Homélies des mois de septembre, octobre, novembre et décembre 2015


Lundi 28 décembre : Les Saints Innocents.

 

1 Jn 1, 5 - 2, 2 : Marcher dans la lumière. Première condition : rompre avec le péché.

Ps 123

Mt 2, 13-18 : la fuite en Egypte et le massacre des innocents.

 

Rachel est la sœur de Léa, la fille de Laban et Jacob avait très envie de s’unir à Rachel.

Il s’est d'abord uni à Léa et il a eu plusieurs enfants.

Sur la totalité des tribus d'Israël, les tribus issues des enfants de Jacob, Léa était la mère de la majorité.

Rachel, quant à elle, a été la maman de Benjamin et de Joseph (je devrais dire l'inverse, de Joseph et de Benjamin).

Rachel est décédée à la naissance de Benjamin.

Elle a été inhumée à Rama.

Dans la tradition juive, Léa et Rachel ont été les piliers d'Israël, parce que, de ces deux femmes sont issues toutes les tribus d'Israël, les fils de Jacob.

 

La longue plainte de Rachel inconsolable, nous suggère que ce massacre de ces enfants par Hérode, a produit un tremblement très important.

 

Ce que l'on peut retenir, alors que nous sommes à quelques jours de l'Epiphanie et que nous venons de fêter la nativité de Jésus, ce que l'on peut retenir c'est que : les amis de la lumière aiment la lumière, les amis de l’amour aiment l'amour, les amis du Fils, de Jésus, aiment l'amour et la lumière.

 

Et ceux qui sont ennemis du Christ, n'aiment pas.

Ils n'aiment pas. Ils ne peuvent aimer ; même pas le mal, si toutefois le mal est aimable ! Ils ne peuvent pas.

 

Ce qui signifie que cette belle fête de la nativité qui est une fête de la lumière et de la paix, n'est pas non plus une fête naïve, car nous savons qu'il y a encore au milieu de la lumière, quelques ténèbres.

Et c'est le martyr d'Étienne qui nous le rappelle mais aussi ce massacre de ces Saints-Innocents, de ces enfants.

 

Alors, pour les chrétiens qui se réclament de la mort et de la résurrection de Jésus et qui se souviennent, à travers Marie, de la naissance du Sauveur, la crèche est directement en lien avec la Croix.

La naissance de Jésus est directement en lien avec la résurrection de Jésus.

 

Retenons que, si nous sommes attirés par la lumière, si nous sommes attirés par celui qui est la paix, si nous sommes attirés par le Christ, alors nous sommes attirés par l’amour.

Laissons Dieu produire en nous l'amour.

De cette façon, il chasse les dernières obscurités que nous pouvons avoir dans notre cœur.

Mais cette discrimination entre le bien et le mal, entre la lumière et l'obscurité dans notre cœur, n'est possible que par Jésus, n'est possible que par sa mort et sa résurrection.

 

Alors, dans notre prière, portons tous les innocents, portons tous les martyrs.

Nous portons tous ceux et toutes celles qui souffrent à cause de leur foi en Christ et à cause de leur amour de la vérité.

 

 

Mais nous contemplons, et nous continuons à contempler aussi ce soir, l'œuvre du Fils, attaché au Père, celui qui donne sa vie par amour pour chacun.


Dimanche 27 décembre : La Sainte Famille

1S 1, 20-22. 24-28 : naissance et consécration de Samuel

Ps 83

1 Jn 3, 1-2. 21-24 : vivre en enfants de Dieu

Lc 2, 41-52 : le recouvrement de Jésus au temple


Chers amis, il est normal qu'après avoir fêté la naissance de Jésus, on s'intéresse à cette famille que constituent Marie, Joseph et Jésus.

 

Vous savez que dans notre foi, Jésus-Christ, est de manière indissociable homme et Dieu.

 Les récits de Saint-Jean, l'Évangile et les lettres, nous montrent le Verbe fait chair qui vient demeurer parmi nous : celui qui est de toute éternité, devient l'un des nôtres.

 

 Donc, en tant que Dieu, Jésus est Dieu depuis toujours : le Verbe en lui, n'a pas été un jour en train de naître et un autre jour en train de mourir.

 Il a été depuis toute éternité, Dieu.

 

 Et en tant qu'homme, Jésus a forcément connu un début et puis il a connu une fin, puisque nous n'avons jamais vu un humain avoir été comme Dieu, depuis toujours.

 

 Donc, Jésus est né, c'est ce que nous avons célébré il y a deux jours.

 Jésus va connaître la croissance, le vieillissement et puis, il va connaître la mort, non pas à cause de sa vieillesse, nous le savons.

 Et ce qui va être cause du salut et de Rédemption pour nous, c'est sa résurrection associée à sa mort.

 

Beaucoup se sont interrogés sur la conscience que Jésus pouvait avoir "d'être aux affaires de son Père".

Car nous savons tous nous-mêmes, qu’il y a un temps où peut-être, notre relation aux autres, à Dieu, au monde, aux mystères du monde, au mal, à l'amour… il fut un temps où dans nos vies personnelles, c'était simple, on ne se posait pas de question, et à un moment donné, on s'en pose et ça devient plus compliqué, une sorte de conscience émerge personnellement dans nos trajectoires individuelles.

 

 On s'est demandé : mais quand est-ce que Jésus a vu naître en lui cette conscience religieuse, (on pourrait dire), ce qui l’attire à son Père, dans sa partie humaine de lui-même ?

On s'est d'autant plus posé cette question que cet Évangile que nous venons d'entendre, ce récit du" recouvrement de Jésus au temple", tel qu'on le prie dans les mystères du Rosaire, laisse à penser que, au moment de sa maturité religieuse, Jésus peut-être prend conscience, tout du moins manifeste qu'il est à son Père.

 Peut-être qu’un temps avant, il ne l'était pas complètement et puis à partir de ce moment-là, c'est un peu comme le top départ : ce sera le fils de Dieu agissant qui va se manifester avec de plus en plus de force.

 

 Alors ces questions-là sont à mes yeux et aux yeux de beaucoup, un peu sans réponse: l'Évangile en dit si peu.

Est-ce que Jésus un jour, alors qu'il avait sept ans, six ans, cinq ans, est-ce qu'il avait conscience ou pas d'être le Fils de Dieu, on ne le saura jamais, qu’importe à la limite.

 

Mais ce qui est important, c'est que ses parents, manifestement, là encore dans le texte, que nous venons d'entendre, auront sans doute avancé d'un cran dans cette conscience de l'appartenance de Jésus au Père.

 Alors sans doute, bien sûr, ils le savaient les parents, parce qu'ils ont été l'objet de cette annonce magnifique : au moment de l'Annonciation pour Marie, du songe à Joseph, pour Joseph, l'annonce que Marie allait porter, enfanter le Fils du Très-Haut.

 Elle a dit oui. Joseph savait qu’il était associé à ce projet, il y a consenti.

 

 Mais sans doute que les parents, Marie et Joseph, peu à peu se sont ouverts à ce don.

Notamment, tant que leur enfant était profondément soumis à leurs parents, peut-être que c'était moins évident de prendre conscience qu'il était le Fils du Très-Haut.

Et à un moment donné, ils s'ouvrent plus, les parents, à cette appartenance de Jésus au Père.

 

Ce qui est important, déjà, pour ce qui est de la question familiale, puisque c'est la Sainte famille et que dans l'oraison d'ouverture de la messe et dans la prière que le prêtre va prononcer à la fin de la messe, on parle de la Sainte-Famille comme d'un modèle ou comme d'un exemple à suivre.

 

 Alors, ça n'est pas (entendons-nous bien) le fait que nous avons trois personnes qui sont en elles-mêmes un modèle puisque l'Évangile nous dit très peu de choses sur les outils éducatifs qui étaient à l'œuvre dans la famille de Jésus.

On n'en sait pas grand-chose.

L'Évangile de Luc, à plusieurs reprises, dit que "Jésus était soumis à ses parents et grandissait en sagesse et en taille".

 

Mais la chose, l'indice le plus prégnant qui apparaît dans l'Évangile, c'est que nous avons des parents sensibles à la vocation de leur enfant et l’accompagnent pour que cet enfant finisse pas risquer son unique existence au service d'autrui, seul ou avec d'autres, au nom de son Père.

Et c'est sans doute cela qui fait de cette Sainte Famille, une sainte famille : c'est-à-dire des parents, des éducateurs qui accompagnent les plus jeunes, et en l'occurrence ici les enfants, jusqu'à ce qu’ils finissent pas risquer leur unique existence au service d'autrui, et en l'occurrence ici c'est la suite du Père, ce qui n'est pas rien.

Alors nos familles sont sans doute cela, ou ont besoin de le devenir de plus en plus.

 Nous savons toujours qu'une famille devient Sainte, au moment où elle accepte que les trajectoires des uns et des autres s'individualisent, se singularisent, ne soient pas toujours en fonction des plans ou des projets, des schémas bâtis secrètement quelque part dans un recoin du cœur du papa ou de la maman.

 

 Il est important de ne pas laisser les êtres fragiles partir dans le décor, mais il est important de détecter, d’éveiller, de susciter des vocations pour risquer son unique existence.

 C'est sans doute en cela que la famille de Jésus est un modèle.

 

 Mais, je vous propose aussi d'avancer d'un cran et de repérer que, ce qui est vrai pour Jésus par rapport à son Père, l’est d'autant plus pour nous par rapport au Christ.

 

Je m'explique : si Jésus à un moment donné manifeste vis-à-vis de ses parents qu'"il est tout aux affaires de son Père", ça a été au moins pour Jésus, pour Marie et pour Joseph, non pas une découverte, mais une prise de conscience.

 

 Nous, personnellement, comment grandissons-nous, comment croît en nous (du verbe croître) notre appartenance au Christ, notre conscience d'appartenir au Christ ?

Si la crèche est pour nous un lieu, source : nous nous recevons de cette lumière qui fait naître, de là ce mystère de l’Incarnation, où nous puisons notre force, dans la foi ; et bien la fête de la Sainte-Famille nous invite à nous projeter vers un horizon.

La crèche, il y a deux jours, est un lieu source; la Sainte-Famille est un horizon.

 

De quelle façon ?

Eh bien, que le Christ pour nous, est c'est horizon à atteindre.

 

Pour Marie, pour Joseph, le Père est l'horizon à atteindre, pour Jésus.

Pour nous, c'est le Christ qui est un horizon à atteindre.

 

 Quel moyen nous donnons-nous, si nos communautés sont des familles, si l'Eglise, pour nous constitue une famille, quel moyen nous donnons-nous en famille pour croître dans notre appartenance, dans notre conscience d'appartenir au Christ ?

 

 Un chrétien qui ne s'alimenterait uniquement, uniquement, uniquement qu’à l’eucharistie, sans s'ouvrir à la prière, sans s'ouvrir à une action de grâce domestique, sans s’ouvrir à la lecture et à la méditation de la Parole de Dieu, sans s'ouvrir à la louange, sans s'ouvrir au service ou à l'intérêt pour autrui, eh bien ce chrétien-là est un chrétien qui se priverait grandement.

 

Alors nos familles chrétiennes, nos communautés ont besoin d'être autre chose que le simple, l’uniquement simple rassemblement pour l’eucharistie et ont besoin d'accompagner ce rassemblement par un certain nombre de besoins, d’outils et de missions qui vont nous aider à croître dans notre appartenance à Jésus-Christ.

 

Le Christ est pour nous cet horizon à atteindre.

 

Non seulement il est déjà en nous ; nous sommes déjà en lui par notre baptême, mais nous vous avons à avancer, à faire des pas supplémentaires en direction de lui, nous attacher à lui, et nous risquer, risquer notre unique existence à la suite du Christ de la même façon que le Christ s'est complètement reçu de son Père et s'est offert à son Père, a accueilli tous ceux que son Père a attiré à lui, sans jamais se les approprier, mais en leur permettant à travers lui de connaître le Père.

 

Vous savez que la belle figure de Marie est vraiment en filigrane de tous ces très beaux récits de la naissance de Jésus.

Marie, c'est sans doute, je vous l’ai déjà dit, ce personnage qui, dans l'accompagnement de Jésus, de sa croissance, est ce disciple même qui en sait plus.

Et Marie a été présente jusqu'à la Croix, elle a été présente après la Croix, Marie a été présente jusqu'au don de l'Esprit Saint.

Les Actes des Apôtres le rappellent, la situent présente avec d'autres femmes et les onze réunis, dans la chambre haute pour prier, bien après l'Ascension.

Eh bien, sans doute que, à travers ce récit de Jésus dans le temple, que nous venons d'entendre, nous avons ce magnifique souvenir de Marie elle-même, qui a certainement mûri profondément dans la découverte que ce Très-Haut qu'elle a enfanté, petit à petit, l’est devenu à ses yeux elle-même.

Petit à petit, elle a reçu ce Très-Haut dans son cœur, voyant son fils croître, avancer.

Et sans doute que,lorsqu'elle a vu son fils aux noces de Cana, ou bien en pèlerinage entre Galilée et Jérusalem, de la même façon que les autres disciples s’est laissée peu à peu instruire par lui, elle s'est laissé instruire par le Très-Haut.

Non seulement elle l’a enfanté mais elle l’a reçu après.

 

Que nos communautés soient l'image de Marie : à la fois ceux et celles qui se reçoivent de Jésus, et en même temps, par l’eucharistie, par la Parole, le donnent, l'offrent.

Que toujours, nous puissions nous attacher à Jésus-Christ, que nous soyons aux affaires du Christ de la même façon que Jésus est aux affaires de son Père.

