10.13-15 : le buisson ardent

Ps 102

1 Co 10, 1-6.10-12 : le point de vue de la prudence et les leçons du passé d’Israël

Lc 13, 1-9 : Invitations providentielles. Parabole du figuier


Chers amis, ce texte de l'Évangile est redoutable, il est difficile.

Et il nous remet en place comme si nous recevions une immense gifle parce que nous avons la fâcheuse tendance, en permanence, (sans nous en rendre compte en plus), à justifier le mal.

Alors, il fut un temps, où on disait (on ne le dit plus maintenant) : "qu'est-ce que j'ai fait au bon Dieu pour mériter ça ?"

On ne le dit plus, mais on va dire: "oh ça va, il y a plus pire ailleurs" en se réjouissant que la foudre de Dieu ne soit pas tombée sur nous, mais que ce soit plutôt sur le voisin, que le sort se soit abattu.

Donc on justifie (ça revient au même), on justifie, on donne une explication ou on essaie de donner du sens au mal qui frappe.

 

La première fois que ce texte, j'ai eu à le commenter, à en faire l'homélie comme prêtre, il y a six ans (ça revient tous les trois ans), je venais d'être ordonné prêtre et c'était à l'occasion, quelques semaines après le tremblement de terre qui a eu lieu en Haïti.

Redoutable tremblement de terre !

Donc, il y avait à l’actualité.

 

 Notre actualité à nous est tout autre, encore que nous sommes grandement en crise, bouleversés par un certain nombre de fléaux nouveaux que l'on croyait être au-delà de nos frontières et que nous pensions que nous pouvions en être prémunis encore.

 Ils ne nous atteignaient que par la presse ou par la télévision, mais maintenant ils deviennent proches de nous.

 

 Je vous propose un petit parcours en neuf points.

 Peut-être vous allez avoir l'impression que neuf points c'est trop, vous en auriez préféré que trois : eh bien c'est 3 × 3, ça revient au même.

On va se laisser guider par neuf lettres.

 

La première lettre, c'est la lettre C ; pour nous redire tout simplement que cette liturgie nous propose ce texte parce que nous sommes en carême.

C comme carême.

Pour comprendre quelle est la finalité que l'Eglise, le Christ veut donner à ce carême : un entraînement.

Je vous le rappelle, le carême n'est pas une finalité en soit, c'est un entraînement que nous pouvons très bien reproduire à d'autres moments dans l'année.

Et si certains sont zélés, peut-être trop scrupuleux même (pas trop j'espère), peuvent très bien poursuivre l'entraînement du carême après, ou à d'autres moments de l'année.

 Prière : la prière c'est valable tous les jours.

Une prière qui ne soit pas démonstrative mais qui cherche vraiment à retrouver le sens de gravité :le Père qui frappe à notre porte.

 Le jeûne : car nous avons une fâcheuse tendance à nous approprier un certain nombre de biens mais même des relations, un certain nombre de bienfaits (j'emploierai ce terme générique), comme pour colmater des points douloureux en nous-mêmes.

Jeûner de ces bienfaits, c'est mieux les ressentir, non pas pour souffrir mais pour les présenter au Seigneur, qui à travers ces points-là, cherche à se révéler à nous. 

 Et le partage : c'est la manière la plus concrète, la plus pratique à laquelle nous sommes conviés.

C'est le faire sans chercher à se faire voir, mais pour mieux se dépouiller mais aussi s'ouvrir à d’autres qui, eux aussi, ont besoin d'être soutenus.

 

Prière jeûne, partage, pour quoi faire ?


C'est la deuxième lettre.

La finalité de ce carême, c'est pour guérir, guérir de l'orgueil.

J'ai cherché dans le dictionnaire un mot plus savant : c'est pour dire plus précisément ce que je veux dire, de l'outrecuidance, c'est-à-dire cette fâcheuse tendance à penser, (à être présomptueux), à penser que nous avons une confiance excessive en nous-mêmes.

C'est un péché.

Car cela nous laisse glisser dans le péché suprême de notre cœur : cet enfermement sur lui-même.

L'orgueil, l'outrecuidance, cette confiance excessive en soi-même, la présomption, c'est pour ne pas voir ce vide intérieur, cette petite faille que le Seigneur a mise dès notre création et qui rappelle que nous avons besoin de lui, nous avons besoin des autres, nous avons besoin d'amour, nous avons besoin de pardon.

Mais si nous ne voulons pas le voir, alors nous pouvons nous enfoncer dans plein de mirages, oublier de jeûner et s’enfermer dans beaucoup de bienfaits qui vont nous rendre aveugles, oublier les autres pour penser que nous sommes bien supérieurs à eux-mêmes, oublier celui qui est notre origine : le Père lui-même.

 

Nous avons besoin de nous guérir de cela et le Seigneur nous fait passer par un désert pendant 40 jours.

Cet objectif du carême c'est de redevenir ce que nos pères dans la foi étaient, à la suite de Moïse.

Moïse qui découvre le Seigneur.

Il fait une vraie découverte de celui qui est plus grand que lui.

Et c’est Moïse qui va accompagner ce peuple dans le désert pendant 38 ans.

Moïse ne pourra pas aller en terre promise.

Il va laisser sa place encore quelques années à son successeur Josué pour que l'ensemble du peuple de Dieu parvienne en terre promise.

Quarante années pour redevenir nomade.

 

Alors j'invite le N, les nomades.

Nous sommes bien installés nous-mêmes, nous n'avons pas de maisons détruites, nous n’avons (pour des raisons économiques pour l'instant) pas besoin de bouger.

Peut-être que beaucoup d'entre nous se sentent encore en sécurité.

Il est bon d'être sédentaire et d'avoir des biens en sécurité, mais dans la foi, il est bon de rester des nomades, toujours attentifs à ce que le Seigneur met sur notre route.

Si nous ne bougeons pas, nous ne pouvons pas cueillir ce qui est fleur.

 

J'en reste à ce point-là : nomade.

Confiance excessive en soi-même c'est ce que le carême cherche à guérir en nous :

la confiance excessive en soi-même.

Retrouver cette dimension du pèlerinage dans le désert parce que si nous n'attaquons pas ces maux, si nous ne cherchons pas à devenir des nomades, nous pouvons alors tomber dans le péché de ce que nous entendons dans l'Évangile : le pire.

 

À chaque fois que un mal va apparaître sur notre route, qu'un obstacle va venir nous contrarier, nous allons toujours finir par penser que cet obstacle, ce mal va être la faute des autres ou bien va être voulu par Dieu.

Combien parmi nous, dans nos villages, dans nos familles, dans le creux de son cœur finiront toujours par expliquer, que ce qui fait souffrir, c'est la faute des autres.

Si quelque chose ne me plaît pas, c'est l'autre qui s'est trompé; si un fléau s'abat sur une population, c'est Dieu qui l'a voulu : non seulement c'est s'approprier Dieu, c'est se planter et c'est donner prise au mal sur soi-même.

 

Le quatrième point, un F.

Pour devenir nomade et pour guérir de cet enfermement, pour ne pas s'approprier Dieu et lui prêter des intentions qu'il n'a pas, le carême nous propose de devenir familiers de Jésus-Christ.

Combien d'entre nous pensent que les textes de la Bible sont difficiles ?

Combien d'entre nous pensent que la vie en communauté, elle est compliquée ?

Ben euh! c'est normal que ce soit compliqué et que la Parole de Dieu soit difficile.

Mais si on ne cherche pas à entrer dedans, ni dans la vie en communauté ni dans la parole de Dieu, elles demeureront difficiles.

 

Et si nous étions à l'école, le maître ou la maîtresse nous dirait : « manque d'efforts, paresseux, pourrait mieux faire » n'est-ce pas ? Non ?

 

Eh bien, c'est dommage parce que la parole de Dieu, c'est un véritable monument avec de multiples harmoniques et de son et de couleur qui méritent d'être découvertes, mais il faut y entrer.

La porte est ouverte, il suffit de passer par la porte et d'entrer à l'intérieur.

 

Les moyens sont multiples aujourd'hui.

Nous serions encore dans les années 30, vous auriez bien des raisons de penser que la parole de Dieu est inaccessible.

Mais aujourd'hui, quand même ! On en sait beaucoup plus sur les choses sans intérêt, facilement.

Alors pourquoi ne pas chercher à entrer dans la parole de Dieu ?

À donner sens à des mots qui nous paraissent incompréhensibles.

À comprendre l'histoire de sa rédaction.

C'est de cette façon que nous devenons familiers de Jésus-Christ.

 

Le cinquième point, c’est un i.

Je vous l'accorde, c'est un petit peu glissant : insu, à l'insu.

 

Retenez bien une chose : c'est que Dieu n'a pas besoin d'exister.

Si on ne le fait pas exister, si on ne dit pas oui à son invitation, Dieu existe quand même.

 Moïse ne se serait pas incliné devant le buisson ardent, Dieu aurait existé quand même, et il se serait révélé d'une autre façon.

 

Dieu est Dieu.

Il est aussi simple que ça.

 

Mais le mal, si on ne lui donne pas prise, si on ne répond pas à son appel, il n'existe pas.

Car le mal fait mal, à travers notre volonté, notre liberté.

Alors, qu'on n'aille pas dire que le mal agità notre insu.

 

Dieu agit à notre insu, c'est vrai.

Mais entendons par-là, non pas qu'il nous prive de liberté, mais qu'il existe tout simplement.

Et en plus, il nous a créés.

 

Mais le mal n'existe pas si nous ne lui laissons pas prise.

Et c'est le tort des personnes qui ont parlé à Jésus dans l'Évangile que nous venons d'entendre :

Des fléaux s'abattent sur des galiléens : ils pensentque c'est Dieu lui-même qui a fait ce mal.

Et il leur dit : « si vous continuez à penser ainsi, vous périrez de la même façon. »

Si vous laissez prise au mal dans votre vie, le mal va vous faire mal et vous allez souffrir.

 

Le 6e point : un a, amer, l’amertume.

C'est l'état spirituel de celui qui résiste, celui qui ne veut pas rentrer au désert, celui qui ne veut pas se convertir à la prière, au jeûne ou au partage, celui qui ne veut pas se livrer à la miséricorde (c'est cette offre qui nous est faite, petits et grands).

L'amertume, souvent les adultes la connaissent ; les enfants pas encore, tant mieux pour vous !

L'amertume, elle nous traverse; mais c'est la douceur de la miséricorde qui vient chasser cette amertume.

Parfois nous avons besoin de passer par l'amertume, pour mieux connaître le pardon.


Naître : le N.

Nous sommes appelés à naître, à renaître.

Le carême se termine par Pâques, c'est beau ; par le baptême surtout de ceux et celles qui se sont préparés au baptême, au moment de la veillée pascale ; et tous ceux qui sont déjà baptisés revivent leur baptême.

Nous naissons en Christ.

Nous avons besoin de nous dépouiller de l'homme ancien et dans le désert, de laisser nos carapaces et nos masques.


Le huitième point, c'est un C : le Christ.

Jésus-Christ est beau.

Laissons-nous toucher par sa beauté.

 

Ce chemin de carême n'est pas un chemin de tristesse, d'aridité.

Nous ne sommes pas en train de vivre une thérapie pendant le carême.

Nous sommes là, en train de nous entraîner à voir ce qui est beau.

Pourvu que Jésus-Christ soit beau !

Qu'ilne soit pas que le corps du Christ !

Qu'il ne soit pas qu'une formule de foi !

Que Jésus-Christ soit beau, et qu'il ravisse nos cœurs !


Neuvième point et le dernier, c'est un e : l'endurance.

Nous avons besoin d'être endurants, nous avons besoin de nous entraîner à vivre cette démarche toute la vie, avec la force de la grâce.

 

Saint-Paul dit quelque part, ce n'était pas aujourd'hui : je cours vers le but pour remporter le prix auquel Dieu nous appelle, là-haut, dans le Christ Jésus.

Nous allons prendre donc ce chemin de bonheur, ce chemin pour renaître.

Parfois, il y a une voix fatiguée, découragée.

Mais ça n'est que passager, du moment que nous acceptons ces limites.

 

Peut-être que Dieu vient nous parler au creux de nos limites.

Ça nous arrive souvent.

Là encore, les grandes personnes le savent.

 

Eh bien, apprenons à avoir une autre confiance, non pas simplement une confiance excessive en nous-même, mais une confiance dans le Père, celui qui vient soigner nos racines quand nos âmes sont trop arides, sont trop sèches,stériles, ne donnent plus de fruits.

Peut-être alors, que nous sommes trop centrés sur nous ?

 

Cette confiance en celui qui vient soigner nos racines, patiemment, sans se fatiguer et sans pouvoir activement renoncer, eh bien celui-là seul peut nous donner la vie : Jésus-Christ.

 

Amen.


Jeudi 25 février 

 

Voilà une parabole bien pessimiste, encore que pour Lazare, c'est plutôt bien, et au fond, pour le riche (et tous les autres riches), c'est bien difficile puisque quelqu'un pourra bien ressusciter d'entre les morts, il ne sera pas convaincu.

 

Ce fossé très important, cet abîme qui demeure entre ceux qui ont été des riches et ceux qui ont été pauvres, laisse peu de chance à ce que l'on pourrait appeler la rédemption, le salut, la conversion.

 

La pointe de la parabole n'est pas dans ce qu’il adviendra après la mort.

On ne peut pas tirer de conséquences de cette façon-là.

On s'est beaucoup servi de cette parabole pour représenter, dans l'imagerie notamment du Moyen Âge, ce que pouvait être les enfers, le paradis.

La pointe de la parabole réside, sans doute en partie, tout du moins, dans le fait que ce brave riche était très attaché à cette richesse, à tel point qu'il ne voyait pas ceux qui frappaient à sa porte.

 

Cette fameuse porte était, au fond, comparable à cet abîme qu'il y a après la mort et qui est mise dans cette parabole entre les riches et les pauvres, entre la souffrance vécue par les uns et le paradis ou le salut, la paix vécus par les autres.

Cette porte, sur le seuil de la maison de ce riche, est sans doute aussi, celle qui demeure en chacun de nous et qui nous cloisonne, qui nous compartimente, qui met aussi derrière elle, à la porte, un certain nombre de réalités qui sont pourtant des interpellations et des appels à la conversion.

Nous avons des cœurs compartimentés.

 

Alors, pourtant Christ est ressuscité, et tout le sens de notre vie chrétienne, le sens depuis notre naissance jusqu'à notre mort, c'est précisément que s'ouvrent nos portes et que nous ne soyons pas comme ce riche qui laisse à la porte quelqu'un qui voudrait bien manger quelques miettes.

Alors les pauvres sont assurément, un vrai appel à la conversion parce que cette misère criante en révèle d'autres, qui nous sont propres.

Et puis il y a aussi plein d'autres appels aussi à la conversion que nous laissons derrière les portes.

Christ est venu, il est revenu d'entre les morts pour que nous osions ouvrir ces portes-là.

Souvenons-nous d'une autre parabole de l'Évangile : c'est ce qui advient du fils du propriétaire de la vigne : le propriétaire va jusqu’à envoyer son fils pour récupérer le fruit de sa vigne. Et le fils est tué.

« Que va-t-il advenir ? » demande Jésus.

Ces misérables de la vigne qui ont tué même le fils du propriétaire, il les fera pas périr misérablement.

 

Eh bien non, il ne les fait pas périr misérablement.

La pierre angulaire sur laquelle le bâtisseur bâtit sa maison, c’est précisément ce fils tout démuni, ce Père qui va jusqu'à se laisser dépouiller de son Fils.

Pourquoi ?

Eh bien, pour que nos cloisons tombent, nos portes, nos séparations.

Que cette miséricorde du Père nous traverse et que dans cette eucharistie, nous accueillions le Corps du Christ comme cette clef de miséricorde qui vient déverrouiller nos portes.

 

Amen


Mercredi 24 février

Jr 18, 18-20 :à l’occasion d’un attentat contre Jérémie
Ps 30
Mt 20,17-28 : troisième annonce de la Passion et demande de la mère des fils de Zébédée


Voilà, il y a une sorte de pacte un peu paradoxal entre Jésus et ses disciples, Jésus et nous-mêmes.

Le premier pacte c'est qu’il y a un attrait pour Jésus.

Jésus a appelé à lui, des hommes sont venus, et ils sont venus un peu en se faisant bien des films dans leur tête, notamment faire partie des 12 tribus, des 12 colonnes.

Prendre leur place dans un plan politique et au fond, un avenir glorieux.

 

Alors nous, faire partie des 12 tribus, peut-être qu'on s'en fiche.

Mais en revanche, avoir sa place là où il faut (là où on pense qu'il faut), peut-être que cela nous attire.

En plus, si Jésus nous la donne, c'est bien.

On est tous différents devant nos projections, mais nous en avons tous.

 

Jésus nous attire, nous pensons qu'il va être celui qui va répondre à notre attente.

Ça c'est le premier aspect du pacte entre Jésus et ses disciples.

 

Mais le deuxième aspect, c'est qu'il n'arrête pas de dire et de redire et re-redire qu'il va souffrir et que finalement toutes nos attentes vont s'écrouler aussi, par la même occasion.

 

Par trois fois, Jésus annonce sa mort et sa résurrection.

Et quand il parle de sa mort, il va parler d'une grande lâcheté autour de lui, et puis sa souffrance, et puis seulement à la fin : il ressuscite.

Un mot comme ça tout seul, isolé.

Par contre il insiste sur la déréliction qui sera la sienne,trois fois.

Là c'est la troisième fois qu’il en parle.

 

Alors, les pauvres Jacques et Jean, surtout leur mère (souvent les mamans dans l'affaire se font beaucoup d'illusions), ils sont un peu à côté de la plaque.

Mais ne nous y trompons pas, nous avec eux.

Nous avec eux.

 

Ne sentons-nous pas naître en nous un désir pour Jésus ?

Pourvu qu'il y en est un, désir pour Jésus.

Ne fuyons pas ce désir.

Ce n'est pas parce que Jésus promet la mort, qu'il faut le fuir ce désir.

Non, ne le fuyons pas.

Mais laissons ce désir prendre la place qui lui convient, en nous.

Nous, on voudrait prendre une place qui ne nous convient pas, à la droite de Dieu.

Mais laissons le désir prendre la place qui lui convient en nous.

Que ce soit vraiment Dieu qui désire en nous-mêmes, et pas notre nombril qui vienne se désirer en nous-mêmes.

 

D'où l'impératif du service. D'où l'impératif du service.

Ce n'est pas seulement une clef, c'est encore quelque chose qu'il nous faut vivre.

Les « suiveurs de Jésus », les disciples, ceux qui sont attirés par lui, sont des hommes et des femmes qui, finalement, se laissent entraîner dans la barque pour une destination qu’ils ne peuvent pas prévoir.

C'est une belle définition la vie chrétienne.

 

Amen.


Mardi 23 février : Saint Polycarpe

 

Nous savons que Jésus a coutume de prendre en exemple, comme pour mieux enseigner ses disciples, ce qu'il ne faut pas faire, du côté des pharisiens et des scribes.

 

Alors ne nous méprenons pas : lorsque Jésus parle des scribes et des pharisiens, c'est pour mieux convertir notre propre pratique personnelle, car généralement ces hommes qui prennent tous les honneurs, les prennent parce qu'on les leur laisse.

Et si nous leur laissons, c'est qu'il y a une difficulté en nous à prendre notre place.

D'où la conclusion de Jésus: « qui s'élèvera sera abaissé et qui s'abaissera sera élevé ».

Notre place à tous, c'est de nous situer devant un Père.

Et notre place à tous, c'est de se laisser élever par lui.

D'où l'importance de porter le fardeau du Christ qui nous allège, tout en confiant le nôtre.

 

C'est une vraie invitation à un dépouillement très grand, de tous, en mettant nos pas et en livrant notre destin au cœur même de Jésus.

Entrons dans cette démarche de conversion et dans cette absolue dépendance de l'amour miséricordieux de cet unique Père.

Ce qui évitera alors de laisser d'autres prendre une place qui ne le revient pas et ce qui évitera sans doute de créer bien des jalousies et des envies, des rancœurs, des violences, ou que sais-je encore ?

Si nous nous laissions porter par le Christ, nul n’aurait besoin de s'abaisser.

Mais tous, nous sommes élevés.

 

 

Prions les uns pour les autres, afin de vivre cette difficile conversion personnelle (c'est d'abord personnel), mais communautaire. Amen.


Dimanche 21 février

 

À la fin de cette messe, il y aura un baptême.

Les parents, parrain, marraine rediront cette foi-là : nous croyons en la résurrection du Christ et nous croyons à la résurrection de la chair.

Résurrection du Christ, résurrection de la chair.

 

Résurrection du Christ : ça apparaît évidemment dans l'Évangile et c'est beaucoup repris dans les affirmations de Pierre, de Paul ; dans leurs lettres, tous les textes du Nouveau Testament.

Le troisième jour, il y a même Saint-Pierre, dans une de ses lettres, qui dit que, pendant trois jours le Christ était mort certes, mais qu'il est descendu jusqu'auprès des vivants qui étaient enfermés dans les enfers, pour leur parler, pour leur prêcher.

Résurrection du Christ.

 

Et résurrection de la chair : c'est déjà une foi juive qui a été éclairée par l'affirmation de la résurrection du Christ : les chrétiens croient eux aussi, en la résurrection de la chair.

Paul en parle beaucoup dans une de ses lettres, la première aux Corinthiens au chapitre 15.

Alors on ne sait pas très bien expliquer comment cela va être possible.

Paul lui-même d’ailleurs est assez flou dans la description de comment la résurrection de la chair, (la résurrection des morts !), sera possible.