 

Lisons l'Ecriture, que dans notre cœur tel un creuset, nous associons la parole de Dieu avec la vie des hommes et des femmes, à commencer par la vie de nos familles, et je pense évidemment, notamment à nos familles qui souffrent, qui souffrent la division ou l’incompréhension.

 

 Pour terminer, ce verset de la première lettre de Saint-Jean que nous avons lu tout à l'heure :" Bien-aimés, dès maintenant, nous sommes enfants de Dieu ".

 Dès maintenant nous sommes à Christ, dès maintenant nous sommes aux affaires du Père.

"Mais ce que nous serons, n'a encore pas été manifesté ".

 Nous sommes en chemin, le Christ est en même temps, à l'horizon.

 Nous avons à grandir dans notre attache, dans notre conscience à Christ.

 Que nous puissions terminer un jour, dans notre vie, dans une belle prière, à dire au Père « je », comme Saint-Augustin a pu s’adresser à Dieu en disant « je ».

 

 

 Eh bien grandissons dans cette belle appartenance à Jésus, telle que Marie, les disciples, peu à peu ont grandi eux-aussi. Amen.


Jeudi 24 décembre : Messe de minuit (messe de l’aurore)

Is 62, 11-12 : il vient le salut de Dieu

Ps 96

Ti 3, 4-7 : la miséricorde de Dieu

Lc 2, 15-20 : la visite de bergers


 Il est bon que nous puissions resituer cette belle fête de la nativité à l'intérieur d'un ensemble plus vaste, car la fête de la nativité c'est comme une pierre précieuse qui est bien attachée, assise à l'intérieur du bijou.

 Et ceux qui ont participé aux préparatifs de ces fêtes, repèrent combien l'Évangile nous prépare à vivre Noël.

 

 Les enfants, la première scène, ça commence ici : ça commence par cette visite de cette créature céleste, un ange, l'ange Gabriel, à Marie.

 Elle est éveillée Marie, et l’ange lui parle et l'invite à accueillir, si elle dit :oui, l'Esprit Saint qui va la couvrir de son ombre pour qu'elle puisse enfanter le Sauveur.

 Le Très-haut va prendre chair en elle.

 

 Alors Marie se pose quelques questions : « comment cela va-t-il se faire puisque je suis vierge » ?

 Et l'ange va lui rappeler que sa cousine Elisabeth, qui est âgée et que l'on croyait stérile, attend elle aussi, un enfant.

 Rien n'est impossible au Seigneur.

 Que répond Marie ?

 Elle répond : oui.

 Et ce n'est pas un oui comme ça pour faire plaisir au bon Dieu, c'est un oui qui engage toute sa vie.

 

 Alors, il y a aussi la même chose pour Joseph, alors on l’oublie parfois.

 Mais Joseph a droit aussi, au sien, dans l’Evangile selon saint Matthieu.

 Lui, il dort Saint-Joseph.

 C'est le songe à Joseph.

 La même créature céleste, pendant son sommeil, s’adresse à lui : « ne crains pas de prendre chez toi Marie, car elle est enceinte, elle va enfanter un fils ».

 Alors Joseph est un peu interdit parce que il sait très bien « qu’il ne l’a pas connue » comme le dit très élégamment la parole de Dieu, mais il va y consentir.

 Il dit : oui.

 

 L'étape suivante, nous avons vécu ça dimanche dernier : la Visitation.

 Marie, en hâte, accourt vers Elisabeth.

 Alors nous avons coutume de dire : ces deux femmes sont heureuses et puis alors, les enfants qu'elles portent dans leur sein ?

 Pour Elisabeth, c'est Jean-Baptiste et Marie, c'est Jésus.

 Jean-Baptiste est plus avancé dans le ventre de sa mère.

 Et on a coutume de dire également que les deux enfants, à travers la matrice maternelle, se saluent et se réjouissent.

 

 C'est tout de suite après cette scène de la Visitation que Marie va prononcer son merveilleux magnificat : « mon âme exalte le Seigneur, exulte en Dieu, mon Sauveur …».

 Et elle va dire une chose qui est très, très importante, et ne perdez pas le fil, ça va être important pour la suite.

Elle va reconnaître la miséricorde du Seigneur qui s'étend d’âge en âge.

Alors le mot miséricorde, on a toute la vie pour le comprendre, mais le Seigneur donne, il est généreux, sans mesure et elle en a été une bénéficiaire, mais à travers elle, tous ceux qui sont avant et tous ceux qui sont après.

Elle s'en réjouit.

 

Et là, c'est l'Évangile qui a été lu à la messe de 19 heures et la messe de 22 heures : c'est Marie et Joseph.

Ils quittent Nazareth pour aller à Bethléem en Judée, car, (vous connaissez le texte de l’Evangile), « l'empereur Quirinius était gouverneur de Syrie, il ordonna de recenser toute la terre », c'est la raison pour laquelle Marie et Joseph partent à Bethléem, parce que Joseph était de la maison et de la descendance de David.

Vous savez, Bethléem, la maison du pain, c'est la ville natale du roi David.

Bon, vous ne perdez pas le fil !

 

C'est la naissance, là, de Jésus ; et là c'est la visite des bergers, c’est ce qu’on vient de lire.

Les bergers donc, après que les anges dans le ciel leur ont dit: «un signe, vous trouverez un signe : cet enfant qui est dans une mangeoire ».

Ils y vont et ils racontent (d'ailleurs le texte dit même deux fois qu’ils racontent : une fois, ils racontent, une autre fois, ils glorifient et ils louent Dieu) et Marie qui garde tous ces événements dans son cœur.

 

Au début du mois de janvier, c'est la fête de l'Epiphanie.

Pour nos amis orthodoxes, c'est Noël et pour un certain nombre d'Eglises catholiques dans d'autres continents, c'est Noël aussi : l'Epiphanie.

C'est la version chez Saint Matthieu.

Ce n'est pas des bergers qui vont voir Jésus, chez Saint Matthieu, ce sont des mages, des êtres qui viennent de plus loin.

Mais c'est comme les bergers, les mages.

Ils regardent le ciel.

Les bergers regardent le ciel (parce que on ne sait pas trop, ils n'avaient peut-être rien d'autre à faire), mais les mages eux, ils scrutaient le ciel, ils le scrutaient.

 

Mais dans les deux cas, le ciel les renvoie vers la terre.

Le ciel fait signe vers la terre.

Ça nous arrive de demander beaucoup de choses au bon Dieu et d’attendre que ces choses viennent d'en haut.

 

Et le miracle de la nativité c'est que ces choses viennent d'en bas.

Dieu, le Tout-Autre et le Très-Haut, vient se faire chair, et la nôtre.

 

La dernière scène, c'est la présentation de Jésus au temple : c'est la fête de la Chandeleur début février, la fête de la lumière aussi.

En réalité, c'est plus de huit jours après sa naissance, dans l'Évangile de Luc : Jésus est présenté par ses parents au temple, à Jérusalem, selon ce que la loi prescrit.

Et vous avez deux merveilleux personnages : Anne, prophétesse et le vieillard Siméon.

Alors Anne et Siméon, on pourrait méditer sur eux et surtout dans ces temps qui sont les nôtres.

Parce que Anne et Siméon, ils sont un peu comme nous, quand on regarde la télévision, c'est-à-dire : ils ont l'impression qu'on n’a plus grand-chose à attendre.

 Que, en fait, tout est derrière nous, et que ça fait vachement flipper ce qu'on va vivre demain.

 Mais ils attendent, ils attendent parce qu'il y a encore ce fil ténu de l'espérance que, après tout, le Seigneur, (on ne sait jamais !), il pourrait réaliser les promesses qu'il a faites à nos aïeux.

 Ils attendent, on pourrait les imaginer avec le visage creusé par les années et quelques heures de veille aussi, les yeux brûlés.

 Et ils voient Jésus, présenté par Marie et Joseph, et nous savons très bien ce qu'ils disent : « maintenant Ô maître souverain, tu peux laisser ton serviteur s'en aller… » : ça c'est Siméon.

Voyez un petit peu la perspective.

 

Mais cet enfant né, le Verbe fait chair c'est un signe qui est donné : « vous trouverez un nouveau-né emmailloté dans une mangeoire ».

 

Signe de quoi ?

C'est la raison pour laquelle nous sommes dans cette église, cette nuit.

Signe de quoi ?

 

Vous savez, nous sommes tous originaires d'une matrice maternelle : les p'tits loups, les parents, les personnes âgées, hommes, femmes, célibataires, que sais-je ?

Nous sommes tous nés d'une matrice.

Mesdames, surtout si vous êtes maman, vous avez donné la vie ; messieurs, si vous êtes papa, vous l’avait donnée aussi, d'une autre façon.

 

Se recevoir ou naître ou donner la vie, c'est vrai pour tout le monde de 1000 manières.

En dehors de notre naissance, nous avons aussi rencontré sur notre route, beaucoup de personnes qui nous ont apporté, qui nous ont fait grandir, en plus de nos parents.

Nous pouvons avoir des éducateurs de toute nature : le curé du village, le maire, l'instituteur, des camarades, des grands-mères… toutes sortes.

Nous avons reçu la vie.

Nous aussi, d'une autre façon, en dehors d'être papa, maman, nous pouvons aussi donner la vie parce que, à notre tour nous sommes éducateurs, témoins etc. même moi, comme prêtre.

La vie, elle se reçoit ; la vie, elle se donne.

 

D'aucune manière, nous ne pouvons la retenir.

D'aucune manière, nous ne pouvons la retenir la vie ; sans quoi la vie, elle meurt.

Nous voudrions bien.

Pourquoi ?

Il y a des moments, dans une existence, où nous voudrions la retenir.

Comme un enfant s'attache à un ballon qui va s'envoler.

Nous voudrions la retenir.

Car, c'est de ces moments dans une existence, où un cœur blessé, a peur de perdre, si jamais, il donne.

Il a peur de perdre si jamais, il donne.

Combien de parents, ici, ont peur que leurs enfants aillent droit dans le mur s’ils ne prennent pas la trajectoire qu'ils ont prévue pour eux ?

Combien, dans nos villages et dans nos villes, avons- nous peur devant un monde qui change ?

Combien, quand nous avançons en âge, avons- nous l'impression qu'avant c'était bien mieux ?

Voyez, on veut retenir.

Après tout, pourquoi pas ?

Mais nous ne pouvons pas retenir.

 

On dit que Noël c'est une fête merveilleuse et magique.

Ça l’est beaucoup pour les enfants.

Mais plus on avance, moins c'est merveilleux, car combien parmi vous quand ils vivent Noël, pensent aux Noëls d'autrefois, perdus, heureux ; aux Noëls perdus, moins heureux ?

Combien parmi nous, vivent des Noëls qui leur rappellent ce qu'ils auraient voulu être et qu’ils n'ont pas réussi à être ?

C'est encore un signe, que cette vie nous voudrions le retenir de peur de perdre.

 

Or le mot Jésus, en araméen, signifie Dieu est généreux.

Jésus, Josué, Dieu est généreux.

Devant ce sentiment de cette perte possible, de la crainte de perdre, nous avons ce signe que nous donne le Seigneur : Dieu donne, Dieu est généreux et il a pardonné.

 

Alors, attachons-nous à ce signe, attachons-nous à cette bouée-là.

Nous n'avons rien à perdre.

Alors je vous souhaite, en cette nuit, ici, que nous soyons très attachés au Christ, pour que, rien dans nos vies, lorsqu'il s'agit de donner, ne nous fasse peur.

 

Retenons : ces bergers qui ont annoncé ce qu’ils ont vu et retenons Marie qui a médité.

Notre mission à nous, c'est d'être des sentinelles dans un monde qui a peur.

Non pas pour avoir plus peur que ceux qui ont peur.

Notre mission, dans ce monde, c'est d'être des sentinelles pour raconter ce qui s'est passé, pour rendre gloire, louer, glorifier Dieu et pour méditer tous ces événements.

 

Car si nous attendons que ce soit les autres qui nous rassurent, on se trompe.

Ça n'est pas aux autres de nous rassurer, c'est le Christ qui, fermement, nous amarre sur le roc solide de l'amour de son Père.

 

 

Attachons-nous au Christ. Amen. 


Mercredi 23 décembre :

Ml 3, 1-4.23-24

Ps 24

Lc 1, 57-66

 

Il n'est pas rare que dans des itinéraires personnels ou familiaux, des choix faits par des personnes qui nous sont chères, des enfants par exemple, des amis proches, des choix singuliers qui s'éloignent des choix que nous aurions faits à leur place, produisent beaucoup de souffrances.

 Ça n'est pas rare de se demander si, dans notre responsabilité d'amis ou de parents, nous n'avons pas échoué quelque part, lorsqu'un enfant ou un ami vient prendre une trajectoire qui nous paraît fortement singulière.

 

 Voilà : ce texte de l'Evangile insiste quelque peu sur la façon dont cet enfant qui naît, doit sortir de cette lignée, cette tradition paternelle et porter un autre nom.

 

 Ces fêtes de Noël, c'est le passage d'une ancienne Alliance à une nouvelle, (ne rendant pas caduque la première, nous le savons), mais un passage qui vise à accomplir tout ce que Dieu, depuis le départ, a voulu manifester : sa générosité.

 

Accueillons donc cette générosité de Dieu qui va bien au-delà de ce que nous pourrions nous-mêmes établir, construire, vouloir, projeter.

 

Nous savons que Zacharie, tout de suite après, va lui-même chanter la miséricorde de Dieu.

Peut-être que son mutisme était lié à une résistance face à cette générosité de Dieu.

 

Quant à nous, nous nous préparons à en être les témoins et à la chanter demain avec les anges.


Mardi 22 décembre : 

1 S 1, 24-38

1 S 2

Lc 1, 46-56

 

Dans cette Visitation et cette grande acclamation de Marie, qui suit la rencontre avec sa cousine Elisabeth, tout est beauté.

Tout est simple.

Tout est pur.

Ces mots d'ailleurs, ressemblent étrangement aux mots de la maman de Samuel, lorsqu'elle apprit qu'elle allait mettre au monde son fils, qu'elle n'attendait plus.

 

Nous savons que les fêtes de Noël, c'est l'accueil d'un nouveau-né, et c'est la contemplation du mystère de la générosité de Dieu : Jésus qui veut dire « Dieu est généreux ».

 Cette générosité qui se manifeste dans le circuit permanent d'une vie qui se reçoit et ensuite qui se donne.

Ça a commencé bien avant Marie, depuis la nuit des temps la vie se reçoit et elle se donne.

Il y a une tension permanente entre un bien que je reçois entre mes mains et que je redonne, entre une naissance etune mort.

C'est ce qui fait à la fois la beauté et le caractère dramatique de toute existence.

 

Mais depuis Marie, et depuis Jésus surtout, ça n'est pas la dimension dramatique, triste, de quelque chose que l'on doit toujours donner et ne jamais conserver, c'est la beauté toute simple d’une générosité.

Nous ne perdons rien à donner ce que nous avons reçu.

Nous avons tout à gagner.

Pourquoi ?

Eh bien, nous avons la réponse dans ces mots de Marie : parce que Dieu est miséricorde, parce que Dieu, il est pareil et parce que Dieu a été le premier à agir et vivre ainsi.

 Il donne sans retenir, sans calcul, sans ajustement, sans « pourquoi ? ».

« Le Puissant fit pour moi des merveilles, sa miséricorde s’étend d’âge en âge ».

 

Alors, nous voyons bien, dans ces mots de Marie, ceux qui sont dignes de cette miséricorde, qui sont à la fois les petits, mais en même temps tous ceux qui sont alourdis par des montagnes d'orgueil, les puissants qui sont renversés : eux aussi, sont bénéficiaires de cette miséricorde.

Et tous ceux qui précèdent Marie, jusqu'à Abraham et bien avant, toute cette génération de l'Ancien Testament, tous sont objets de la miséricorde du Père.

 

Ce «sans pourquoi » de l'amour de Dieu, qui n'épuise pas Dieu d’ailleurs, explique la raison pour laquelle nous sommes invités à accueillir cette dimension toute simple de notre vie : j'ai reçu, je donne, ce n'est pas grave, c'est même très bien et c'est beau.

 

Amen.


Dimanche 20 décembre : 

 
 Chers amis, il y a quelques années, j'ai été aumônier pendant trois ans avec les étudiants de l'université de Technologie à Troyes.

 Et pour ceux qui s'y intéressent, vous savez peut-être que dans cette université, il y a une sorte de pôle d'excellence pour les étudiants qui se forment aux nanotechnologies : à l'infiniment petit.

 Alors j'ai eu le plaisir, (mais ça n'était pas du tout une faveur, ça arrive à beaucoup puisqu'ils font des portes ouvertes), de découvrir leurs laboratoires.

 Les étudiants apprennent à utiliser des microscopes électroniques entre autres, c'est-à-dire à naviguer dans ce que l'on croit être invisible, et qui finit par l'être, ce qui est tout petit, petit, petit, petit.

 C'est un peu l'inverse de ceux qui scrutent le ciel et qui vont à la recherche de ce qui est infiniment grand.

 

 Alors j'ai pris conscience, en fréquentant ce monde étudiant, de la part importante que prenait dans la vie de tous les jours, l'infiniment petit.

Nous sommes devenus des spécialistes de l'invisible, à tel point que nous devenons quasiment des enfants incompétents devant le visible.

 Nous sommes très doués, les générations qui viennent sont de plus en plus douées pour l'invisible mais sont devenues incompétentes pour ce qui est visible et ce qui se voit.

 

 Un cœur embrumé, un cœur un peu égaré, finit par ne plus voir ce qui est évident.

 « Nos yeux ont vu » c'est ce que Saint-Jean prétend au début d'une de ses lettres : « nos yeux ont vu, nos mains ont touché, la vie s'est manifestée".

Alors les nouvelles générations ont vu ce qui ne se voit pas beaucoup, sont spécialistes de ce qui est très lointain, mais un peu moins de ce qui est tout proche et évident.

 

Et la première évidence, évidence native d'une certaine façon, c'est : les rencontres, les visites, les visages.

L'évidence d'une émotion qui peut se dessiner sur un visage, l'évidence de ce qui ne se dit pas mais peut se deviner à travers un regard.

 C'est ainsi que naît l'amour d'ailleurs, entre deux êtres.

 Il n'est point besoin d'être psychologue ou spécialiste en nanotechnologie pour deviner ce qui se passe dans le cœur d'un être que l'on finit par aimer, que l'on aime déjà.

 C'est la magie de la relation.

 

 Pour que nos cœurs quittent leur brume épaisse qui les rend parfois inapte à cette évidence du visible, eh bien le Verbe s'est fait chair.

 Et déjà Marie, dépouillée de cette brume dans son cœur, par la grâce de son fils, cette femme toute transparente, qui, dans la relation, est capable à son tour de révéler à elle-même une autre femme qui n'a pas encore eu cette grâce : c'est Elisabeth sa cousine.

 Lorsqu'un cœur n'est pas dépouillé de ses brumes épaisses qui l'empêchent de voir ce qui est évident dans la rencontre avec quiconque, lorsqu'un cœur n'est pas dépouillé de ses brumes épaisses, il ne se rend pas compte de Celui qui frappe à la porte dans la rencontre.

 Mais lorsqu'un cœur est dépouillé de ses brumes épaisses, il se rend tout transparent.

 

 Dans cette rencontre entre Marie et Elisabeth, nous sommes invités à comprendre ce qui est la mesure, notre mesure, ce qui se révèle à nous-mêmes dans la rencontre avec autrui, ce qu'autrui nous révèle à nous-mêmes dans la rencontre.

 Cette mesure peut nous être donnée par le Verbe fait chair.

 Il nous le promet d'ailleurs, ailleurs, dans l'Évangile : celui qui le suit de près, celui qui écoute sa parole et la met en pratique, peut recevoir une mesure bien pleine, tassée, débordante, dans son tablier.

Marie a reçu cette mesure lors de la visite de l'ange dans l'Esprit et Elisabeth a reçu à son tour cette mesure, grâce à la visite de Marie.

 

 Il nous faut nous préparer à recevoir le Verbe dans nos vies.

 Nous sommes à quelques jours de Noël.

 Que nous dit l'Évangile pour que nous recevions cette mesure dans nos vies ?

 Que nous dit l'Évangile pour que nous ressemblions à Marie lors de l'Annonciation ?

 Que nous dit l'Évangile pour que nous ressemblions à Elisabeth lors de la Visitation ?

 

 Eh bien il nous dit trois choses, trois pistes :

 

·                     La première, c'est que devant Dieu ne sommes rien.

 Devant Dieu, nous ne sommes rien.

 Il ne s'agit pas de se dire : oui, effectivement devant Dieu je ne suis pas beaucoup, effectivement j'ai besoin de lui.

 Il y a parfois des formes d'humilité qui sont encore un peu de l'orgueil.

 Devant Dieu je ne suis effectivement rien du tout.

 Car lui, est tout.

 Il est tout, il est complètement tout et je me reçois de lui, j'ai besoin de lui, il s'offre à moi.

 C'est le chemin de l'enfance, le chemin de la petite voie tel que Ste Thérèse en a parlé.

 J'ai besoin de devenir petit comme Jean-Baptiste est devenu petit devant Jésus. 

 

·                     La deuxième piste, c'est qu'il y a besoin de laisser en nous, de laisser partir ce petit

enfant qui demeure et qui est parfois la somme, dans nos mémoires et dans nos cœurs, d'un grand nombre de déceptions personnelles, de ce que nous aurions pu être, de ce que nous aurions voulu demeurer, de ce que nous avons été et que nous ne sommes plus, ce que nous n'aurions pas voulu être et que nous sommes, et qui parfois dans nos mémoires se transforme en ce petit enfant que nous avons du mal à laisser partir.

 

À la crèche, nous n'adorons pas ce que nous aurions voulu être ou demeurer ; à la crèche nous adorons le Verbe qui frappe à notre porte.

 C'est une vraie conversion qui renvoie d'ailleurs à la foi.

 

Première piste : devant Dieu, je ne suis rien.

Deuxième piste celui que j'adore à la crèche c'est Dieu lui-même, ça n'est pas ce que j'aurais souhaité.

 

·                     La troisième piste, c'est s'attacher à Jésus-Christ profondément.

Le connaître, devenir familier, l’aimer, le suivre en vérité.

L'Évangile n'est plus un livre de cuisine devant nous, l'Évangile est vraiment une pratique : je le pratique, je le vis, je connais Jésus-Christ.

 

Ces trois pistes pourraient être dans cette espèce de spontanéité propre à Marie, elle qui a laissé les ténèbres se dissiper, dans son cœur.

 

Ces trois pistes pour se laisser féconder comme Elisabeth a été à son tour libérée de sa stérilité.

Quittons nos stérilités, devenons féconds, soyons tout attentifs à l'évidence qui s'impose aux regards.

Ne soyons pas trop des spécialistes de ce qui est lointain ou tout petit, soyons des spécialistes de celui ou de celle qui est proche, de ce qui est manifeste, de ce qui se voit, de ce qui frappe à la porte de nos cœurs.

 

Quittons nos stérilités, devenons féconds : voici trois pistes pour entrer dans l'Évangile et se préparer à bien ouvrir les portes de notre cœur à ce verbe qui devient chair et qui vient demeurer parmi nous.  

Amen.


 Mercredi 16 décembre : 


 À partir de demain, le comput liturgique nous invitera à rentrer dans la dernière ligne droite, les sept derniers jours avant Noël.

 Nous vivrons comme une rupture dans le choix des textes.

 C'est le dernier texte que nous accueillons avant cette rupture.

 

 Nous sommes au chapitre sept de l'Évangile selon saint Luc, tout de suite après l'épisode qui nous a mobilisés lors de notre dimanche autrement : la résurrection du fils de la veuve de Naïm.

Après cette résurrection, les foules disent : « un grand prophète s'est levé parmi nous».

Et Jean-Baptiste envoie deux de ses disciples : « Allez demander au Seigneur : Es-tu celui qui doit venir ? ».

La réponse faite aux disciples : voyez, je guéris, je ressuscite, je pardonne. Je guéris ou je ressuscite comme ça a été le cas à l'instant avec ce fils de la veuve.

 

Et ensuite, Jésus prononce une parole presque magique, c'est-à-dire une parole qui, forcément dans les oreilles de Jean-Baptiste, agit comme un détonateur : « allez annoncer à Jean ce que vous avez vu et entendu, les aveugles retrouvent la vue, les boiteux marchent »etc...

 Cette affirmation du livre d'Isaïe mobilisait Jean :

 « La promesse, les signes de la réalisation de la promesse que Dieu a faite à son peuple, depuis des générations, le signe de la venue du Messie », dites-le à Jean.

 

 Forcément chez Jean, c'est le top départ pour un printemps : enfin cette promesse qu'il médite dans son cœur, telle Marie, lui, prophète de l'Ancienne Alliance, enfin cette promesse commence à germer et donner son fruit, tels les premiers bourgeons.

 

 C'est une expérience que nous avons essayé de vivre en communauté, au début de l'Avent, il y a trois semaines.

Notre proposition était, et elle sera d’ailleurs, toute épurée. Il n’y a en son centre qu’un texte biblique qui agit comme un détonateur, ou pas, selon les grâces faites à chacun.

Mais ce que cela produit, chez ceux chez qui un printemps agit, est le même événement que ce qui a été produit dans le cœur de Jean-Baptiste : la promesse de Dieu n'est pas vaine.

 

Il nous faut demander beaucoup l'Esprit Saint avec l'intention de le recevoir, pour que des bourgeons apparaissent en nous et autour de nous.

 Nous ne savons pas toujours quelle sera la fleur, mais ça n'est pas la fleur qui nous importe, car nous nous attachons à une Parole et non à une image.

 Ce qui va être précieux pour nous, c’est le bourgeon.

 

 Demandons à l'Esprit Saint que les premiers bourgeons apparaissent.

 

Amen.


 Mardi 15 décembre : 


 Pour se préparer à accueillir la lumière du Christ au moment de Noël, ce temps de l'Aventnous invite, comme temps de préparation dans la liturgie de l'Eglise, nous invite à vraiment prendre conscience de notre condition de pécheur. 

 
 Jean le Baptiste est celui qui a cet office, dans l'histoire du salut.

 Ce prophète qui se range dans la grande tradition prophétique et qui prépare la venue de l’Agneau de Dieu, nous invite, non pas à désespérer de nous-mêmes.

Il nous invite à ne pas nous croire hors du salut ou hors de l'amour de Dieu, mais il nous invite à préparer notre propre terrain : faire le compte de ces parties de nos vies qui ont besoin d'être visitées par le Sauveur.

 

 Et pour des tas de raisons, à commencer par l'orgueil parfois, mais plein d'autres raisons parfois plus subtiles mais complexes dans nos vies, nous pensons que le travail est déjà fait.