 

Il paraît d'ailleurs, dans un sondage qui a été réalisé, il y a déjà des années, qu'il y avait beaucoup de chrétiens qui ne croyaient pas en la résurrection.

Alors peut-être certains se sont dits : mais en vérité il y en a une bonne part, parmi nous qui, sans doute, n’y croient pas vraiment.

Peut-être certains parmi vous, avez dans vos têtes plutôt la réincarnation, plutôt la réanimation, plutôt le réveil.

 

Mais c'est pourtant la résurrection.

C'est-à-dire ?

C'est-à-dire un corps vraiment mort, qui revient vraiment à la vie.

C'est ce que nous croyons tous.

Au moins, quand on le dit.

 

Et c'est important, en ce deuxième dimanche de Carême ; ce dimanche, vraiment, nous prépare à la résurrection du Christ.

C'est un dimanche, même si on ne parle pas explicitement de sa résurrection, c'est un dimanche qui vient ranimer notre foi en la résurrection.

Alors, on n'est pas obligé d'être mort pour ressusciter : ça, c'est la grande nouvelle.

On peut aussi ressusciter bien qu'étant encore vivant.

 

Mais qu’y a-t-il à ressusciter, finalement ?

Eh bien, profondément attachés à Jésus-Christ, à sa Parole, c'est notre âme qui a besoin d'être ressuscitée.

 

Dans tout le Nouveau Testament, dans l'Évangile, il y a deux verbes très différents, mais qui en français, semblent vraiment semblables.

Je m'explique : il y a un verbe qui veut dire : passer de la position horizontale (voyez quelqu'un qui est couché, allongé), à la position verticale.

Nous, on dirait : redresser, relever.

Si vous lisez le Nouveau Testament, vous verrez que ça peut être traduit par : réveiller, ressusciter, effectivement redresser, se dresser.

 

Et vous avez par exemple, cette scène où la belle-mère de Simon Pierre est guérie par Jésus : elle avait une forte fièvre.

Le verbe c'est : elle passe de la position horizontale à la position verticale.

 

Les dix vierges : vous savez, il y en a cinq sages et cinq folles, (c'est-à-dire, des vierges n'avaient pas dans leur lampe, d'huile).

Et les dix attendaient la venue de l'époux, c'est une parabole que Jésus raconte.

Elles s'endorment toutes, dit le texte.

À l'arrivée de l'époux, elles se réveillent aussi, à l'écoute d'une voix, un cri : « voici l'époux ! ».

Le texte dit: de la position horizontale, elles passent à la position verticale.

 

Lazare, dans son tombeau ; on dit : « Jésus l'a ressuscité ».

Mais, le texte dit : il est passé de la position horizontale à la position verticale.

 

Au moment de la résurrection de Jésus lui-même, au petit matin de Pâques, près du tombeau, deux messagers célestes parlent aux femmes venues visiter le tombeau, c'est le texte que nous lirons, au moment de la Veillée Pascale, dans cette église.

Les deux messagers disent : cet homme est ressuscité (de la position horizontale, il passe à la position verticale).

 
Mais il y a un autre verbe qui veut dire : se réveiller, littéralement ; quelqu'un qui dort, maintenant il est debout, il a ouvert les yeux.

Et c'est ce qui se passe pour Marie, juste après l'Annonciation.

L'ange la visite, elle dit : « oui ».

Et que se passe-t-il après ?

En toute hâte, elle se lève et elle court vers sa cousine.

 

Que pensez-vous qu'elle fait, Marie ?

Marie, se réveille.

C'est comme si elle entendait un réveil, d'une certaine façon : top, elle se lève tout de suite, rapidement.

D'endormie qu'elle était, elle se réveille et elle court vers sa cousine.

 

C'est aussi ce qu'ont pensé beaucoup, les contemporains de Jésus par rapport à Jean-Baptiste.

Vous savez, Jean-Baptiste, à moment donné, on lui coupe la tête.

Et c'est en même temps le moment où Jésus commence à faire beaucoup parler de lui.

Il commence à inquiéter Hérode : mais alors qui donc est Jésus ?

Ne serait-il pas Jean-Baptiste, qui serait réveillé ?

D'endormi qu'il était, le voici réveillé.

 

Eh bien, si vous lisez l'Évangile, vous verrez que, au moment de la résurrection de Jésus, toujours le même texte que nous lirons à la Veillée Pascale, les deux messagers célestes ….

Que vont-ils dire ?

Ils vont dire deux fois que Jésus est ressuscité.

Ils vont dire une première fois : d'allongé qu'il était, le voici redressé ; et la deuxième fois : d'endormi qu'il était, le voici réveillé.

 

Si je fais ce petit détour par ces deux verbes qui disent tous les deux la résurrection, c'est que, Abraham était endormi dans la première lecture ; et que nos braves Simon-Pierre, Jacques et Jean, sur la montagne de la transfiguration, sont fortement assoupis et se battent contre le sommeil.

Et en même temps, qu'est-ce qui les maintient réveillés ?

C'est cette blancheur éclatante des vêtements du Christ, au moment de sa transfiguration.

C'est exactement la même lumière, la même couleur, le même éclat qui va éblouir les femmes au tombeau de Pâques : les deux messagers célestes, les deux anges seront de la même blancheur, le même éclat, la même lumière.

 

La résurrection, chers amis, c'est la résurrection de notre âme : elle se réveille et elle se redresse.

Combien de torpeurs spirituelles viennent nous fragiliser, viennent nous paralyser, viennent nous renfermer ?

Plus nos âmes s'endorment, plus elles se stérilisent, plus elles s'enferment, plus nous sommes prompts à bâtir des murs, à nous enfermer nous-mêmes, et finalement à penser que Dieu est bien loin de nous ; et si jamais il fait quelque chose pour nous ressusciter, ce sera après notre mort.

Après notre mort, nous ressusciterons, c'est notre foi.

 

Mais nous ressusciterons avant et dès maintenant, pour tous ceux et toutes celles qui seront attentifs à cette parole, la Parole du Christ, toute parole qui sort de sa bouche et qui vient de l'Évangile.

 

Vous avez une belle parabole dans l'Évangile.

Vous savez, c'est cet homme, quand Jésus parle du royaume.

Il a semé dans son champ ; qu'il dorme ou qu'il s'éveille, la semence produit son fruit, il ne sait comment !

 

Dans nos torpeurs, dans nos sommeils, dans nos endormissements, quand notre âme est engourdie, une parole, des paroles peuvent la redresser, la réveiller pour qu'elle produise son fruit.

 

C'est l'objet du Carême : accueillir ou se ré-entraîner à accueillir la parole de Dieu, pas uniquement celle que nous prononçons pendant la messe, mais celle que nous pouvons accueillir chaque fois que nous ouvrons la Bible.

 

Que nous accueillions avec toute son autorité, la Parole de Jésus.

Au plus profond, sans que nous sachions comment, parfois même sans que nous imaginions que ce soit possible : la Parole vient retentir et dénouer, défaire tous les nœuds qui ont besoin d’être défaits, refaire tous les liens qui ont besoin d’être refaits pour que notre âme se réveille et se redresse.

 

Ne pensons pas toujours que nos immobilismes, nos pessimismes sont la faute des autres.

Ne pensons pas toujours que c'est la faute de la conjoncture.

Ne pensons pas toujours d'ailleurs que c'est notre propre faute, mais soyons conscients, que nous avons besoin de cette résurrection à l'intérieur : c'est le réveil de notre âme, son passage de la position horizontale à la position verticale.

 

Nous entendrons au moment de la Passion et de la Résurrection de Jésus cette belle parole : « réveille-toi, ô toi qui dors ».

 

Que ce murmure vienne franchir nos oreilles et les barrières de notre cœur pour nous toucher, là où nous en avons besoin et que cette résurrection soit aussi la nôtre dès aujourd'hui, ici.

Accueillons avec toute son autorité, la parole de Jésus.

Ressuscitons avec lui.

 

Amen.


Mercredi 17 février :


Des personnes qui ont réalisé une enquête ont révélé qu’il y avait des chrétiens qui ne croyaient pas en la résurrection.

On peut se demander en quoi ils croient, du coup ?

Pourquoi ils se disent chrétiens ?

 

Chaque année, au moment du Carême, les textes de la liturgie nous invitent à raviver notre foi en la résurrection, parce qu'elle ne va pas de soi, finalement.

On est attaché à la résurrection, comme on est attaché à ce que le Credo dit de l'ensemble de la foi chrétienne.

Mais finalement ce mystère lui-même, en quoi nous rejoint-il très concrètement ?

Nous sommes peut-être un petit peu plus aveugles, sur la question.

 

Alors, nous croyons en la résurrection de la chair.

Et pas simplement de la chair de Jésus.

Quand on croit en la résurrection de la chair, on n’est pas en train de dire uniquement : « oui, ce qui s'est passé à la fin de l'Évangile est vrai! »

Nous croyons aussi en notre propre résurrection, et lors du jugement dernier, et dès aujourd'hui.

Alors, ça ne va pas de soi.

 

Et petit à petit, ça commence un peu maintenant, la liturgie nous invite à renouveler notre foi en la résurrection, attachés à la résurrection du premier-né d'entre les morts, le Christ, mais pour que cette foi en cette résurrection vienne innerver le grand Corps que nous formons jusqu'ici, à Bar sur aube, dans nos propres vies, à nous.

 

Alors le Christ, il est celui qui lie et qui délie tout ce qui, dans nos vies, et dans la partie la plus obscure de nos existences, a besoin d'être lié et délié.

Et avouons-le, c'est un quand même un sacré sac de nœuds.

 

Quand on dit dans la prière du Notre-Père : « pardonne-nous nos offenses comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont offensés », combien y a-t-il de nœuds, là, qui ont besoin d'être déliés pour que le Père, dans notre vie, puisse faire ce qu'il a à faire ?

 

Ça commence très concrètement, si c’est la demande qu'on fait dans la prière du Notre-Père, ça commence très concrètement dans notre propre vie : ce que nous souhaitons pour nous, encore faut-il que nous le permettions à d'autres !

Or justement, nous ne le permettons pas.

Il y a des nœuds, là, qui sont des blocages, des morts ou des jugements.

Ce n'est même pas Dieu qui les pose, c'est nous-mêmes.

 

Alors, on ne peut même pas attendre le jugement final, parce que ça y est, c'est fini, le temps s'est arrêté, là, dans notre cœur, il s'est arrêté maintenant ou il y a déjà fort longtemps, dans le passé, et du coup tout ce que nous demandons au Père, est bloqué face à un mur que nous érigeons nous-mêmes.

 

Si Jésus est assez sévère dans cet Évangile: « cette génération est une génération mauvaise », (il parle à nous !) ; « il ne lui sera donné de signe que celui de Jonas», (une sacrée offense faite à ceux qui l’écoutent) ; ou bien encore, la reine de Saba.

L'un et l'autre sont témoins de la résurrection : Jonas passe ces fameux trois jours dans le ventre du poisson pour être recraché sur la rive, est celui qui va proclamer un temps de pénitence à un peuple que lui-même croyait condamné.

Et ce peuple va très très vite, (plus rapidement qu'il ne le pensait), se convertir.

 

Et puis la reine de Saba, païenne par excellence, mais qui va venir de très très loin pour écouter la sagesse du roi Salomon, s'est convertie.

 

Donc nous-mêmes, il y a des jugements que nous érigeons, desquels nous avons besoin d'être libérés.

Et ce n'est pas simplement les autres qui ont besoin d'être libérés de je ne sais plus quel mal qu'ils produisent sur nous.

Nous-mêmes.

 

Et c'est de l'ordre de la résurrection, parce que dans la résurrection il y a le retour à la vie de nos corps, et le retour à la vie de notre âme.

D'ailleurs les deux, ça marche ensemble.

Ne les séparons pas.

 

Or nous, nous sommes obnubilés dans nos pensées par la question du retour à la vie des corps dans les cimetières, mais évidemment on ne sait pas trop comment l'expliquer.

Mais ce qui est encore plus dur, pour nous, et qui ne nous a même pas effleuré, c'est le retour à la vie de nos âmes, bloquées, ligotées dans ce fatras de nos souterrains.

 

Laissons le Christ, qui est descendu aux enfers pendant trois jours, nous parler comme il le fit et comme il l'a fait ; il le fait encore et le fera toujours ; comme il le fait : il vient prêcher aux vivants qui sont enfermés dans les enfers.

 

 Que ce Christ-là s’adresse à nos propres enfers, qu'il lie et délie tout ce qui a besoin d'être lié et délié dans nos vies pour que nous puissions, nous aussi, ressusciter avec lui. Amen.


Mercredi 10 février : célébration des Cendres

Jl 2, 12-18 : appel à la pénitence.

Ps 50

2 Co 5, 20-6,2 : l’exercice du ministère apostolique.

Mt 6, 1-6.16-18 : faire l’aumône, prier, jeûner en secret.

 

Il nous arrive d'avoir soif....il y a parfois des sources qui nous renferment sur nous ou nous replient sur nous jusqu'à ce que nous finissions par être desséchés.

 

Lorsque nous avons, il y a un an, avec nos rameaux tout frais, vécu cette célébration des rameaux, nous disions à Jésus :"tu es une notre source et dans la croix ou dans ta passion, dans ta propre soif à toi, nous trouvons une source qui désaltère".

 

Mais voilà, un an plus tard, si nous arrivons ici, en cette soirée des Cendres, avec des rameaux tout secs, c'est que nous avons perdu cette source.

Pourtant Jésus ne cesse pas d'avoir soif, comme il le dit sur la croix : "j'ai soif".

Oui, sa soif ne se désaltère jamais car il connaît son Père.

Et cette soif ne le renferme pas sur lui … Mais nous, dans notre soif, sans source, on finit vraiment par mourir de soif.

 

"L'amour est fort comme la mort" dira le Cantique des cantiques et le sens de cette démarche de ce jour, c'est précisément : nous exposer à cet amour qui peu à peu nous décolle de nous-mêmes, pour mieux nous retourner vers celui qui est la source et qui désaltère, sans jamais nous dessécher.

 

Alors, nous entrons dans une démarche de vérité.

Alors que nous n'avons plus nos rameaux, ils sont tous secs, alors que nous nous préparons à recevoir des cendres sur nos fronts, nous rentrons dans une démarche de pénitence, de tristesse, de deuil.

Nous voulons dire, non pas comme pour se morfondre et se contenter de ce qui est négatif ; nous venons dire au Seigneur : « nous croyons très, très fort que tu peux nous restaurer, que tu peux nous désaltérer dans ton amour », au prix d'une mort, au prix d'une chute, celle de nos masques de laideur et de nos fausses richesses.

 

Alors, nous le disons ce soir ; ce soir c'est une démarche programmatique : nous commençons comme ça,un pèlerinage jusqu'au Rameaux et ensuite nous aurons la semaine Sainte.

Tout n'est pas fait ce soir, même si le symbole est très fort : nous déplacer pour recevoir de la cendre.

C'est une démarche qui n'est pas très ancienne d'ailleurs, dans l'Eglise : elle s'installe au Moyen Âge.

Elle n'est pas, cette démarche des Cendres, au début du carême, une démarche de l'Eglise primitive.

Mais nous reprenons, au fond, ce symbole de l'Ancien Testament : à chaque fois qu'un homme, une femme, un peuple tout entier, parfois même des animaux (on trouve ça dans le livre de Jonas), ont conscience de cet amour rédempteur, un amour qui brûle très très, fort, qui fait tomber ce qui nous fait mal pour mieux nous restaurer, au prix d'une mort, personnelle, au prix d'un écroulement pour une vraie résurrection.

 

Chaque fois que quelqu'un touche du doigt cette beauté et cette force de Dieu, il n'a qu'un désir : manifester sa petitesse et sa pauvreté.

Là encore, ce n'est pas pour être minable et avoir la vision de la médiocrité, mais c'est pour mieux se situer devant celui qui est source de tout.

Alors, c'est avec de la cendre jusqu'à parfois des sacs entiers, renversés sur soi.

 

Le pape François a souhaité que cette année, cette démarche de carême se fasse à l'intérieur cette année jubilaire dédiée à la miséricorde.

La première qui a fait l'expérience de cette miséricorde, en Jésus-Christ, c'est la Vierge Marie, dans son beau magnificat.

Elle a conscience d'être l'humble servante, d'être la petite ; et à travers elle, elle ouvre le champ de la miséricorde du Père, à tous les pauvres, à tous les petits.

 

Nous sommes invités à rentrer aussi pendant ce carême, évidemment dans ces trois piliers fondamentaux, que nous avons entendus dans l'Évangile : prière, jeûne, partage.

 

Le pape François nous invite à rentrer tout particulièrement dans la charité en acte.

Le pape nous a parlé également des œuvres corporelles de miséricorde. C'est quelque chose que l'on a un peu oublié mais qui est très important.

Il ne s'agit pas uniquement de dire : « oui je prie un petit peu plus ; oui je vais jeûner le vendredi (manger du poisson). Encore que ceci soit très important : prière, jeûne.

Mais dans le partage, il faut sortir un petit peu de la démarche toute simple du bol de riz du vendredi, de la cinquième semaine, du vendredi de la semaine Sainte.

Il souhaiterait que nous rentrions dans une démarche beaucoup plus concrète qui consiste à revivre ce qui est rappelé dans le jugement dernier (Matthieu au chapitre 25) : les œuvres corporelles de charité.

Souvenez-vous : j'étais nu et vous m'avez habillé, j'étais malade et vous m'avez soigné, j'étais en prison et vous m'avez visité.

Je vais vous faire la liste : donner à manger aux affamés, donner à boire à ceux qui ont soif, offrir l'hospitalité aux étrangers, vêtir ceux qui sont nus, soigner les malades, visiter les prisonniers. On pourrait rajouter, ça n'est pas dans la liste de Matthieu 25, mais on pourrait ajouter également : enterrer les morts.

 

Alors, dans notre assemblée, certains vont dire : "moi je suis champion de tout ça, je fais partie d’équipes d'obsèques ou bien je suis au Secours Catholique ou bien j'accueille régulièrement des pèlerins chez moi ou bien je vais faire de l'alphabétisation au CADA, donc je suis tranquille.

 

L'enjeu, c'est d'abord de renouveler toutes ces pratiques personnellement, s'ouvrir peut-être à d'autres champs encore inexplorés : peut-être que je visite des étrangers, peut-être je vais voir des prisonniers.

Et puis c'est, aider d'autres de la communauté à rentrer dans cette démarche pour pas qu'il n'y ait que des champions de la charité.

Il y a aussi parmi nous, des personnes qui méritent de la découvrir ; qui voudraient, mais qui n'osent pas.

La charité peut être contagieuse, si nous apprenons à rentrer dans cette charité.

Le plus important encore, c'est de se dire : à travers ceux et celles qui sont pointés très concrètement (le pauvre, celui qui est tout nu, celui qui est prisonnier etc), très concrètement se dire : c'est le Christ lui-même qui me fait signe, tel que je vais le retrouver le vendredi Saint.

C'est notre horizon.

Notre horizon, c'est Pâques.

Mais notre horizon du carême c'est le vendredi Saint.

 

Ce Christ-là nous fait signe.

Il me renvoie à toutes mes misères, pour que dans celui que je suis appelé à rencontrer très concrètement dans le soin (celui qui est prisonnier, celui qui a soif, celui qui est nu, celui qui est étranger), je découvre le Christ, le Christ qui est mort pour moi, à cause de sa soif à lui, et qui en mourant pour moi, vient étancher ma propre soif, et vient toucher ma propre misère, ma propre nullité, ma propre condition de prisonnier, ma propre condition d'affamé, ma propre condition de nudité, notre cœur tout nu.

C'est ce que nous allons vivre ce soir.

 

 

« Seigneur, fais tomber ce masque de laideur, fais tomber cette fausse sécurité, cette fausse richesse qui figure sur moi comme un masque pour mieux me protéger, afin que je puisse mieux profiter de cet amour rédempteur, toi qui es amour, toi qui me fais signe, toi qui m'attires à toi. Et que je puisse en recevant ces cendres ce soir te dire : oui, comme Marie, elle, te dit : oui.  

Amen.


Mardi 9 février

1 R 8, 22-23.27-30 : prière personnelle de Salomon

Ps 83

Mc 7, 1-13 : discussion sur les traditions pharisaïques

 

Ce qui nous guette tous profondément, seuls et en communauté, c'est de vivre notre vie de foi par procuration, c'est-à-dire d'être très, très, attachés à un certain nombre de choses qui sont précieuses à nos yeux, héritées d'un riche patrimoine peut-être familial, parfois communautaire et de nous y attacher plus que tout, et de mobiliser beaucoup d'énergie pour cela dans nos vies personnelles et communautaires, sans que nous nous mettions véritablement à la suite de Jésus-Christ.

C'est la vie chrétienne par procuration.

 

Le problème de cette vie chrétienne par procuration, c'est qu'elle nous rend aveugle et nous nous croyons dans le juste, alors que nous nous épuisons.

Nous croyons que ce que nous disons, ce que nous faisons et ce que nous pensons ou que nous prions dans le secret de notre âme, est dans le vrai.

 

Ce qui est vrai appartient à Dieu et à notre façon de nous laisser éclairer par ce que Dieu nous donne.

Mais ce qui est vrai appartient aussi à notre décision de nous convertir ; toujours, toujours.

 

C'est le sens de cette année de la miséricorde voulue par le pape François.

Ça n'est pas uniquement pour mettre la lumière sur des plus pécheurs que d'autres pécheurs, c'est d'abord pour oser ouvrir nos mains et lâcher prise sur ce que nous pensons être déterminant dans notre vie.