Et alors Dieu ne peut pas sauver grand-chose dans ce cas-là.

C'est la raison pour laquelle l'image de l'homme qui avait deux fils est très suggestive pour nous.

C'est aussi la raison pour laquelle le sort de Jérusalem, dans le livre de Sophonie, est très suggestif.

Le pape François ne s'y est pas trompé, notamment dans son année de la miséricorde, mais également dans son texte sur la joie de l'Évangile.

 

Faites la grâce aux pauvres et aux petits d'être des pécheurs, et faites-vous la grâce et faisons-nous la grâce à nous-mêmes, d'être pécheur, pour que Dieu vienne nous visiter.


 Dimanche 13 décembre : 

 

So 3, 14-18 : l’humble reste d’Israël

Cantique : Is 12

Ph 4, 4-7 : conseils

Lc 3, 10-18 : Prédication de Jean-Baptiste


Que c'est beau Jésus-Christ !

 

N'avez-vous jamais senti en vous ce tout petit désir de vous laisser attirer par la beauté et la grandeur de Jésus-Christ ?

Lui, le cœur même de la Trinité, lui qui est amour.

 N'avez-vous jamais senti en vous ce désir profond du Christ ?

 

 Depuis que les portes du pape s'ouvrent à Bandi, il y a une dizaine de jours, à St Pierre de Rome mardi, aujourd'hui, dans tous les diocèses du monde, nous rentrons dans cette année sainte de la miséricorde et nous essayons de rentrer dans le mystère même de l'amour de Dieu.

Et c'est Jésus-Christ qui en est le visage, l'acteur, qui nous attire jusqu'à lui.

 

Il y a dans une lettre de Paul, adressée aux Corinthiens, (on ne l'a pas lu, là) il y a une affirmation sur lui, dans la deuxième lettre de Paul : « Dieu nous a aimé avec notre péché, il s'est même fait péché pour venir jusqu'à nous ».

Ça veut dire, si je traduis, que les parties en nous-mêmes les plus moches, les plus fermées, celles dont on ne s'avouerait même pas à nous-mêmes qu'elles sont, ces coins, ces recoins, ces plis, ces vieilles caves enterrées que nous avons en nous, ces greniers qu'on n'ose pas ouvrir ; eh bien Dieu les aime, il vient les visiter.

Et ça produit l'émerveillement de l'apôtre.

 

Il y a des êtres qui sont touchés par la beauté de Jésus. Il y a des êtres qui sont touchés par la beauté de Jésus.

 

Vous comprenez alors que, ceux qui sont touchés par la beauté de Jésus-Christ ne sont pas des êtres superstitieux, attachés à des traditions, à des formules répétées par cœur, mais ils sont d'abord touchés et ils sont avec le Christ comme avec une source de laquelle ils se reçoivent tout entier.

C'est extraordinaire !

Que c'est beau Jésus-Christ !source de la joie !

 

Et le Christ desserre l'étau de notre cœur et nous rend responsables.

Il élargit notre spectre humain.

Il ne nous désolidarise pas du monde dans lequel nous sommes, il ne nous rend pas étranger, au contraire !

Parce qu'il desserre l'étau de notre cœur, par cet amour il fait de nous, des frères et des fils et non plus des étrangers ou des gens de passage.


Dans le livre de la genèse, chapitre un et chapitre deux, cette fameuse faute des origines a fermé l'étau du cœur et, selon la conception biblique de l'homme, a tué l'homme.

L'homme est mort depuis l'origine.

C'est curieux !

 

 Mais, par cet amour gratuit de Dieu pour chacun, jusque dans les moindres recoins d'une existence qu'on n'oserait même pas regarder, eh bien l'étau du cœur se desserre.

 Et d'irresponsables, nous devenons responsables.

 De tristes, nous devenons paisibles.

La source de la joie, cette joie dont on parle aujourd'hui, n'est ni plus ni moins cela : être attaché à Jésus Christ.

 

 Alors nous pouvons nous laisser attirer par lui, si ce n'est pas déjà fait.

Nous avons de très belles images dans l'Évangile, d'hommes et de femmes qui se sont laissés attirer par l'amour même de Dieu, heureux quand même : la pécheresse pardonnée, la joie ;l'homme sauvé par le samaritain, le bon samaritain, la joie ; le fils qui s'est éloigné de son père et qui retourne vers son père, la joie : la sienne et celle de son père.

 Donc, les chrétiens ne peuvent pas être des machines à prier, des automates à prier et ne peuvent être que des ravis, non pas de la crèche, mais des cœurs ravis.

 Ils ont été ravis par l'amour de Dieu, source de la joie.

 Il desserre l'étau de notre cœur.


 Alors que le pape a ouvert la porte de St Pierre à Rome et que les portes de nos cathédrales sont ouvertes aujourd’hui, entendons donc cet appel à ouvrir les portes de notre cœur et à ouvrir les portes du monde.

Car nous pourrions nous plaindre qu'effectivement les portes du monde sont fermées.

Nous pourrions nous attrister de constater qu'autour de nous les étaux sont solidement fermés.

Nous pourrions nous affliger du spectacle parfois effrayant de notre environnement quotidien, et je ne vais pas refaire la liste de ce que l'on dit en permanence : nos pertes de repères, le repli sur soi, etc...

Mais, forcément, la lumière vient éclairer ce qui est dans l'obscurité et la joie a pour vocation d'être contagieuse.

 À quoi bon alors, vouloir rayonner en partant d'une source et en direction de lieux obscurs si tout était bien éclairé ?

Si tout était bien dans la joie, à quoi bon recourir à cette source qui nous attire à elle ?

 

Le Monde aujourd'hui n'est pas si fou qu’hier même si cela nous fait peur.

Vous pouvez lire le livre de Sophonie, ce livre que Manuel a lu en première lecture, la dernière partie du troisième chapitre (il n'y a que trois chapitres, ce n'est pas long !).

C'était un prophète de l'Ancien Testament qui était bref.

Sur trois chapitres, il y a deux chapitres et demie (pour dire qu'il y a vraiment une grande partie du livre) où tout est très négatif et nous sommes au septième siècle avant Jésus-Christ ! Ce n'est pas les années 70… septième siècle avant J.-C. !

Que dit Sophonie ?

Les commerçants de Jérusalem s'en mettent plein les poches, ils oublient la veuve et l'orphelin. Ils ont oublié la justice, c'est leurs petits profits qui les intéressent.

Que dit Sophonie ?

Les chefs des prêtres ont oublié Dieu, ils ne parlent que pour leur ventre.

Que dit Sophonie ?

Les fils du roi et les responsables du peuple se sont pervertis, ils ont oublié le bien commun.

Septième siècle avant Jésus Christ !

Le constat est glauque.

 

Que va dire Sophonie ?

Vous allez périr, tous.

Pourquoi ?

Vous êtes tous enfermés sur vous-mêmes.

Au lieu de regarder vers le Ciel, au lieu de vous tenir bien droits et bien vous êtes recroquevillés sur vous.

Vous avez oublié et le Très-Haut et vos frères.

Et à force de regarder vos souliers, vous tombez, vous périrez de la même manière.

Votre peuple, il va être dispersé ; votre peuple il va être exterminé.

 

Curieux alors d'entendre les derniers versets du livre de Sophonie qui dit : "soyez dans la joie, réjouis-toi Jérusalem »

Eh bien oui ! Parce que dans l'ensemble,dans le grand tout d’un peuple qui a oublié de se redresser, il y en a toujours quelques-uns, véritables sentinelles de l'aurore, qui eux, ne se sont pas recroquevillés, et c'est à cause de ce petit reste, ce tout petit reste qu'il y a des raisons de se réjouir : vous en réchapperez, vous verrez, vous en réchapperez.

Mais à cause de ce petit reste.

 

Soyons dans la joie parce que nous avons la vocation d'être tout droits, la tête tournée vers le Ciel, conscients de cette source de lumière qui vient éclairer et réchauffer nos moindres plis et qui fait de nous des sentinelles de l'aurore.

 Soyons un petit reste, n'ayons pas peur 

 

 Si l'étau de notre cœur est desserré, alors nous avons à contribuer à l'ouverture des portes du monde et des portes du royaume.

 

 Mais n'oublions jamais cette source.

 Réjouissons-nous à sa lumière comme la flamme qui boit, fragile, qui parfois semble presqu’éteinte dans l'âtre, eh bien accourrons à Jésus-Christ. 

 
Trois pistes et je termine :

·      première piste : ouvrons l'Evangile, devenons familier du Christ.

 

 Est-ce qu'on le connaît ?

Est-ce que nous parents, on peut en parler à nos enfants avec familiarité ? :

Voilà Jésus-Christ il est comme-ci, il est comme ça, voilà ce qu'il a dit, voilà ce qu'il a fait.

Et nous grand frère, grande sœur, on peut en parler à nos petits frères, petites sœurs : Jésus-Christ, voilà ce qu'il a dit, voilà ce qu'il a fait.

 

Devenir familier du Christ.

Ne pas dépendre de Monsieur le curé ou du livre de KT ou du vieux missel que nous avions quand nous avons fait notre première communion, mais la fraîcheur de l'Évangile…

 

·      La deuxième piste c'est la louange, l'action de grâces.

 

Lorsque l'on vient à la messe, on ne vient pas demander au Seigneur qu'il vienne résoudre nos petits problèmes personnels.

 Et d'ailleurs, vous avez remarqué que ça ne marche jamais.

Mais quand on vient à la messe, on vient rendre grâce, dire merci : Merci Seigneur de ce que tu me donnes, merci Seigneur, pour ce que je crois que tu m’as donné et je ne m’en rends pas compte ; merci Seigneur, parce que alors là, me voici sur un autre chemin que je n'imaginais pas faire. Ça me dérange un peu d'ailleurs, mais sans doute tu y es pour quelque chose.

L'action de grâces.

Lorsqu’on apporte le pain et le vin sur l'autel, on présente nos offrandes ou tout autres, on rend grâce.

 

Marie, elle ne s'est pas tâté le pouls pendant 10 ans pour savoir s'il fallait ou pas qu'elle se risque.

Elle n'est pas restée sur le bord de la piscine ; Marie, elle a plongé dans l'eau.

Elle ne s’est pas demandé si elle ne savait ou si elle ne savait pas nager, elle y est allée.

Et quelle était sa prière ?

Ça n'a pas été de l'introspection ; Marie, elle a rendu grâce.


Donc la deuxième piste : faisons de nos prières, non pas des plaintes, ne jouons pas les longs sanglots de l'automne, mais au contraire, chantons la lumière du Dieu Vivant. 

 

·      Et la troisième piste, c'est ce que le pape François appelle de ses vœux dans sa lettre qui nous invite à vivre l'année Sainte.

 Eh bien c'est un peu compliqué dans son langage : les œuvres corporelles de charité.

 Ça veut dire que, dans la saleté des autres, nous sommes renvoyés au foyer lumineux qui résiste, qui est notre propre saleté. Alors, c’est équivalent dans la vie matérielle :chaque fois je vais nettoyer la saleté des autres, c’est pour me rappeler que j’ai aussi la mienne que je vais pouvoir mieux exposer au feu plein de chaleur du Christ.

 
Le chrétien qui passe, et c'est ma conclusion, le chrétien qui passe d'une conception très rigoriste de la foi, qui quitte ses certitudes et ses formules apprises par cœur, au profit du ravissement de son cœur devant Jésus-Christ, c'est celui qui est baptisé dans l'Esprit et dans le feu de Celui que Jean-Baptiste désigne en Saint-Jean, qui vient avec la pelle à vanner .

Il est émondé ce chrétien-là.

Mais qu'est-ce qu'il est heureux!

 

Amen.


Vendredi 11 décembre : 

Is 48, 17-19 : le destin d’Israël

Ps 1

Mt 11, 16-19 : le jugement de Jésus sur sa génération

 

De même que, les mages ou les bergers convergent vers la crèche de Noël, de même que, dans l'obscurité, le peuple marche vers la lumière qui resplendit, eh bien de même, dans cette démarche de l'Avent, nous sommes appelés à converger vers le Christ.

 À converger, on va dire, extérieurement, à vivre dans une plus grande unité, mais aussi à converger intérieurement, et laisser la grâce unifier nos cœurs.

 

La paix.

 Ce qui est divergence, ce qui est conflit, guerre, et toujours le fait de cœurs divisés, de cœurs divergents à l’intérieur d'eux-mêmes.

 Et l'atermoiement de ces enfants sur les places, cette espèce de confusion qui règne autour de l'annonce de Jean le Baptiste, est le signe d'une unité en train de se faire, mais encore à faire.

 Durant le temps de l’Avent, nous avons chacun à prendre une décision.

 De même que Jean-Baptiste nous présente le Messie : "voici l'Agneaude Dieu", celui que nous attendons, celui dont nous avons besoin pour vivre une plus grande unité ; de même il le présente, mais aussi, il nous invite à nous convertir et à marcher à sa suite.

Eh bien il n'y a plus qu'à faire pareil.

 

Il n'est pas tout de désirer, il n'y a plus qu'à y aller.

Et nous savons que, pour y aller, pour aller vers ce Christ, nous n'avons plus qu'à rentrer dans l'Ecriture.

Nous n'avons plus qu'à, comme dirait le pape François, dans son invitation à rentrer dans l'année de la miséricorde, à vivre des œuvres de charité concrète, à nous y mettre.

 

 Le Christ ne va pas unifier par miracle nos cœurs si nous conservons une distance avec lui.