 

Ne pas vivre notre vie chrétienne par procuration, c'est l'œuvre de toute une vie, l'œuvre de Dieu, l'Opus Dei, ne pas vivre notre vie chrétienne par procuration.

 

Alors, parfois cela va à l'encontre de ce que nous pensions être déterminant.

 

L'amour de Dieu est supérieur mais l'Amour est supérieur.

Alors, il nous faut en permanence nous confronter à l'Évangile.

C'est le seul moyen de vérifier que nous sommes en train de nous égarer par aveuglement, ou bien que, en vérité, nous sommes au centre même de notre foi.

 

« Nous sommes héritiers du Christ » dit Saint-Paul dans la lettre aux Romains.

Être héritier du Christ, ça n'est pas uniquement que nous sommes les arrière-arrière- arrière-arrière descendants des premiers chrétiens ou bien que nous avons reçu le baptême ; être héritier du Christ, c'est se décider à mettre nos propres pas dans les siens, de la crèche à la Croix, pour ressusciter avec lui.

 

Alors, à cette école-là, cette école de l'Esprit, sans doute un certain nombre d'attaches, d'exigences, de moyens auxquels nous nous attachons en permanence, méritent d'être réformés, pour être vraiment dans l'amour.

Demandons au Seigneur de ne pas être comme ces pharisiens.

Ne les jugeons pas ; car ces pharisiens, c'est nous-mêmes.

Demandons-lui de ne pas être comme eux, et au contraire de chercher véritablement à vivre dans celui qui est Amour.

 

Amen.


Dimanche 7 février :

Is 6,1-2a.3-8 : la vocation d’Isaïe

Ps 137

1 Co15, 3-8.11 : la résurrection

Lc 5,1-11 : l’appel des quatre premiers disciples

 

Ce texte de l'Évangile, qui nous est proposé, nous rappelle la centralité de la personne du Christ dans la construction de notre vie personnelle, dans notre vie spirituelle personnelle, notre vie de prière, notre pratique de la foi, notre connaissance de la foi.

Ce qui est central dans tout ce qui nous anime dans notre être chrétien, c'est Jésus-Christ, sa personne et la centralité de Jésus dans la vie de notre communauté.

Notre communauté se donne des moyens pour se rassembler et elle est souvent témoin de ses petites misères personnelles, sa difficulté parfois à s'adapter au monde qui change ou au fait qu'elle s'amenuise en nombre, mais ce qui est central au-delà de tout ça, même si c'est très important (on ne peut pas faire sans misère), ce qui est central, c'est la personne de Jésus-Christ.

Nous avons dans ce texte, ce récit que nous connaissons bien, que nous avons l'habitude de transmettre aux enfants en catéchèse, aux jeunes, qui évoque aussi l'appel missionnaire, et puis un texte qui illustre bien la manière dont Dieu suscite des vocations pour son Eglise de la même façon qu'il appelle trois pêcheurs de poissons et fait d'eux des pêcheurs d'hommes.

Ce texte nous le connaissons trop bien. C'est souvent le problème d'ailleurs : quand on connaît trop bien un récit, finalement il ne nous dit rien ; parce qu’on n'est pas pêcheurs de poissons, parce que la Galilée est fort loin de chez nous, et que on n’a pas tellement l'impression d'être dans les foules harassantes, allant se presser après de Jésus.

Et pourtant, ce texte, je vous invite à rentrer dedans, vous laisser guider peut-être par l'Esprit Saint, à la mesure de ses appels pour chacun d'entre vous, en imaginant que la personne de Jésus-Christ est belle. Qu'elle est comme une œuvre d'art, dont l'auteur est le Seigneur lui-même. Et que par la beauté de Jésus-Christ, le Seigneur nous ravit, vient ravir notre cœur.

 

Et comme nous le savons, une œuvre d'art nous touche uniquement si nous avons de la sensibilité dans notre cœur et si nous le voulons bien.

Une œuvre d'art ne force jamais notre adhésion.

Si vous allez dans un beau musée, un grand musée, on a beau avoir des guides qui nous disent plein de belles choses sur les œuvres à voir, si vous n'avez pas envie d'être touchés par ces œuvres, ces œuvres ne vous toucheront pas.

Elles seront à vos yeux bien mortes.

Donc il nous appartient à chacun, autant qu'il appartient à l'Esprit Saint que Jésus-Christ soit beau, qu'il soit vivant à nos yeux.

 

Alors, plusieurs critères pour découvrir la beauté de Jésus-Christ, et sa beauté est pour nous un vrai aliment quotidien.

C'est ce même aliment que nous retrouvons dans l'eucharistie, chaque fois que nous communions.

Parfois, il peut arriver que nous communiions tous les jours et que cet aliment ne nous alimente pas ou plus.

Il faut retrouver la beauté qui nous touche, de Jésus-Christ.

 

Alors plusieurs critères qui nous paraissent dans ce texte :


Premier critère : c'est savoir marquer un peu de distance.

Vous avez vu que Jésus s'éloigne très vite de la foule.

Il rentre dans une barque. Au départ, on ne sait pas trop si c'est parce qu'il fait le choix de Simon-Pierre.

Il rentre dans sa barque, il s'éloigne un peu et il continue son enseignement.

 

C'est comme si, par exemple, vous aviez le nez collé sur un écran, eh bien vous ne voyez pas ce qu'il y a sur l'écran tellement vous aviez le nez collé sur l'écran.

On peut avoir le nez collé sur une grande toile peinte, vous ne voyez pas la grande toile peinte puisque vous avez le nez dessus.

C'est souvent aussi quand on manque de distance dans notre vie, on ne voit pas les belles choses etc.
On a le nez collé sur la pelouse et on ne voit pas les pâquerettes autour, voyez !

Un peu de distance et cette distance est nécessaire pour que le Maître puisse être le maître.

 

Marquer de la distance, ça va immédiatement avec un autre besoin, un autre critère, c'est le critère de la sensibilité, c'est-à-dire qu'il est nécessaire d'avoir en soi, autant qu'on prend un peu de hauteur, d'avoir en soi un espace de résonance.

Un espace, alors certains vont dire, de méditation, d'intériorité, du cœur, que sais-je ? mais un lieu où tout ce qui peut être vu, va vibrer, pour que cette beauté puisse apporter toutes ses mélodies.

 

Prenez l'exemple d'un instrument de musique avec une caisse de résonance ; une guitare, par exemple, vous enlevez la caisse, eh bien vous avez beau gratter sur les cordes, il ne se passe pas grand-chose.

 

Eh bien cette sensibilité,(c'est le deuxième critère), vous voyez bien qu'elle apparaît chez Simon-Pierre.

C'est le seul qui parle des trois.

Simon-Pierre va dire :"Éloigne-toi de moi car je suis un homme pécheur ». Eh bien cette parole est significative que Pierre, lui qui a peiné toute la nuit avec ses compagnons, découvre (peut-être le savait-il déjà, ou le découvre-t-il sur le moment), il découvre qu'il est équipé de cette conscience, de cette sensibilité spirituelle.

Il découvre en Jésus autre chose qu'un beau parleur.

Il découvre en Jésus ou autre chose qu'un bon prédicateur.

Il découvre en Jésus, le Fils de Dieu et il découvre le chemin du Père dans son propre cœur.

Quelqu'un qui n'est pas sensible à l'art ne peut pas trouver qu’une œuvre est belle n'est-ce pas ?

 

 Le troisième critère pour percevoir la beauté de Jésus-Christ c'est : se donner du temps, se donner du temps.

Nous avons vu : « nous avons peiné toute la nuit »

La suite de Jésus-Christ c'est un long pèlerinage.

N'est pas saisi par sa beauté qui veut, ni quand il le veut.

C'est un long apprentissage.

Ça n'est pas parce que nous sommes allés au KT quand nous étions gamins, ça n'est pas parce que nous avons fait tout ce qu'il fallait : alors, mon père, j’ai été communier j'ai été baptisé, après j'ai fait ma confirmation, j'ai été marié, il ne me manque plus que d’être mort,j'ai tout fait.

Eh bien non ce n'est pas parce que l'on a tout fait que l'on est ravi par le Christ. On l'a été, peut-être qu’on ne l’est plus, ou on ne l’a encore jamais été.

C'est un long compagnonnage à la suite du Maître

Il faut du temps.

 

Le quatrième critère, c'est la connaissance de Jésus-Christ.

Alors, les critères sont dans le désordre.

Le quatrième critère c'est la connaissance de Jésus- Christ : connaître Jésus-Christ.

C'est ce que vont commencer à faire Simon-Pierre, André, Jacques, Jean etc.

 

Nous sommes au tout début de l'Evangile, au début de la vie publique de Jésus et il appelle ses premiers disciples.

Nous, on a l'impression d'être une vieille Eglise, depuis toujours, 2000 ans, vous vous rendez compte !

La communauté paroissiale est déjà fort ancienne.

Nous savons que le christianisme en Gaule est quasiment dès l’origine, on est dans un …

Et pourtant, à chaque fois l'Évangile nous rappelle les débuts, les commencements.

Eh bien pour connaître, il faut toujours revenir aux fondamentaux : qui est Jésus-Christ? Que nous en dit L'Évangile ? Qu'est-ce que je sais de lui ? Serai-je capable d'en parler avec familiarité à quelqu'un qui ne le connaît absolument pas ?

Parce que parler de Jésus avec d'autres qui connaissent déjà Jésus ou croyant connaître Jésus ou y’en a qui croient connaître Jésus, ça ne fait pas beaucoup de choses sur Jésus.

Mais en parler avec quelqu'un qui ne le connaît pas du tout.

Non pas pour le persuader, mais pour parler de lui comme d'un être vivant, et beau.

C'est tout autre chose.

Il ne s'agit pas de dire : « oui, oui, oui, il faut savoir que je crois en Dieu et nana, ou que sais-je ?

Il faut parler avec un cœur qui vibre, avec sa sensibilité.

Il faut avoir été ravi par la beauté de Jésus-Christ.

 

Alors, un autre critère encore pour rentrer dans le ravissement en Jésus-Christ, c'est d'accepter de recevoir ce don-là.

On ne se fabrique pas une sensibilité esthétique.

On n'est pas sensible à la beauté comme ça.

Il faut le demander.

Après tout, notre prière a le droit d'être une prière de demande.

On a le droit de dire au Seigneur : « je te prie pour untel, pour une telle, etc…bien sûr… d'ailleurs je vous conseille de vous fier à Marie, c’est toujours son job.

Mais demandez à l'Esprit Saint qu'il vous donne cette sensibilité à Jésus Christ.

Ça c'est ce que vous avez le droit de demander à l’Esprit Saint : « Saint Esprit donne-moi la sensibilité à Jésus-Christ, que je puisse être ravi par sa beauté. Que je puisse être fier d'être chrétien, non pas parce que je porte haut et fort la bannière du christianisme mais parce que je suis touché par celui que mon cœur aime et qui a été aimé par lui ». Voilà.


On n’allume pas une lampe pour aller pêcher ces poissons.

Si nous sommes ravis par Jésus-Christ alors ça devrait se voir et ça devrait se partager.

Une beauté est contagieuse.

Voyez l'effet que font les belles femmes dans la rue.

C'est contagieux.

La beauté de Jésus-Christ, quand elle a touché le cœur de quelqu'un, elle peut se dire, elle peut se communiquer simplement et ce n'est pas la peine de rentrer dans des stratégies compliquées avec des discours très compliqués.

 Mon cœur est touché par le Maître. J'en parle, c'est tout.

Ce fameux filet qui ressort plein de poissons c'est la fécondité de ce ravissement du cœur, chez Simon-Pierre, chez Jacques, chez Jean, chez André et tous les autres.

Alors je vous le souhaite, de rentrer dans cette sensibilité-là.

 

Dans l'eucharistie nous recevons Jésus-Christ, dans nos pratiques de piété nous recevons Jésus-Christ.

"lorsque deux ou trois sont réunis en mon nom" Jésus-Christ est là.

 

Mais que Jésus-Christ vienne plus encore, purifier l'intérieur de notre cœur comme il l'a fait au commencement de l'Eglise lorsqu'il a rencontré trois misérables êtres qui étaient pêcheurs de poissons et qui n'ont rien demandé.

Vous voyez, eux, c’est pas oppressant … Ils n'étaient pas en train de coller Jésus sur le rivage, ils n'ont rien demandé.

 

Vous connaissez comme moi sans doute, la tradition des crèches provençales.

Alors j'ai demandé à Agnès que l'année prochaine, dans la crèche de notre église on rajoute un personnage (il va falloir le fabriquer), c’est le ravi.

On ne l'a pas dans nos églises puisqu’on a des statues du 19e qui ne sont pas provençales du tout. Eh bien le ravi de la crèche, ce n'est pas simplement le mec qui se réjouit de tout et n'importe quoi.

Le ravi de la crèche se réjouit de la naissance du Sauveur.

Il se réjouit, son cœur est ravi.

Je vous souhaite d'être le ravi de la crèche.

Amen.


Jeudi 4 février :

 1R 2,1-4.10-12 : testament et mort de David

 Cantique : 1 Ch 29, 10-12 : action de grâce de David

 Mc 6, 7-13 : mission des Douze


Dans ce récit de l'envoi deux par deux des disciples, le Seigneur met en avant très fort, la spiritualité de la Visitation, c'est-à-dire qu'il met de côté comme impératif, tous les apparats matériels que nous pourrions avoir avec nous, dans la mission et même dans notre vie spirituelle, pour recentrer sur la rencontre.

 

Celui qui cherche Dieu, celui qui cherche à vivre la rencontre avec Celui qui est la source dans sa vie, ne peut le faire effectivement, que dans la rencontre, et dans la rencontre avec d'autres (quelqu'un ou d'autres personnes au pluriel) de la même façon que Dieu lui-même vit la rencontre avec nous : tel que cela s'est incarné, mis en route lors de la Visitation de Marie à Elisabeth, lors de l'incarnation de Dieu qui vient prendre chair dans nos cœurs à nous.

Nous souhaiterions souvent que dans notre vie spirituelle, il y ait quelque chose qui soit de l'ordre d’une vraie solitude et d'une sorte d'éclair qui nous tombe dessus et qui nous rapporte ce dont nous avons besoin, ce qui nous manque.

 

Eh bien, peut-être, mais ça ne peut pas se vivre autrement que par cette spiritualité de la Visitation, rencontre concrète dans une demeure, que ce soit une demeure intérieure ou une demeure matérielle… rentrer, visiter.

 

Alors, nous sommes dans une culture plus rurale où la visitation se fait d'une façon ou d'une autre, parce que nous avons peut-être plus l'habitude qu’en ville de nous connaître ou d'aller nous voir l'un ou l'autre, rendre visite à des personnes malades, rendre visite à des personnes qui sont seules, aller dans une maison de retraite, et que sais-je encore ?

 

Eh bien d'abord d'une part ne perdons pas cela et d'autre part, mesurons combien, dans la rencontre avec des êtres, il se passe autre chose que quelque chose de superficiel.

Il se passe quelque chose de très central, qui est de l'ordre du cœur et de l'ordre du Tout Autre : Dieu qui, là, se manifeste.

 

« Quand vous avez trouvé l'hospitalité dans une maison, restez-y jusqu'à votre départ » : c'est ce que le Seigneur fait lui-même avec nous au moment de la nativité et c'est ce que le Seigneur fait avec nous maintenant dans cette eucharistie.

Il vient à notre rencontre.

Il a trouvé l'hospitalité et il reste.

 

Amen.


Mercredi 3 février 

 

Voici un texte qui est la reprise de ce que vous avez entendu lors de la messe de dimanche, sauf que c'est dans un autre Évangile, c’est chez St Marc et non pas chez St Luc.

Et vous avez une sorte de deux affrontements, la foule d'un côté et Jésus de l'autre : la foule, profondément choquée au sujet de Jésus et Jésus qui s'étonne du manque de foi de la foule.

Voilà, une sorte de dialogue de sourds entre deux personnages différents.

 

Quiconque cherche à rencontrer le Maître, inévitablement, devra faire le pas de découvrir l'origine de ce Maître-là : « Jésus se rendit dans son lieu d'origine ».

Le mot est frappant : là, c'est un lieu.

Sa véritable origine, nous le savons, c'est son Père.

Cela signifie que pour les auditeurs, les témoins, les disciples, et tous ceux qui sont attirés par le Maître, il y a aussi un pèlerinage à accomplir, qui est celui d'aller à la rencontre du Père et du Fils qui habitent dans notre cœur.

De sorte que Jésus se laisse découvrir véritablement par ceux et celles qui l'accueillent pour ce qu'il est : l'envoyé du Père…et donc, qui vont se laisser toucher par la miséricorde de Dieu qui vient habiter dans leur cœur.

 

C'est une conversion importante, et nous pouvons demander que cette conversion, nous la vivions, nous aussi.

Ne soyons pas déçus ou pessimistes nous-mêmes, sur nos propres capacités, mais ouvrons-nous à cette miséricorde très grande.

Dieu est capable de transgresser nos limites si nous les lui confions.

 

Amen.


Mardi 2 février : la présentation de Jésus au temple, la Chandeleur.

 

Voilà, nous avons coutume de terminer le cycle de Noël par le baptême du Seigneur. Nous avons coutume d'enlever nos crèches et nos sapins.

Dans certains endroits ça dure jusqu'à aujourd'hui, la Chandeleur, c'est un peu aussi la fête des crêpes (mais ça c'est pour les enfants …Ça dure jusqu'au Mardi Gras).

 

Devant ce beau mystère de la présentation de Jésus au temple, on peut retenir pour nous dans notre prière trois pistes, car nous fêtons le Seigneur qui vient à la rencontre de son peuple, mais aussi, nous pouvons prendre conscience, que c'est la fête du peuple qui va à la rencontre du Seigneur.

Une rencontre c'est toujours dans les deux sens.

 

Et pour nous préparer à vivre cette rencontre, donc trois pistes :

 

La première, c'est de nous laisser attirer, émerveiller, ravir, par la beauté de Jésus-Christ, dans la personne du Christ et rien d'autre (pas un appareil conceptuel, pas une grande tradition, pas une coutume, pas un groupe humain ou un idéal quelconque), c'est Jésus-Christ, lui seul, rien d'autre, une personne.

Nous sommes ravis par lui.

Il est la beauté, il est la lumière.

La lumière attire à elle.

Et quand on regarde la personne du Christ dans l'Évangile, dans ce que d'autres ont dit de lui dans la parole de Dieu (et je pense en particulier à Saint-Paul), nous voyons que chez lui, trois aspects apparaissent clairement : sa foi et son espérance.

Il est viscéralement attachéà son Père.

Même s'il a été envoyé par son Père et qu'il connaît le Père, il a vécu comme un homme qui cherche aussi, à travers les vicissitudes de l'histoire, qui cherche le Père.

N'oublions pas le texte de l'Évangile de vendredi dernier ou de samedi, je ne sais plus, la traversée de la mer agitée : il semble dormir, on a beau être proche de lui, dans le cœur de Dieu, et pour le disciple de Jésus, il y a de la mer agitée.

Néanmoins, dans la personne du Christ, il y a cet attachement viscéral, cette foi et cette espérance en son Père.

Et il y a cet amour du Christ, c'est le troisième aspect, l'amour de Jésus.

L'amour pour son Père, l'amour pour tous ceux que le Père attire à lui.

 

C'est un don d'être ravi par la beauté de Jésus.

Il y a des personnes qui ne l'ont pas et qui sont ravies par la beauté de tout ce qu'il y a autour de lui, de tout ce que les hommes ont construit autour de lui.

 

Mais demandons la grâce, parce que c'est une grâce, d'être attiré par la beauté de Jésus-Christ et de pouvoir s'attacher à sa personne.

 

Le deuxième aspect c'est que, pour le disciple de Jésus, pour celui qui va à la rencontre du Seigneur, et à l'image au fond, de Siméon et d’Anne, il ne peut pas y avoir d’idéalisation, mais du discernement.

Nous voyons bien que Siméon va dire à Marie : « ton cœur sera transpercé ».

Il ne va pas lui dire : « c'est formidable, les oiseaux chantent, te voilà sauvée ».

« Ton cœur sera transpercé ».

Attaché à Jésus-Christ, c'est ouvrir les yeux.

Ouvrir les yeux, pour mieux découvrir le Père, pour mieux découvrir les autres et pour mieux se découvrir, soi.

Attaché ou appelé par le Père.

 

 Et le troisième aspect pour vivre une rencontre avec le Seigneur, à l'image d’Anne et de Siméon, c'est savoir s'effacer.

 Car ils ont attendu, tout leur cœur était tendu vers la réalisation de l’espérance, de la promesse, et dans cette belle prière, Siméon tire sa révérence.

 Il y a des renoncements nécessaires, il y a des effacements qui font partie du plan de Dieu.

 

 

Le disciple de Jésus ne peut pas prendre la place du Maître. Amen.


 17 janvier 2016 - Bar sur Aube : Messe de la Fête sans Frontière

 Lc 3, 15-16. 21-22

 

L’Evangile des noces de Cana est souvent choisi comme lecture lors de la célébration des mariages. En ce dimanche, le contexte n’est pas le même. En ce dimanche, nous célébrons la Journée Mondiale du Migrant et du Réfugié, et l’éclairage que nous offre la Parole de Dieu est d’une autre nature. Le cœur du message pour nous aujourd’hui, c’est « Faites ce qu’il vous dira », c’est l’adresse de Marie aux serviteurs, pour qu’ils soient les médiateurs de l’action du Christ en faveur des hommes.