 L'unification de nos cœurs, la paix, qui, petit à petit va se construire en nous et autour de nous, est possible si nous faisons un pas, mais un vrai, vers lui.

Entrons dans l’Ecriture, cherchons à le connaître, devenons des familiers de Jésus-Christ.

 

 Quand nous nous laissons nourrir par l'eucharistie, que nous devenions ce que nous recevons.

 

Et lorsque nous ressortons et que nous franchissons le seuil de la porte de l'église ou de la chapelle, que nous ayons conscience de notre responsabilité. Amen. 


Mercredi 9 décembre

 

Is 40, 25-31 : la grandeur divine

Ps 102

Mt 11,28-30 : Jésus, maître au fardeau léger

 

Nous ne pouvons jamais nous défaire de notre désir, en nous, alors que parfois il peut provoquer, comme dit le prophète Isaïe, de la fatigue, de la lassitude.

Ce désir, si nous nous laissons conduire par le Père lui-même, ce désir va donc s'unifier, s'organiseret permettre que nous parvenions à notre fin dans la joie et sans le désespoir ou la déception.

 

Mais, si nous ne connaissons pas les épaules solides du Fils qui peut nous porter, alors nous sommes seuls avec notre désir et nous pouvons ployer sous lui, un désir qui disperse et un désir qui se retourne contre nous-mêmes, ce que le pape François appelle un désir autocentré.

 

Dans cette marche vers Noël, nous entendons cette parole de Jésus au retour des 72 disciples : « venez à moi, vous tous qui peinez sous le poids du fardeau ».

 Osons déposer entre les mains du Père, à la suite de Jésus, qui est lui-même dépose sa vie entre les mains du Père, notre désir et laissons-nous conduire par une parole, une promesse.

 Nous ne savons pas toujours vers où cette promesse peut nous conduire, mais c'est précisément parce que nous ne savons pas, que dans la foi, nous avons confiance et que notre désir se fortifie, s'unifie.

 Demandons à l'Esprit Saint d'éveiller en nous cette confiance, cette audace : que ce ne soit pas moi seul qui me porte, mais que ce soit Dieu.

 Que j'ose me laisser, entre ses mains, reposer, afin qu'il m'élève et me conduise.

Amen


Mardi 8 décembre : L’Immaculée Conception

 

Gn 3,9-15.20 : le récit du paradis

Ps 97

Ep 1, 3-6.11-12 : le plan divin du salut

Lc 1, 26-38 : l’Annonciation

 

L'ange entra chez elle et dit :

" Je te salue comblée de grâce, le Seigneur est avec toi".

Cette affirmation condensée nous renvoie aux paroles que Marie va dire après, nous ne l'avons pas entendu : le fameux Magnificat.

Marie chante la louange du Seigneur, elle, qui est l'objet de l'infinie miséricorde du Père.

 Pauvre femme, femme de chez nous, femme comme nous, femme de notre chair, elle est l'objet de la miséricorde de Dieu, toute gratuite, miséricorde infiniment grande pour une femme toute petite : elle est comblée de grâce.

 

Et l'Eglise, ce que nous sommes nous-mêmes en communauté (ce qu'est l'Eglise, l'Eglise qui a conscience de sa mission), c'est le lent déploiement dans l'histoire des hommes, à travers nos cœurs faibles et petits, à travers la lourdeur de nos vies, c'est le lent déploiement de la miséricorde absolument gratuite du Père.

 

 Entendons : Marie est visitée par Dieu.

 Cette évidence, cette évidence, que, nous n'arrêtons pas de proclamer, de dire dans nosprières, de célébrer, cette évidence nous est accessible, à nous, à travers les mots du Magnificat, nous est accessible par notre expérience du pardon. 


Premier pas :" Il renverse les puissants de leur trône, il élève les humbles".

Le Seigneur fait taire nos montagnes d'orgueil, il est capable de nous retourner.

Il est capable de nous révéler combien nous sommes petits devant lui, avec un cœur infiniment épais de péchés.

Il patiente avec nous.

Il fait tomber ces lourdeurs du cœur, il vient faire taire nos montagnes d'orgueil par son pardon, par sa patience.

Il les fait tomber.


Deuxième pas : il donne l'exemple des pauvres, des petits, des humbles, tels Marie mais aussi de tous les personnages que Jésus rencontre sur son chemin, alors qu'il va de la crèche à la Croix.

 Il les libère, il les guérit, il leur témoigne de sa profonde miséricorde, de sa patience.

 Le Seigneur est donc profondément, avec nous, patient.

 L'Eglise, elle, est l'objet de cette patience de Dieu…


 Les uns et les autres, devant le mystère du Christ, nous sommes invités à prendre conscience de l'enfermement qui peut être le nôtre, à cause de ce qu'on appellerait nos impatiences, nos blessures, à cause de ce qu'on appellerait notre péché.

 Combien de fois pouvons-nous être en Eglise, ou dans nos engagements à l'extérieur de la communauté, des hommes et des femmes enfermés ou peu patients, à vouloir régler nos propres comptes ou à nous chercher nous-mêmes !

 On appelle ça dans le langage spirituel : l'orgueil.

 

 Ces fameuses montagnes d'orgueil dont il était question dimanche, il y a deux jours, dans l'Évangile : "aplanissez les chemins du Seigneur", ces fameuses montagnes d'orgueil, parce que nous nous laissons toucher infiniment par le Christ, elles peuvent être complètement retournées, non pas parce que le Seigneur les effacerait ; mais parce que, laissant faire le Seigneur, il viendrait les rejoindre, là ; et traversant nos fêlures, nos fragilités qui sont à la source de cet orgueil, ces montagnes, il les remplace .

 

 C'est une expérience profonde de vérité avec soi.

 

 Ce que nous fêtons aujourd'hui le 8 décembre, l'Immaculée Conception, ça nous fait beaucoup penser à Noël, parce qu'il est question de la naissance prochaine de Jésus.

 Mais ça n'est pas sans lien avec l'autre station du salut, qui est : la Croix ; le Seigneur, rejoignant notre misère, l'exposant et la convertissant tout à fait gratuitement et dans l'amour, il nous libère.

 

 Marie a été l'objet de cette libération au moment même de la conception par une grâce rétroactive qui vient de la mort et de la résurrection de son fils, (elle est l'objet de cette grâce).

 Elle a été rejointe elle-même dans sa propre misère, source de bien des montagnes d'orgueil même si elle a été rejointe in utero, mais ce qui permet à Marie, d'être une femme qui loue le Seigneur et qui peut alors, après la visite de l'ange, aller rencontrer sa cousine et chanter le Magnificat.

 

 Combien de fois nos paroles à nous, personnellement ou notre ronronnement au fond de nous-mêmes, nos paroles en famille, dans toutes nos relations sociales, nos paroles en Eglise, sont des paroles qui aplanissent ? Des paroles de règlement de compte, des paroles de jugement, même d'ailleurs parfois cachées sous plein de bonnes intentions : ce ne sont pas des louanges.

 

La figure de Marie aujourd'hui portée dans nos communautés, c'est la louange.

Chaque fois qu'en communauté, nous pouvons louer Dieu, nous faisons autre chose que, en permanence, tirer sur le péché des autres ou tirer sur notre propre péché (c'est plus rare de tirer sur son propre péché et de le montrer en exemple), tirer sur le péché des autres et le montrer en exemple çanous est plus familier.

Eh bien la louange c'est un antidote car ça ne consiste absolument pas à régler ses comptes avec les péchés de qui que ce soit, et même le nôtre, ça nous en libère, ça nous libère de ça.

Et la louange, c'est aussi l'expression d'un cœur déjà libéré parce qu'il n'a plus besoin d'être en permanence dans des paroles négatives.

La figure de Marie éclaire en nous, en communauté, ces paroles de louanges que nous sommes capables de prononcer soit par le chant, soit intérieurement, soit dites sans même les chanter, lorsque nous sommes capables de les dire pendant la messe, lorsque nous sommes capables de les dire quand nous sommes parfois dans certaines réunions qui consistent à préparer ou à faire des bilans, lorsque nous sommes dans les équipes Notre-Dame également, nous sommes capables de louer, eh bien nous nous laissons inspirer et traverser par l'Esprit, ce qui est le charisme même de Marie.


Reprenons donc : 
Marie est l'objet de l'infinie miséricorde, don gratuit de Dieu, Lui qui comble une pauvre femme de sa grâce.

Ensuite, le Seigneur, à travers elle, nous donne celui qui va être source de salut pour tous : le Christ.

Le Christ va faire taire nos montagnes d'orgueil,il va nous retourner à partir même de nos fragilités par un amour tout gratuit qu'il faut accepter jusqu'au bout pour parvenir, en conclusion, à le louer.

Nous en avons besoin dans nos communautés,c'est la raison pour laquelle le pape François a décidé que, aujourd'hui, ce serait le lancement de l'année sainte,miséricordieuse comme le Père.

 Cette année sainte sur la miséricorde trouve sa source en Marie, celle qui a fait naître le sauveur, elle- même, objet de la grâce de son fils. Et aujourd’hui aussi, nous lançons cette année pour fêter l’anniversaire de la clôture du concile.
Le pape François, il l'a redit dans son exhortation apostolique : « la joie de l'Évangile », le pape François souhaite que l'Eglise ait conscience de sa pauvreté, qu'elle se libère d'un grand nombre de ses lourdeurs et de ses prérogatives d'antan, et qu'elle revienne à ce qui est sa vocation première : elle a été l'objet du pardon de Dieu et elle donne le pardon de Dieu.

Et elle n'a d'autre mission que de dire, combien Dieu est bon : ça s'appelle la louange.

Et il a dit quelque part dans son texte, l'exhortation apostolique : « la joie de l'Évangile », qu'il souhaite que l'Eglise soit comme un hôpital de campagne, c'est-à-dire qu'elle accepte de se salir, qu'elle accepte de se compromettre avec les gens, là où ils en sont. C'est la meilleure façon d'être témoin de ce dont Marie elle-même a été l'objet, c'est-à-dire unpardon malgré sa misère.

"Je te salue comblée de grâce, le Seigneur est avec toi".

Que Marie soit pour nous une source d’inspiration de ce que nous avons à vivre en communauté, à commencer par nous-mêmes.

Nous aurons dans deux semaines des prêtres qui seront présents dans cette église, exactement dans deux semaines, ce sera un mardi, pour vivre un temps de réconciliation.

 Nous aurons dès dimanche prochain, en diocèse l'ouverture de la porte sainte à 15h à la cathédrale, pour lancer cette année de la Miséricorde

et nous aurons l'année prochaine,je vous l'ai dit, pendant le carême, l'occasion de nous confesser à nouveau, de revisiter ce que signifie pour nous personnellement la miséricorde.

 Que Marie alors, soit une source pour notre paroisse, d’inspiration.

 Que nous sortions de notre torpeur et de notre orgueil pour être capable de prononcer de libres louanges.


 Dimanche 6 décembre : St Nicolas

Ba 5, 1-9 : Espoirs de Jérusalem

Ps 125

Ph 1, 4-6.8-11 : Action de grâces et prière

Lc 3, 1-6 : Prédication de Jean-Baptiste


"Préparez les chemins du Seigneur", c'est une affirmation assez célèbre dans notre langage de chrétiens.

 Elle nous vient de l'Ancien Testament, elle nous vient de plusieurs prophètes : on la trouve chez Isaïe, on la trouve chez Baruc, comme nous l'avons entendu dans cette première lecture que Claude-Annie nous a faite.

 

 Ces 2 prophètes parlent au nom de Dieu, comme chaque prophète de l'Ancien Testament et comme Jean-Baptiste, ces 2 prophètes parlent du même événement.

 

 Imaginez, la ville de Jérusalem a été pillée, saccagée et ses habitants ont été déportés (et puis d'ailleurs même ceux qui ne vivaient pas à Jérusalem, mais qui se réclamaient de cette capitale, de ce petit royaume).

 Ça fait déjà des dizaines et des dizaines d'années qu'ils ne sont plus chez eux, exilés.

 

 Et puis, voici qu'une bonne nouvelle se fait entendre à travers la bouche des prophètes : « toi, peuple, qui était dispersé, exilé, ta capitale va être reconstruite, tu vas pouvoir rentrer chez toi. Tu vas pouvoir quitter ton lieu d'exil et rentrer dans ta terre. »

 C'est une bonne nouvelle pour les intéressés.

 

Alors la promesse du prophète, Isaïe, Baruch parlent de la même chose (même si les livres qui se réclament d’eux ont pas été écrits pas forcément au même moment); ils vont dire : « pour faciliter le retour, il faut que les ravins soient comblés, les passages tortueux redressés, les collines abaissées pour que tu rentres plus vite chez toi».

 Car c'est une nouvelle si grande qu'il n'y a pas de temps à perdre.

 

Alors voilà le : « préparez les chemins, abaissez les montagnes, redressez les passages tortueux, comblez les ravins », pour que le retour dans ta terre se fasse le plus rapidement possible et dans la plus grande sécurité qui puisse être.

 

Alors Jean-Baptiste a repris cette affirmation.

Lui qui était dans le désert, il a repris cette affirmation du livre d'Isaïe.

Alors pourquoi on a lu Baruc et pas Isaïe après tout ?

Pour une belle correspondance entre la première lecture et l'Évangile.

Parce que si vous avez entendu l'Évangile, c'est dit texto : « comme il est écrit dans le livre des oracles d’Isaïe ».