Cette recommandation prend tout son sens en cette Journée Mondiale du migrant et du Réfugié. Dans son message pour cette journée, le pape François nous dit : « L’amour de Dieu entend atteindre tous et chacun, en transformant ceux qui accueillent l’étreinte du Père en autant de bras qui s’ouvrent et qui étreignent afin que quiconque sache qu’il est aimé comme fils et se sente chez lui dans l’unique famille humaine ». Dans cet Evangile, le rôle des serviteurs est particulièrement important. Ils sont ceux qui accueillent l’action du Christ qui, changeant l’eau en vin, met en route un temps nouveau, le temps où sont manifestés la sollicitude, et l’amour du Père pour chacun. Cette manifestation n’est rien, si elle ne se voit pas, si elle se limite à être dans le secret des cœurs. C’est la raison pour laquelle il faut envoyer ces cuves remplies d’eau au maître du repas. C’est un nouveau vin qui est donné par le Christ, et qui figure l’étreinte de Dieu, le vin de l’amour, le vin de la miséricorde et ce vin n’est reconnu et apprécié que parce que les serviteurs sont allés le distribuer. C’est de cette manière que ceux qui accueillent l’étreinte du Père sont transformés en autant de bras qui s’ouvrent et qui étreignent, afin que chacun ait le cœur en fête, se sentant pleinement de la fête de la famille.

Les migrants et les réfugiés sont là aujourd’hui ; comme les invités au festin de la noce, nous ne les avons pas fait venir, mais ils sont là et qui risquent de ne pas bénéficier du vin de la fête, étant victimes de racisme, de discrimination, de nationalisme extrême, de xénophobie. C’est pour eux que Jésus met en œuvre ce vin nouveau, partagé entre tous et qui est bien meilleur que ce dont ils ont pu bénéficier jusque-là, car c’est le vin de l’amour sans limite de Dieu.

A partir de là, la question se pose : à quoi sommes-nous requis, nous les chrétiens serviteurs ? La réponse nous est donnée dans l’Evangile et cette réponse c’est la miséricorde, cette miséricorde qui est un don de Dieu le Père révélé dans le Fils entre lorsqu’il change l’eau en vin. Ce que Dieu a voulu, en envoyant son Fils, c’est que tous soient bénéficiaires et pas seulement quelques-uns. Universelle est donc notre responsabilité par rapport à tous nos frères. Ce qui est symbolisé par les cuves des noces de Cana, remplies du vin nouveau du Christ et qu’il faut aller distribuer à chacun, car chaque invité a droit à ce vin nouveau, chacun a le droit de vivre dans la dignité, et avant même de les accueillir chez nous, il faudrait leur permettre de ne pas partir de chez eux.

C’est là que commencent déjà les difficultés. Dans son message pour cette journée, le pape François nous invite à regarder la situation de toutes les populations où sévissent des nouvelles formes d’esclavage gérées par des organisations criminelles qui vendent et achètent des hommes, des femmes et des enfants comme travailleurs forcés. Combien de mineurs sont contraints aujourd’hui encore à s’enrôler dans des milices qui les transforment en enfants soldats ? Combien de personnes sont victimes de trafics d’organes, de la mendicité forcée et de l’exploitation sexuelle. Les réfugiés de notre époque fuient ces crimes aberrants. S’ils ont fui c’est parce que chez eux, ils n’avaient pas accès au vin nouveau de la fête. C’est notre mission de leur donner accès à celui-ci au nom du Christ. Nous avons la mission de faire en sorte qu’en les accueillant, nous leur donnions le témoignage de l’accueil inconditionnel de Dieu.

Dans l’accueil que nous pratiquons bien souvent, nous sommes sélectifs, nous mettons ces étrangers qui frappent à notre porte en catégories, nous regardons la régularité ou l’irrégularité de leur condition.

« Portez les cuves » : chacun selon sa mesure doit non seulement aller à leur rencontre, mais agir, sans aucune considération restrictive. Certes nous ne sommes pas le Christ, nous sommes tenus par des lois humaines, mais dans le cadre de celles-ci nous avons face à nous cet impératif : « Aller porter les jarres ». Et nous y sommes incités par Marie qui a une conscience particulière de la misère humaine et qui au nom de cela nous sollicite d’être médiateurs de l’amour miséricordieux du Père. Elle parle à partir de son cœur de Mère. Notre attitude face aux impacts ne doit pas être seulement attristée, humaniste. C’est déjà bien qu’elle soit cela, mais à partir de là, elle risque toujours d’être bloquée par les lois ou par nos peurs. Notre attitude de chrétiens face aux migrants doit être de l’ordre de la charité du Christ qui ne s’encombre pas de frontières, mais qui est tout donné. Mesurons toute la distance qui reste entre cet impératif et notre attitude, et accueillons ce dimanche comme un appel à la conversion de notre cœur.

 +Marc STENGER

Evêque de Troyes


Mardi 5 janvier 2016 

1 Jn 4, 7-10 : A la source de la charité

Ps 71

Mc 6, 34-44 : première multiplication des pains

 

La parole de Dieu, cette semaine, nous invite à imaginer les débuts du Maître dans son ministère public. 

Dimanche prochain, c'est son baptême, mais les textes que nous proposent la liturgie se situent après son baptême : il s'installe à Capharnaüm.

Il est dans le tout début de son ministère de Parole, d’enseignement, ministère qui consiste à rassasier les foules qui ont faim, à découvrir les nombreux malades, les possédés, les personnes qui ont soif.

Et il ne s'arrête pas.

On peut l’imaginer découvrant cette mission, tissant des liens, à la fois là où il vit et en même temps appelant ses premiers disciples.

Et on les voit réunis avec le Maître, là, dans ces plaines de Galilée.

 

Jésus ne cessera jamais de rencontrer sur sa route des gens qui ont faim et soif soit de nourriture solide soit de façon plus détournée, à travers leurs maladies, leurs possessions, à travers leurs péchés non assumés, ou à travers des péchés que d'autres leur mettent sur les épaules.

Il ne cessera jamais, nuit et jour.

Il devra s'échapper, bien souvent, pour prier longuement son Père. 

 

Samedi prochain, Jean va témoigner : « Qui a l'Epouse est l'Epoux ».

Il va reconnaître en ce maître, Celui que le Père envoie.

« Quiconque croit en lui, à la vie éternelle ».

 

« Quiconque croit en lui, à la vie éternelle ».

Une parole qui permet de mieux comprendre cette injonction de Jésus : « Donnez-leur vous-même à manger ».

Car, assez tôt dans son ministère, les propres disciples que Jésus va appeler, vont manifester leur insuffisance.

Pourtant: « Donnez-leur vous-même à manger ».

 

Quiconque croit au Christ a la vie éternelle. 


Samedi 3 janvier 2016 : l’Epiphanie

 

Is 60, 1-6 : Splendeur de Jérusalem

Ps 71

Ep 3, 2-3a.5-6 : Le Mystère du Christ

Mt 2, 1-12 : L’adoration des mages


Nous ne sommes pas le 6 janvier, mais le 6 janvier, c'est la fête de l'Epiphanie, notamment dans beaucoup d'Eglises, hors de France.

C'est vrai que pour le monde orthodoxe, cela va être vrai pour des Eglises d'Amérique latine : le 6 janvier la fête de l'Epiphanie.

C'est aussi durant cette fête que ces chrétiens-là fêtent Noël, de la même façon que nous l'avons fêté, nous, le 24 et 25 décembre.

Souvenez-vous, le 24 et le 25, surtout le 24, nous avons accueilli les textes de l'Évangile qui venaient de Saint Luc, qui nous racontent que des bergers, qui ont été sensibles à une étoile, (un signe dans le ciel) se sont mus jusqu’à Jésus.

Le texte que nous venons d'entendre cite aussi des êtres qui se sont mis en route vers Jésus en suivant une étoile dans le ciel, mais ces êtres, eux, viennent de beaucoup plus loin.

Ils viennent d'Orient et le texte insiste sur leur voyage et sur leur recherche obstinée.

Dans leur ciel à eux, une étoile, un signe, les a guidés jusqu’à Jésus.

C'est aussi Noël, on dit Epiphanie : une manifestation de Dieu.

Dieu vient se révéler.

 

Il y a des étoiles dans nos ciels, à nous, personnels, qui nous renvoient jusqu'à Jésus.

Pour les mages, comme pour les bergers, celui qui est l'auteur de la paix, celui qui est l'auteur d'un cœur tout à fait réconcilié, la vie, l'amour, c'est ce Dieu qui se fait homme.

 

Chez Saint Luc, les bergers ne se sont pas mis en route de très loin, ils étaient tout proches, ils étaient dans les environs de la crèche.

Chez Matthieu, en plus des bergers, il y a ces êtres qui viennent de beaucoup plus loin et qui ont accompli une très grande distance.

 

Peut-être que c'est vrai pour nous, d'ailleurs. Dans nos ciels personnels, il y a des étoiles qui scintillent et qui nous donnent envie, qui orientent notre désir, vers celui, (quand ce n'est parfois pas, quelque chose), vers celui qui pourrait être la source ou celui qui pourrait nous rassasier.

 

Mais attention ! Tout ce qui brille n'est pas d’or et toutes les étoiles qui scintillent dans nos ciels ne nous renvoient pas forcément au-dessus de cette source.

Il y a parfois de mauvaises sources, il y a parfois de mauvaise nourriture.

 

Mais ce que nous contemplons en cette fête de l'Epiphanie, c'est que Jésus est la bonne source, est la bonne nourriture.

Les bergers, le 24 décembre ne sont pas déçus, les mages aujourd'hui, ne sont pas déçus non plus.

 

Alors, nous avons des cheminements intérieurs importants à vivre.

De la même façon que les mages, nous pourrons les imaginer tels qu’en parlait le prophète Isaïe, (une autre façon d’ailleurs), les imaginer traverser des ravins, franchir des collines, traverser des océans (qui sait ?) pour pouvoir arriver jusqu'à la rencontre avec Dieu à travers ce petit enfant.

Eh bien, en nous-mêmes, on a peut-être beaucoup de ravins, beaucoup de collines, beaucoup d'océans à traverser.

 

Ce qui est important de se dire c'est que, à la lumière de ce texte de l'Epiphanie, nos étoiles dans le ciel, si elles nous font franchir des distances très importantes, intérieures, pour aller à la rencontre du Seigneur, c'est que peut-être, ce sont les bonnes étoiles.

Si il y a des étoiles en nous, qui nous font faire très peu de chemin, voire même, nous font faire du surplace, parfois même nous font reculer, ce sont des mauvaises étoiles.

 

Alors comment distinguer les bonnes des mauvaises?

Eh bien voilà déjà un premier critère : si nous sommes convaincus que nous pouvons nous mettre en route et que nous avons à nous mettre en route pour un pèlerinage intérieur, intéressant mais long, parfois un peu coûteux, c'est que c’est sans doute une bonne étoile.