On a lu Baruc très certainement (je ne suis pas dans la tête de ceux qui ont construit la liturgie) mais très certainement parce que le livre de Baruc exprime beaucoup plus simplement la raison pour laquelle il est question de passages tortueux, redressés.

Le livre de Baruc dit ce que je viens de vous dire.

Le livre d'Isaïe est plus compliqué, il faut lire plein plein de pages pour entendre la même chose.

Alors comme on n’allait pas lire plein plein de pages ce matin, … Baruc, il a l'art de la synthèse.

 Retenez : passages tortueux à redresser et collines à abaisser, c'est pour que le peuple dispersé rentre chez lui.

 

Jean-Baptiste reprend donc ces phrases et il les crie dans le désert.

Jean-Baptiste les crie, les tord un peu, il change leur signification : « préparez les chemins du Seigneur »… pour que la venue de celui qui est annoncé, se fasse.

Ce n'est pas le retour au pays du peuple dispersé, c'est la venue du Messie tant annoncé, son cousin, Jésus, le Verbe fait chair, l'Agneau de Dieu.

 Jean-Baptiste, il crie dans le désert mais quelques versets après, c'est Jésus qui arrive : « le voici l'Agneau de Dieu, je ne suis pas digne de défaire les courroies de ses sandales ».

 Et puis il va le baptiser dans l'eau du Jourdain et une voix va venir du ciel : « celui-ci est mon Fils bien-aimé ».

 

En ce deuxième dimanche de l'Avent, nous, nous entendons ces phrases de Jean-Baptiste, relues à travers son regard de prophète à cheval entre l'Ancien Testament et le Nouveau Testament.

Il crie dans le désert, le brave Jean-Baptiste parce que ces paroles du Seigneur, elles s'adressent à tant d'hommes et de femmes aux égos sur-dimensionnés. 


 Et donc ces paroles ne résonnent pas dans le cœur, mais elles s'entrechoquent sur les oreilles et ça ne pénètre pas.

 C'est la raison pour laquelle il veut marteler : « préparez les chemins du Seigneur. Il n'a jamais été aussi prêt de vous. Accueillez-le".

 

 Ce qui est l’occasion pour nous de nous redire :

qu'est-ce que notre vocation chrétienne ?

 Notre vocation chrétienne c'est d'être intimement attaché à Jésus Christ.

 Notre vocation chrétienne ça n'est rien d'autre que ça.

 Tout le reste en découle.

 Mais il ne faut pas oublier le centre.

 

 Bien sûr les valeurs c'est important, bien sûr nos habitudes sont importantes, bien sûr nos traditions sont importantes, mais elles découlent toutes de ce centre : Jésus-Christ.

 Notre vocation chrétienne c'est d'être intimement attaché à lui.

 

 Mais nous avons un cœur un peu savonneux, un cœur un peu glissant, et pour que la Parole rentre dedans, il y a du travail à faire.

Notre vocation chrétienne, à cause de ce cœur savonneux et glissant, c'est dans nos têtes, trop souvent, la volonté d'atteindre un objectif.

 

Peut-être, il y en a parmi vous qui encore, travaillent dans des entreprises ; peut-être, il y en a parmi vous qui ont des objectifs à atteindre : financiers, comptables (c'est important pour la réussite par exemple d'une exploitation agricole, de l'entreprise dans laquelle on travaille) ; peut-être, il y en a parmi vous, qui ont des objectifs à atteindre au niveau de la famille : mes enfants ( pour eux, j'aimerais ceci, j'aimerais cela), pour nos petits-enfants, nos arrières petits-enfants.

Nous avons des sommets comme ça dans nos têtes que nous voulons rejoindre, des images importantes à atteindre, même très belles : je voudrais que ça se passe comme ceci et comme cela.

Et alors tant qu'on n'y est pas arrivé, eh bien on marche, on marche, on marche, obnubilé qu’on est, par l'arrivée.

Eh bien c'est pas mal. Bon, ça pourrait être pire.

 

Mais l'Avent vers Noël, nous rappelle que ça n'est pas le but qui compte.

Ce qui compte, c'est le chemin que nous empruntons pour y arriver.

Et c'est plus que le chemin encore, c'est notre propre marche.

 

Car quand on marche, quand on est en randonnée et quand on veut atteindre un objectif (Jean-Michel qui est là, est allé à Rome à pied, pourrait nous le redire), quand on est pèlerin, bien sûr au départ c’est l'objectif qui compte, la ville vers laquelle nous allons arriver, mais peu à peu c'est moins en moins la ville vers laquelle on veut arriver qui compte, mais c'est l'attention que l'on porte à chaque instant de notre marche : je peux tomber, je peux suer, je peux avoir faim, je peux avoir soif, je peux faire des rencontres ou ne pas en faire, ce qui va compter c'est cela.

 La raison pour laquelle une bonne manière de préparer les chemins du Seigneur, que nous soyons intimement lié à Jésus-Christ et que notre cœur ne soit pas trop savonneux, c'est d’être attaché à l'instant de notre marche et pas tellement à l'idéal de notre arrivée.

 

Faites donc la grâce aux uns et aux autres et à vous-mêmes, d'être des pécheurs, des gens qui tombent et qui se relèvent, des gens qui suent, des gens qui ont faim ou des gens qui ont soif, des gens qui craignent les habitudes ou des gens qui vivent une rencontre sur leur chemin, mais c'est ça qui compte.

Et ce n'est pas l'idéal d’une belle arrivée toujours à la fin de ses jours d’ailleurs, une belle arrivée, où vos enfants seraient comme si, vos petits-enfants seraient comme ça, votre exploitation serait comme si ou votre entreprise serait comme ça.

 

Malheureusement, dans le cœur de Dieu ce ne sont pas ces objectifs-là qui comptent, mais c'est notre marche laborieuse.

Raison pour laquelle, pour accueillir celui qui vient, pour être solidement attaché à Jésus-Christ, il nous faut faire un aveu à soi-même autant qu’au Père du Ciel: « je suis pauvre, j'ai besoin de ta miséricorde ».

Alors les montagnes à rabaisser, les chemins à redresser, c’est très souvent (alors moi je vais faire une confession devant vous, et très sincère d’ailleurs), c'est très souvent nos montagnes d'orgueil.

Très difficile à raboter, mais il faut bien les raboter, car tout bien réfléchi, nos idéaux aussi bons soient-ils, sont souvent de l'orgueil.

Alors, il y a plein de raisons pour lesquelles il y a cela en nous, mais c'est cela.

Alors, plusieurs pistes pour pouvoir détecter ces montagnes d’orgueil en nous, et pour pouvoir les laisser se…je vais vous dire une vieille recette après, pour comment faire parce qu’on ne sait pas les enlever.

 

 Mais première piste pour les détecter, c’est :

 Est-ce que moi, dans mon village, dans ma communauté dans laquelle je suis, dans ma famille, est-ce qu'il est précieux que je joue un rôle, que j'ai un rôle à tenir?

 Et quand je ne l'ai plus, est-ce que j'en souffre ?

 

Deuxième piste : est-ce que, chaque fois que Monsieur le curé parle de péché, je me sens intimement visé ?

 

Troisième piste : chaque fois que Monsieur le curé parle de péché, est-ce que je pense, au fond de mon cœur, à tel ou tel voisin que je ne peux pas voir en face ?

Ou est-ce que, quand Monsieur le curé parle de péché, je revêts une suspecte indifférence ?

Est-ce que vous en voulez à Jésus ou au prêtre, chaque fois qu'il est question de notre misère la plus profonde ?

 

Je vous le dis parce que ça a été reproché souvent …

Le risque ? Mais Jean-Baptiste s’est fait couper la tête, le brave, (je vous le rappelle) et puis, Jésus passera par le même chemin : ça aura été pour lui une sorte de propédeutique, de préparation à son heure.

Mais est-ce que notre cœur bondit d'allégresse ou bondit de violence chaque fois que la parole de Dieu vient s'adresser à nous pour nous révéler nos montagnes d'orgueil ?

Moi je vous fais l’aveu que ça m'arrive très souvent.

 

Alors une piste pour s'en sortir : justement pour que ces montagnes se dégonflent et pour que nous allions joyeusement vers cette rencontre avec celui qui vient et que nous soyons intimement attachés à lui, c’est de demander au Père du Ciel :

 

« Fais-moi la grâce de ton Fils, que je puisse changer. Abaisse en moi les montagnes d'orgueil.

Mes aïeux ont coupé la tête de Jean-Baptiste, mon cœur, combien de fois crucifie Jésus, mais j'ai besoin de ta grâce pour changer, car je sais que tu veux la lumière dans mon cœur et tu veux faire ta demeure en moi.

Que je devienne comme tu m'as créé, ton fils, ta fille, tout petit, blotti dans tes mains car je t'aime ». Amen.


Vendredi 4 décembre : 

Is 29, 17-24 : le triomphe du droit.

Ps 26

Mt 9, 27-31 : Guérison de 2 aveugles.

 

Une autre théophanie, aujourd'hui : manifestation de Dieu, c’est ce que ça veut dire, aujourd'hui dans cet Évangile, à travers des aveugles qui se mettent à voir.

 

L'Évangile met en avant tout le délai qu’il y a, entre la rencontre avec Jésus et le moment où, ces aveugles se mettent à voir, selon leur foi.

Pour nous rappeler, pour signifier, que la venue du Messie, pour nous, ou l’action toute-puissante de Dieu, pour nous, ne se passe pas de la même façon que ce qu'un Zeus pourrait faire.

Ce n'est pas un éclair sur la terre, ni la réalisation d'un miracle, qui va, à nos yeux, être le signe de la présence de Dieu.

 

Ça va être un autre processus, dans lequel nous sommes d'ailleurs pendant le temps de l'Avent, difficile à saisir sinon par des images, l'image du marcheur.

 

Vous connaissez cette image : l'image du marcheur en montagne, qui va s'efforcer tout le long de la randonnée de pouvoir parvenir à son but.

Il va souffrir, il va suer, il va avoir soif, il va se fatiguer, il va monter, grimper, il va lui falloir du temps.

Une fois parvenu au sommet, ou à la fin de son chemin, il peut se réjouir : « Ça y est, j'y suis arrivé ».

Mais ce qui va compter, aux yeux de Dieu, ça n'est pas d'être arrivé au but, c'est ce qu'il va découvrir quand il va se retourner et lorsqu'il va contempler tout le chemin parcouru.

La présence de Dieu, sa toute-puissance, son action, sa présence sensible dans nos vies, ça n'est pas le miracle d'être parvenu au bout du chemin (dans cette image du randonneur), c’est tout le chemin parcouru, ce qui est tout autre.

 

Un pécheur peut donc avoir sa place dans le cœur de Dieu.

Seuls, les parfaits ont leur place au but, seuls les pécheurs ont leur place dans le cœur de Dieu, car un pécheur c'est cet homme qui sue, qui tombe, qui souffre, qui se relève, qui a faim, qui a soif, qui va parcourir tout ce chemin.

Alors, à la suite de cette image du pèlerinage ou de la randonnée, cet homme qui veut atteindre son but, tels les aveugles : « qu'il soit fait selon votre foi ».

Ils vont se mettre à voir parce qu'ils vont tout d'un coup, prendre conscience du chemin qu’ils parcourent et de la place que Dieu prend avec eux, dans ce chemin.

Ils vont se découvrir certes, imparfaits, mais rejoints.

 

Le passage de l'aveuglement à la lumière (à la vue), de la cécité à la vue, c'est ça.

Et l’attente de la venue du Fils de Dieu à Noël, c'est cela aussi.

 

Nous n’attendons pas de Dieu, qu'il nous hisse à un sommet, nous attendons qu'il nous rejoigne sur notre marche.

Devenons des aveugles guéris.

Que nos yeux s'ouvrent, que nous distinguions la présence du Père et du Fils dans l'Esprit, chemin faisant, dans notre vie.


Mercredi 2 décembre :

 

Is 25, 6-10a : le festin divin

Ps 22

Mt15, 29-37 :nombreuses guérisons près du lac. Seconde multiplication des pains.

 

Nous avons cette semaine dans l'Évangile des théophanies, des manifestations de Dieu à travers des signes accomplis par Jésus, des signes accomplis ou des paroles qu’il prononce, des manifestations extraordinaires. 

Hier, Jésus exulte de joie sous l'action de l'Esprit Saint, au retour de ses disciples de mission ; ce matin nous avons cette guérison de nombreuses personnes malades dans leur corps, dans leur être et puis nous avons cette multiplication des pains.

À chaque fois, c'est un signe messianique, l'accomplissement d'une promesse, hier, aujourd'hui, et les autres jours, pour manifester ce que l'on appelle la miséricorde de Dieu.

Dieu quitte sa toute-puissance, ou du moins la manifeste en allant jusqu’à réconcilier et restaurer où s'intéresser à ceux et celles qui sont mis de côté, non regardés, non intégrés : ces boiteux, aveugles, estropiés, muets et beaucoup d'autres encore.

 

Peu à peu, jusqu'à Noël, le Dieu qui nous est manifesté par la parole de Dieu, c'était un Dieu de miséricorde, c'est-à-dire un Dieu qui ne cesse jamais de quitter ses prérogatives habituelles pour se révéler à travers le malade, le pécheur, le petit.

 

Si nous sommes dans ce temps de l’Avent, appelés en communauté à nous ouvrir à la lumière qui luit à l'horizon, c'est pour que nos dieux personnels, nous les laissions partir, afin que nous nous convertissions à ce Dieu-là : un Dieu de miséricorde, un Dieu qui va au-delà de nos attentes car généralement nos propres infirmités, nous ne les regardons pas.

 C'est une chose malheureusement acquise, et à chaque fois que nous célébrons Pâques, nous le rappelons, du moins le vendredi Saint : nos infirmités nous ne les regardons pas.

 Dieu ne cesse de nous y renvoyer, mais nous n’aimons pas les regarder et nous nous fabriquons des dieux à notre mesure comme ces espèces d'idoles qui détournent notre attention de ce qui nous fait mal.

 

La lumière qui luit à l'horizon pour Noël, n'est pas de nous faire mal et d’orienter notre regard vers ce qui nous est difficile, mais de regarder la toute-puissance pleine de tendresse d’un Dieu qui vient panser nos plaies.

 

Donc, premier mouvement : regarder nos infirmités.

Deuxième mouvement : regarder cette tendresse d'un Dieu qui vient panser nos plaies.

Troisième mouvement : c'est le moment de la nourriture, le moment de l'aliment pour ne pas défaillir en chemin.

Là encore, l'expression de la profonde miséricorde de Dieu, Jésus qui dit : « je suis saisi de compassion ».

L'aliment, ne nous trompons pas, c'est cette miséricorde qui nous est offerte en nourriture : le don du Fils, le don unique que le Fils fait par amour, libre.

C’est non pas de la toute-puissance en boîte, c'est de la miséricorde.

Et les disciples, qui eux distribuent cette nourriture aux foules, distribuent cette miséricorde.

 

À la crèche nous sommes invités à adorer le Dieu plein de miséricorde pour qu’à notre tour, nous en témoignons.

Nous sommes alors des experts en humanité comme a coutume de dire l'Eglise.

 

Conscients de nos plaies, conscients de l’onguent que Dieu nous donne, alors nous pouvons, pour nous et pour les autres, être des porteurs de lumière. Amen.


Mardi 1er décembre :

 

Is 11,1-10 : le descendant de David

Ps 71

Lc 10, 21-24 : l’Evangile révélé aux simples

 

Ce passage du chapitre 11 du livre du prophète Isaïe fait écho à quelques chapitres plutôt du même livre : c'est l'annonce d'un fils, Messie à venir, qui grâce à lui, ce Messie donné par Dieu, viendra restaurer la création tout entière et la relation que l'homme entretient avec elle, la relation de l'homme aussi avec lui-même et avec son Créateur.

C'est au futur.

 

Et cet épisode de l'Évangile selon saint Luc, où l’on voit Jésus se réjouir sous l'action de l'Esprit Saint, se réjouir de ce que Dieu révèle aux tout petits, se réjouir de ce que de pauvres hommes voient et entendent.

 

C'est à la fois pour nous, la certitude que le Messie est le Fils, est ce fils Jésus.

C'est la certitude que ce fils Jésus tourné vers le Père, est dans la joie et que nous sommes appelés à entrer nous-mêmes dans cette joie.

Cette réconciliation promise est venue et elle est réalisée, et elle est manifesté par la joie que nous pouvons avoir, ressentir, vers laquelle nous pouvons cheminer les uns, les autres.

Ce lionceau, ce cobra, ces animaux sensés se faire la guerre, réunis ensemble ; cette annonce est réalisée par cette joie toute simple du Fils qui voit revenir à lui ses disciples.

 

Dans ce temps de l’Avent, nous sommes appelés effectivement à accueillir celui qui restaure.

Nous sommes appelés à nous émerveiller de ce qu'il produit, et il a toujours produit.

Tels les disciples, nous revenons vers lui.

Et à Noël nous serons avec lui.

Et sa joie, nous sommes appelés à communier avec elle.

Que cette joie soit aussi la nôtre :

« Heureux les yeux qui voient ce que vous voyez ».

 

Préparons-nous à voir Celui qui nous est annoncé.

Préparons-nous à rentrer dans sa propre joie.


Dimanche 29 novembre : 1° dimanche de l’Avent

 

Jr 33, 14-16 : les institutions de l’avenir

Ps 24

1Th 3,12-4,2 : Prière de Paul

 Lc 21, 25-28.34-36 : les catastrophes cosmiques et la Manifestation du Fils de l’Homme.

Veiller pour ne pas être surpris.

 

Vous pouvez vous asseoir, les enfants.

 

Il y a une couronne de l’Avent qui est devant l'autel, quatre bougies selon la coutume. Quatre bougies parce que quatre dimanches, quatre semaines juste avant Noël. 

 

Premier dimanche, première bougie allumée.

Nous allons avoir une couronne tout étincelante alors que nous serons tout proches de Noël, dans quatre dimanches.

 

« Debout, restez éveillés et priez ».

 Le cœur de l'homme a une particularité, c'est qu'il a toujours envie que la fin arrive, mais une fin heureuse, le happy end.

 Il a toujours envie que ça soit comme dans les contes pour enfants : « et ils vécurent et ils eurent beaucoup d'enfants ».

Une sorte de fin radieuse, lumineuse, positive, formidable.

 

Ça c'est le cœur de l'homme, de l’humain.

C'est un peu, un cœur qui reste encore un cœur de petit enfant.

 

Et les grandes personnes apprennent petit à petit, à leurs dépens, que ça ne fonctionne pas ainsi.

Et depuis trois semaines, et puis, bien avant encore, pour ceux qui étaient plus attentifs à l'actualité ; eh bien, on se rend compte que ça n'est pas ainsi.

Nous avons cru et nous croirons encore dans 50 ans ; et nous avons beaucoup cru, il y a 1000 ans et nous croirons encore dans 1000 ans, que l'homme est capable de progrès et il produit du progrès : l’amélioration de la vie, une meilleure organisation, une prise de conscience multiples, c'est vrai.

 

Mais, jamais, l'histoire ne peut se terminer comme il en rêverait : d'une part, ça n’est marqué nulle part dans la parole de Dieu, mais ensuite, jamais l'homme avec ses propres forces à lui tout seul, ne peut fabriquer un « happy end » comme nous avons dans les contes pour enfants.

C'est très beau, mais ça n'est pas ainsi.

 

Alors nous avons deux solutions.

La première solution, c'est de tomber dans une profonde tristesse, de déception, de désillusion, et de dire : si c'est ça la vie, ce n'est pas drôle…et attendre, au fond… la mort.

Ou la deuxième solution, c’est la solution chrétienne, c'est la solution du temps de l'Avent : c'est de toujours avoir une longueur d'avance, et se dire : « je ne peux pas me résoudre à être triste et à être désemparé et à être inutile, et au fond voir les choses, ne pas avancer.

Je ne peux pas me résoudre à ça, mais j'ai besoin de faire un pas en avant.

J'ai besoin, au lieu qu'on me parle de la fin et de la fin triste, j'ai besoin qu'on parle des commencements, des débuts ».

 

 C'est la solution chrétienne : le temps de l’Avent.

 

 Alors comment s'ouvrirà une promesse, comment s'ouvrir à quelque chose de neuf, à un commencement, si notre cœur s'enferme comme un escargot dans sa coquille, dans une sorte de ronronnement intérieur : « j'aimerais bien mais je n'y arrive pas, je souhaiterais mais ça marche pas, je rêve d'aimer mais je me rends compte que ça ne marche pas ainsi ? »

Comment sortir de cet enfermement et qui peut être plein de découragement et de fatigue ?

 

Pour un chrétien, il y a 2 grandes solutions.

Alors effectivement, il y a la grande solution qui est la foi, mais ça c'est un don : il y en a qui l’ont, il y en a qui ne l'ont pas et on ne peut pas grand-chose.

On peut la cultiver, cette foi.

 

Les deux grandes solutions, c'est :

·                     s’ouvrir à la Parole.

Ça n'est pas incantatoire dansma bouche. Je ne dis pas qu'il faut s'ouvrir à la parole de Dieu parce que ça fait bien de le dire ; je le dis parce que, vraiment nous, catholiques, nous sommes extraordinairement pauvres sur le sujet.

La parole de Dieu n'est pas un vieux reliquat de la préhistoire chrétienne.

A l’ère du numérique la parole de Dieu a plus que jamais sa force.

 

Entrer dans la Parole, savoir l'écouter,la décortiquer.

Sa force, sa capacité à percer un cœur fermé sur lui, pour introduire des commencements neufs, sa force inédite…mais tant que nous n'entrons pas dans la parole de Dieu, ça ne marche pas.

 

Alors il y a des chrétiens tristes, des chrétiens déçus, des chrétiens qui finissent presque par en vouloir au monde entier ou en vouloir à l'Eglise même parce que, eux-mêmes n’entrent pas dans la Parole.

Nous avons essayé de faire le test ce matin, quand nous étions réunis à l'école, tout à l'heure : la parole de Dieu, un petit texte, tout petit.

 

Entrer dedans, qu'est-ce que ça veut dire ?

 

J'ai eu l'occasion de le dire, je vais le redire.

L'image que tout le monde n'a pas entendue, je la redis.

 

La parole de Dieu, c'est comme quelqu'un qui a faim et qui veut se nourrir.

Il n'a pour se nourrir que ses dents et une amande, une amande non ouverte, encore dans sa coquille.

Il a faim.

 

Premier geste : je porte l’amande à ma bouche et je casse la coquille avec les dents : je n'ai rien d'autre pour l'ouvrir.

La parole de Dieu peut nous casser les dents parce qu’elle est dure à comprendre.

 

Et combien de catholiques sont déçus, n’osent pas rentrer dans la Parole parce qu'ils disent : « je n'y comprends rien, mais vous savez, moi je n'ai pas fait beaucoup d'études et puis quand j'étais jeune on ne m'en a jamais parlé ».

Entrons-y dans la Parole.

Le risque c'est de se casser les dents, mais ça ne fait pas mourir.

Il faut traverser cette première étape.

 

Une fois que la coquille est ouverte, la deuxième étape, c'est ôter cette pellicule amère qui entoure l'amande.

Rappelez-vous : on a faim.

La parole de Dieu est amère, parce que, à un moment donné, on finit par la comprendre ; parce que finalement nous ne sommes pas complètement idiots.

Dieu parle à notre tête autant qu'il parle à notre cœur : à force de lire, je finis par comprendre.

Mais il y a des appels de Dieu dans la Parole auxquels nous résistons profondément.

Nous les avons compris mais nous y résistons.

La Parole est amère.

 

Mais nous avons faim.

Je traverse cette deuxième étape et je tombe sur l'amande et je me nourris de l'amande comme je me nourris de la Parole.

Tant que je ne suis pas allé jusqu'à cette étape-là, je ne peux pas comprendre.

 

Mais il y a, heureusement, beaucoup de chrétiens qui arrivent à cette troisième étape.

Et ça n'est plus un texte aride, parfois desséché et desséchant, c'est une personne vivante : le Christ, qui n'est plus dedans le livre mais qui est dedans moi.

 

Dieu parle toujours à quelqu'un qui a faim.

Et comment parle-t-il ?

En nous faisant aller de commencement en commencement et en nous faisant quitter nos mauvais souvenirs, nos rancœurs, nos certitudes, nos déceptions.

 

En nous permettant de quitter le bord de notre vie, comme quelqu'un qui ne sait pas nager et qui reste au bord de la piscine, assis.

Il n'ose pas accompagner ses camarades dans l'eau : il a peur.

Il a mis son maillot de bain, il reste au bord de la piscine, mais il n'ira pas dans l'eau.

 

La parole de Dieu nous attire au centre.

Elle nous permet d'oser quitter notre peur et de plonger dans l’eau.

C'est la force extraordinaire de l'Esprit, par la Parole.

 

Bien sûr l’eucharistie produit le même fruit dans notre vie.

Mais vous avez bien vu que la parole de Dieu produit un pèlerinage : il faut comprendre, s’associer à d'autres, lire et relire.

Notre tête autant que notre cœur sont sollicités, parce que Dieu à travers sa Parole finit toujours par nous faire poser la question de notre vie.

 

La réponse, ce sera l’eucharistie : fruit d'amour de Dieu pour nous, miséricorde profonde du Père.

Le deuxième moyen (je vous ai parlé de 2 moyens) :

la parole pour sortir de notre cœur enfermé en lui-même, comme un escargot qui rentre dans sa coquille ;

deuxième moyen, c'est l'accompagnement spirituel.

 

Il est nécessaire parfois de détricoter des années et des années de certitudes.

Détricoter, non pas pour dé-formater mais pour rendre tendre une terre qui a soif, et qui étant trop aride, ne laisse pas la rosée du matin la pénétrer.

 L'accompagnement spirituel avec un prêtre, ou d’autres pères ou guides spirituels, permet de rendre tendre dans l'Esprit cette terre qui a soif.

 

Ces quatre semaines de l’Avent, en communauté, nous permettent de vivre cela.

Mais vous savez bien que ce n'est pas une affaire de quatre semaines, c'est l'affaire d'une vie entière, mais c'est cela que nous vivons en communauté.

 

Essayons de méditer, contempler Marie, la femme enceinte qui va mettre au monde un fils.

C'est lui, qui patiemment, est en train de se former dans chacun de nos seins et qui promet sa venue au monde dans chacune de nos vies.

 

Soyons-y attentifs, restons éveillés.

Soyons attentifs à chacun des signes de sa présence afin que nous ne sombrions pas dans la léthargie du pessimisme, que nous quittions notre déception de fin malheureuse pour aller du côté du commencement prometteur.

C'est la beauté du temps de l’Avent.

 

En communauté nous y entrons. Amen.


Vendredi 27 novembre : Dn 7, 2-14 : la vision des bêtes

Cantique Dn 3

Lc 21, 29-33 : la parabole du figuier

 

« De même, vous aussi, lorsque vous verrez arriver cela».