Si nous ne sommes pas stimulés, si nous sommes peut-être appelés à nous renfermer un peu sur nous-mêmes, peut-être ce qui nous attire n'est pas une bonne étoile.

 

On peut demander à l'Esprit Saint qu'il nous donne sa force et qu’il nous aide à discerner.

 

Vous aurez repéré que les mages apportent des cadeaux : or, encens, myrrhe.

Nous avons des mages, là : ils ont des coffrets les uns et les autres ou des objets dans les mains, qui sont leurs cadeaux.

 

Les Pères de l'Eglise, les tout premiers à accueillir ces textes de l’Évangile, bien avant nous, ils ont voulu leur donner une signification que nous portons comme un trésor dans la mémoire de notre foi, que nous communiquons souvent, au KT ou à l'éveil à la foi.

 

Pourquoi ces trois cadeaux très différents ?

Ce ne sont pas des cadeaux qu’on touverait au pied du sapin, aujourd'hui : (encore que de l’or, c'est assez flatteur) ; mais l’encens et la myrrhe, c'est déjà moins tendance.

L’or, pour manifester combien ce petit enfant est roi, (je reviendrai sur ce petit enfant roi) ; l’encens, pour manifester sa divinité ; la myrrhe, pour manifester son humanité.

 

Ne séparons jamais dans notre foi, l’humanité de la divinité de Jésus.

 

Vous allez dire : « oulala ! c'est bien compliqué. L'Évangile nous demande de faire de la chimie ».

Il ne faut jamais séparer l’humanité de la divinité de Jésus.

 

Un petit test : si dans notre univers personnel, Jésus est un homme extraordinaire, un frère, un modèle, un super héros comme finalement, nous pourrions rencontrer dans d'autres épopées qu'on a entendues, que des auteurs classiques ont racontées ; si Jésus n'est que cela, eh bien il est homme.

Il est homme, il n'y a pas de problème.

Mais on a enlevé l'autre dimension, qui est sa divinité.

Sa divinité c’est que Jésus est pour nous un don.

Il vient s'offrir.

Il est bien au-delà de nous-mêmes et de nos attentes et pourtant il vient répondre à nos désirs tout en nous tirant vers le haut.

 

On a du mal à concevoir sa divinité toute seule, on ne voit pas trop.

Certains mystiques, certains spirituels sont plus sensibles à l'absolue divinité de Jésus.

Mais si on enlève son humanité, il manque aussi autre chose.

 

Alors si on sépare humanité et divinité de Jésus, qu'est-ce qu'il va se passer ? si on se sépare les deux ? Si on oublie l'une des deux dimensions de Jésus ?

Nos étoiles dans le ciel qui vont nous guider vers l'enfant nouveau-né, ces étoiles ne vont pas nous faire bouger.

Ces étoiles vont nous faire faire du surplace.

Ces étoiles, elles vont même s'éteindre et nous n'aurons même plus la possibilité de trouver la source de notre vie, si nous séparons l’humanité de la divinité de Jésus.

 

Alors je reviens à sa royauté : l’or qui lui est offert, qu'est-ce que ça veut dire ?

C'est que Jésus est absolument dans notre vie, notre Maître.

Il faut s'y attacher de manière viscérale.

Ça n'est pas simplement des racontars pour des enfants au KT, si vous voulez.

Ça ne peuple pas l'imaginaire de l'enfance au même titre que le Père Noël ou le Dahu.

Jésus est notre Maître.

Si nous nous y attachons, ces longs pèlerinages intérieurs que ces étoiles nous font faire pour parvenir jusqu'à la crèche, ne sont pas des pèlerinages impossibles.

Parce que qui va prendre une route très lointaine, très longue pour aller vers un horizon très lointain, sans avoir aucune vivre, sans avoir aucune aide sur sa route, qui va oser prendre cette route ?

Il risque de souffrir énormément, voire même abdiquer, voire même, même pas commencer le pèlerinage.

Or il faut s’attacher très fort à ce Maître, à ce Roi, pour que ce cheminement soit possible, que ces conversions intérieures soient possibles, que ces cols à traverser, ces ravins à franchir soient possibles.

C'est possible, si nous attachons très fort à ce Maître.

 

Rappelez-vous, un peu comme en guise de conclusion, rappelez-vous, que plus le chemin que nous fait faire notre étoile dans notre ciel, plus ce chemin est long, plus on comprend le chemin que Dieu lui-même fait pour venir à nous.

Et donc on va mieux comprendre combien Dieu nous aime.

Parce que si on n’imagine pas que Dieu se déplace vers nous, (je ne vois pas trop l'intérêt finalement)…ah si ! un dieu très cérébral, un dieu très cérébral.

Mais si on comprend, si on aime celui qui nous aime, si on pige cette distance importante que lui va dépasser en se déplaçant vers nous, on va mieux comprendre son amour.

Plus notre route à nous, personnelle, est longue, plus la sienne est longue, mais on comprend alors davantage combien il nous aime.

 

Seigneur, nous t’offrons ce matin notre or, notre encens, notre myrrhe où nous rappelons très fort, sans jamais les séparer que tu es pour nous homme et que tu es pour nous Dieu, mais tu es avant tout de choses notre Maître et nous avons besoin que, par le don de ton Esprit, tu nous aides à discerner quelles sont les étoiles que nous devons suivre afin de parvenir à la vie, à la joie et à la paix.

 

Je fais une deuxième conclusion et après j'en ai fini.

Quelques vœux qui ont été présentés le 1er janvier à la messe de 11 heures ; je les répète.

C'est inspiré très rapidement de ce que le pape François a formulé pour le 1er janvier, dans son message pour la paix.

C'est de se prémunir, de se défendre d'avoir un cœur indifférent.

Il parle pas mal de l'indifférence dans son message du 1er janvier.

Vous savez que l'indifférence c'est un symptôme de deux causes très différentes :

soit d’un cœur très anesthésié.

Alors on peut être anesthésié par 1000 choses, notamment par ces étoiles qui ne sont pas d’or mais qui brillent dans nos ciels, mais ça peut être aussi anesthésié par une sorte de manque d'aliment personnel.

etpuis l'autre cause, c'est une indifférence qui est de protection intérieure, d'un cœur qui se croit tellement étranger à l'amour que Dieu peut donner, qu'il souffre et qu'il se ferme.

Alors l'indifférence c'est une façon de ne pas souffrir davantage.

Mais dans les deux cas, la difficulté est là : c'est que la paix que nous souhaitons tant, est toujours différée parce que les autres nous sont lointains à cause de cette fameuse indifférence.

 

Les vœux, c'est que précisément, nous nous aidions parce que nous mettons au centre Jésus-Christ, nous nous aidions à sortir progressivement de l'indifférence.

On ne sort pas facilement de l'indifférence, mais on peut.

Attachons-nous à Jésus et ce pèlerinage des mages peut nous le rappeler pour nous-mêmes.

La deuxième chose c'est : entraînons-nous à voir ce qui est beau, ça revient un peu au même si on réfléchit.

Voir ce qui est beau.

Parce que voir ce qui est laid, on sait faire ; identifier les problèmes, on sait faire ; identifier ce qui ne va pas et ce qui est désespérant, on sait faire ; d'autres le font à notre place très bien aussi.

Mais ce qui est beau, ça peut être un effort, en tout cas, un souhait que je formule pour nos communautés. Amen.

 


1er janvier 2016 : Ste Marie, Mère de Dieu.

 

Nb 6, 22-27 : la formule debénédiction

Ps 66

Ga 4, 4-7 : Notre filiation divine

Lc 2, 16-21 : La visite des bergers et la circoncision de Jésus


Chers amis, en cette solennité, 3 points :


Le premier, c’est que, à l'instar des patriarches, des prophètes ; à l'instar d'un certain nombre de personnes que Jésus lui-même, plus tard rencontrera sur sa route, à l'instar des bergers et des mages, Marie a su s'ouvrir à un don.

C'est ce que nous avons célébré plusieurs fois pendant le mois de décembre.

Elle a su aimer sans comprendre, sans avoir toutes les explications, sans négocier des conditions.

Du plus profond de la nuit, du plus profond de son attente, Marie a aimé… point.

 

Et c'est cette audace, cette qualité d'être qui a mis en route toute cette épopée du salut : la venue de Jésus, et le fait que nous soyons, les uns et les autres sauvés, ouverts au don et à l'amour.

 

 Marie a donc su, du plus profond d'un cœur, qui n'était pas forcément très différent du nôtre, elle a su s'ouvrir à cette parole d'un messager céleste, celui qui lui a promis qu'elle allait enfanter le Fils du Très-Haut, mais qui lui a donné très, très peu d’explications et de conditions.

 

En célébrant Sainte-Marie, Mère de Dieu, nous accueillons ce don, cet amour sans pourquoi ?, sans explication.

 

Et par conséquent, c'est le deuxième point, cette manière d’aimer-là, qui fut celle de Marie (et donc je le répète, cette disponibilité également des bergers et des magesqui ont à se mettre en route, des prophètes qui ont à dénoncer et toujours à être à l’écoute de Dieu), cette disponibilité-là de Marie met en lumière nos propres obscurités, ténèbres, peurs, enfermements.

 

Le pape François, dans son message pour la paix, aujourd'hui, va dénoncer l'indifférence.

Vous savez que l'indifférence, elle peut être symptôme de deux choses :

symptôme d'abord d'une forme d’anesthésie morale ou spirituelle, une sorte de cécité (si vous voulez).

Et puis le deuxième aspect de l'indifférence, ça peut être une sorte de protection à une profonde douleur antérieure.

 Une protection d'un cœur extraordinairement meurtri.

 Et le meilleur moyen de ne pas souffrir davantage, eh bien nous fermons les écoutilles et nous sommes indifférents.

 

 Alors ça n'est pas une dénonciation : Marie, l’épopée du salut, ne vient pas dire : « ce n'est pas bien d'être indifférent ».

 Marie et l'épopée du salut à travers elle, vient nous dire. « Ton cœur a besoin de se laisser aimer. Alors, tu seras moins indifférent.

 Mais ne sois pas indifférent à ton indifférence ».

 

 Vous savez que la paix (c’est commun) naît dans notre monde alors qu'elle commence déjà par naître dans notre cœur.

Et le troisième point c’est que, pour cette paix naisse dans notre cœur, il nous faut, une fois encore, nous laisser aimer, pour que nous ne nous contentions pas d'un cœur anesthésié ou meurtri.

 

Cette grande nouvelle de ce 1er janvier, Marie mère de Dieu, c'est que le Verbe aime en nous.

Dieu aime en nous.

Il n'aime pas que nous, il aime en nous.

C'est ce que nous allons accueillir dans le l’eucharistie.

Dieu aime en nous.

 

À y réfléchir deux secondes, c'est quand même une nouvelle extraordinaire qui peut être source de bien des transformations autour de nous :

Dieu aime en nous.