Jésus nous renvoie à ce que l’Evangile, les jours précédents, nous disait.

Jésus parle sur une très très longue séquence dans l'Évangile de Luc et nous annonce des scénarios apocalyptiques qui font peur : le bouleversement du cosmos, des relations humaines, la destruction du connu et il dit : «  dès que vous voyez arriver cela, sachez que le royaume de Dieu est proche ».

 

Vous vous souvenez que ce texte a été lu, un dimanche, il y a près de 2 semaines, maintenant : «le ciel et la terre passeront, mes paroles ne passeront pas».

C'est une invitation expresse, très forte, vive, que le Seigneur et la liturgie, au terme de cette année, nous donnent : plonger dans la parole de Dieu.

Plonger dans la parole de Dieu.

 

Nous autres catholiques, nous avons un péché majeur, grave.

Il est pardonnable puisqu'il ne fait pas partie de ces péchés qui ne peuvent pas recevoir de pardon, mais il est très grave : c'est celui de ne pas plonger dans la parole de Dieu.

 

Le « Prions en Eglise » ne suffit pas, le « Magnificat » non plus, la messe à la télé non plus,  RCF non plus.

Tout ceci est très utile, très utile, mais ne suffit pas.  

 

Plonger dans la parole de Dieu, c'est aller à la rencontre du Fils.

Ce n'est pas simplement être capable, et encore, peu de catholiques en sont capables, de tracer une vague esquisse de Jésus.

C'est être capable de sortir de son trésor du neuf et de l'ancien, en toute circonstance, car le ciel et la terre passeront, mais les paroles du Fils ne passeront pas, si elles ont pénétré en nous.

Pas les paroles de Monsieur le curé, pas les paroles du « Magnificat », mais elle est la parole de Dieu, si nous sommes entrés dedans.

 

Alors Jésus nous secoue.

 

Nous avons vu que, au fond, la réalité rejoint le récit de Jésus, c'est-à-dire qu'il y a effectivement des bouleversements autour de nous et que nous ne pouvons pas rêver à une stabilité et une beauté définitives du monde, du moins pas de notre vivant.

Ça n'est pas un échec personnel.

 

Mais Jésus ne nous l’a jamais promis d'ailleurs.

Il nous promet juste une stabilité en lui-même.

Encore faut-il le connaître.

 

Au terme de cette année alors, c'est le moment des bonnes résolutions.

Le 31 décembre au soir, on se promet de ne plus jamais manger de chocolat, ou faire des excès de saumon fumé, mais au terme de l'année liturgique, on peut au moins faire un vœu, devant Dieu : celui d'ouvrir la Bible. Amen.


Mardi 24 novembre : Dn 2, 31-45 :l’interprétation de la vision du roi Nabuchodonosor

Cantique Dn 3

Lc 21, 5-11 : discours sur la ruine de Jérusalem : les signes précurseurs


Le coeur de l'homme fonctionne beaucoup par addition, par croissance, par accumulation comme pour exorciser une sorte de pauvreté native.

Alors ce qui est positif, ce qui est recherché souvent pour elle-même, c'est la croissance : la croissance de la stabilité, la croissance de la richesse, la croissance des relations, la croissance de la beauté, la croissance...

 

Mais le cœur, dans cette croissance, qui pour une bonne part est légitime, le cœur perd toute trace sur les écrans radar, de Dieu, toute trace de sa présence, lorsqu'il est dans cette perspective de croissance.

 

Jésus, dans l'Évangile, alerte en secouant son auditeur et en l’interpellant :

« toi, es-tu capable de demeurer même si ça ne croît pas, même si ça décroît, même si ça se brise, ça se divise, même si au fond, la fin de l'histoire n'est pas si proche que ça ? ».

 

Vous êtes tous d'une génération où il a été cru en la fin de l'histoire, notamment après la seconde guerre mondiale.

Et si la fin de l'histoire ne venait pas ?

Et si au fond, la croissance tant espérée, ne marchait pas ?

Et s'il fallait connaître d'autres troubles, d'autres divisions, d'autres moments de rareté et de manque, malgré tous les efforts déployés ?

Est-ce que cela signifierait que Dieu n'existe pas ?

 

C'est le défi que nous lance Jésus.

Et sa réponse : non, ça ne signifie pas.

 

D'où le temps de l'Avent, tant nécessaire pour revenir à ce petit point sur un écran radar de la présence du cœur, à l'horizon de Dieu, petite flamme toute fragile qui s'appelle l'enfant-Dieu.

En dehors de toute croissance ou même de toute décroissance, notre cœur demeure  dans ses mains, les mains du Père. Amen.


Dimanche  22 novembre : Le Christ Roi de l’Univers


Si dans le calendrier liturgique il y a des fêtes dédiées au Christ au Roi de l'univers, c'est pour deux raisons.

La première, cette rencontre de Jésus avec Pilate et sur ce quiproquo «  Roi des juifs » et la deuxième, c'est par le livre de l'apocalypse : il est question de l'Agneau de Dieu vainqueur à la fin des temps.

Et il rend vainqueur avec lui tous ceux qui lavent leur vêtement blanc dans son sang et c'est la raison pour laquelle nous hissons haut dans le ciel le Christ, étant pour nous, Roi de tout l'univers.

 

Mais qu'est-ce que cela veut dire ?

 

La première chose : il faut avoir en tête ce qui se passe lorsque Moïse rencontre le Seigneur dans le buisson ardent, (on ne l’a pas lu).

Il entend une voix : « Je suis celui qui suis ».

C’est Dieu, de derrière le buisson ardent qui lui annonce qui il est, il dit son identité.

Moïse a conscience tout d'un coup d'être sur une terre sacrée, à cause de la présence de Dieu et vous savez ce qu'il fait ? Il enlève ses chaussures et il se prosterne.

Moïse rencontre le Seigneur, ce n'est pas rien dans la vie d'un homme, et vous avez en face toutes ces rencontres multiples de l'Évangile : le lépreux, le paralytique, le sourd-muet, l'aveugle, les pécheurs, la femme adultère, les veuves éplorées, les disciples lâches, Judas (malheureusement Judas n'ira pas jusqu'au bout).

Tous ces personnages, qui eux disent et qui vivent la rencontre avec le Seigneur.

Certains se prosternent, d'autres non, mais ils n'ont pas rencontré le Seigneur de derrière le buisson ardent.

Ils l’ont rencontré plus proche encore, dans les plis de leur existence.

 

Vous savez ces plis que nous avons dans notre vie, où s'incruste plein d'impureté et de péché. Les plis de nos vies, c'est là que le Seigneur vient se faire rencontrer, dans la vie du peuple des pécheurs et des pauvres, de ceux qui sont au bord de la route.

Et le Roi, notre Roi a pour cour, toutes ces personnes, hommes et femmes, pleins de plis.

Ce que le Seigneur nous révèle (le Christ), c'est son Père.

Il déplie notre vie.

 

Imaginons notre vie comme une boule de papier, chiffonnée, pliée, jetée dans une corbeille depuis le jardin des origines.

Et c'est pour cette raison que Moïse s’est incliné et qu'il ne se sentait pas digne et qu'il n'a pas approché du buisson ardent.

 

Petite vie pliée sur elle-même comme une boule de papier.

Toutes ces vies pliées sur elles-mêmes comme une boule de papier qui rencontrent le Seigneur sur la route qui va de la Galilée jusqu'à Jérusalem, Lui, Jésus, les déplie, les défroisse, les élargit, jusqu'aux dimensions, non pas de la feuille de papier, mais jusqu'aux dimensions de l'univers.

 

L'amour infiniment grand de Dieu vient jusque dans l'infiniment bas et l’infiniment petit pour le déplier et lui donner cette dimension, la dimension de l'univers.

 

Et parce que le Christ est tout entier tourné vers le Père et que, nous dépliant, il nous tourne vers le Père.

Le Christ ne cesse jamais de s'offrir à ce Père et c'est ce que nous célébrons dans chaque eucharistie tout au long de l'année liturgique.

Du premier dimanche de l’Avent jusqu'à aujourd'hui, nous n'avons pas cessé de nous réunir autour du  Christ qui s'offre à son Père et qui nous offre avec lui et qui nous fait nous offrir au Père, dépliant nos vies partant loin de nos vies, partant du plus bas, du plus petit de l'infiniment petit de la vie pour l'élargir aux dimensions de l'univers.

 

C'est la raison pour laquelle au terme de l'année, contemplant le chemin parcouru et rendant grâce pour tout ce qu'il produit dans nos vies nous disons : « il est Roi de l'univers ».

 

La royauté ne vient pas de ce monde, elle vient, mais elle concerne nos vies et vient nous toucher jusqu'au plus profond.

 

Nous avons peut-être un sentiment mêlé au terme d'une année liturgique, de se dire : « oui feuille de papier froissé mais dépliée, et en même temps, conscients du chemin qui reste à parcourir », ne perdons jamais de vue la promesse pour nous, malgré notre conscience parfois petite ou malgré nos immenses efforts personnels :

 

La miséricorde de Dieu est très grande. Elle est infinie.

C'est cette miséricorde qui continue à élargir notre cœur jusqu'aux dimensions de toute la création et de l'amour du Père.

 

En cette solennité du Christ Roi, nous célébrons aussi la paix, nous prions pour la paix, car le manque de paix et son contraire : la discorde,  la violence et la peur viennent des cœurs tout pliés sur eux, que nous soyons victimes de cette peur ou que nous soyons à l'origine de cette violence ou de cette peur.

Dans les deux cas, et ce que nous avons de commun avec d'affreux terroristes qui peuvent faire le mal, tel que nous l’avons connu, ce que nous avons de commun c'est notre capacité à nous recroqueviller.

Mais nous connaissons cette lumière qui nous en élargit, qui nous ouvre et nous savons combien la miséricorde du Père est insondable.

En ce dimanche prions pour la paix.

 

Et puis nous avons la possibilité, jour après jour jusque samedi prochain, chaque soir, à l'heure de dîner, d'allumer une bougie chez soi, seul ou avec ceux avec lesquels nous nous trouvons ; et prier, notamment à partir, si nous le souhaitons, de la prière qui est reproduite sur vos feuilles de Saint-François-d'Assise : la prière de la paix.

 

Chaque jour comme pour faire une chaîne et une communauté invisible, chacun chez soi.

Et ceux qui le voudront comme pour complètement achever cette année liturgique, nous pouvons nous retrouver samedi prochain dans cette église. Vous savez qu’il n'y a pas de messe samedi prochain au soir, veille du dimanche autrement, premier dimanche de l’Avent.

Il y aura une heure d’adoration eucharistique avec les vêpres, les premières vêpres de l’Avent.

Nous anticipons l’Avent, en priant la prière du soir, ici, dans cette église pour terminer ces sept jours de prière pour la paix.

 

 Christ, Roi de l'univers déplie nos petites boules de papier pour les élargir aux dimensions du monde. Amen

 

Chant : Le Seigneur est Saint, le Seigneur est Saint, le Seigneur est Saint.

Le Seigneur est notre dieu, le Seigneur est notre Père

Il règne dans les cieux, qu’il règne sur la terre.

Le Seigneur est Saint, le Seigneur est Saint, le Seigneur est Saint.


Vendredi 20 novembre : 1 Mac 4,36-37.52-59 : purification du Temple et dédicace.

1 Ch 29

Lc 19, 45-48 : les vendeurs chassés du Temple.

 

La grande découverte du XXe siècle c'est l'importance du corps.

Et même si depuis toujours, on dit que, par notre baptême, nous devenons des temples de l'Esprit Saint, au XXe siècle on a découvert l'importance de soigner notre propre corps et le lien que nous entretenons avec notre corps.

Et de même, si nous avons une vraie unité dans notre cœur, un beau rapport avec notre corps, alors, tout lieu devient un lieu de prière.

Raison de plus encore : le temple, mais il n’en reste plus de pierre, une seule pierre debout, le temple d’Israël, à Jérusalem,  mais c'est vrai pour nos lieux de rassemblements entre chrétiens ; c'est vrai pour la communauté, même quand elle se rassemble en dehors de la prière.

Nous ne pouvons pas faire de nos rassemblements des lieux de commerce en tout genre d'ailleurs, pas uniquement acheter ou vendre, mais ça peut être, discuter de choses frivoles ou s'écharper.

Nous ne sommes pas un forum.

 

Et pour grandir dans cette beauté ou cette primauté de l'Esprit Saint, ce qui apparaît un peu moins dans ce texte, c'est que, en Jésus, nos cœurs et nos corps peuvent grandir dans une belle unité, car Jésus chasse la ténèbre et la peur,  Jésus réconforte et construit ; il déverrouille les cœurs et de cette façon, peu à peu, le Père et le Fils font leur demeure en nous.

De manière très pratique, c'est aussi une façon de reconnaître que nous sommes souvent avec les autres, ce que nous sommes avec nous-mêmes.

Alors demandons au Seigneur de déjà faire une véritable conversion en nous avant d'attendre que ce soit absolument les autres qui vivent la leur. Amen.


Dimanche 15 novembre : Dn 12,1-3 : la résurrection et la rétribution

Ps 15

He 10, 11-14.18 : efficacité du sacrifice du Christ

Mc 13, 24-32 : manifestation glorieuse du Fils de l’Homme et parabole du figuier

 

Chers amis, au terme de cette année liturgique, dimanche prochain ce sera Christ roi de l'univers, nous proclamerons en mémoire de l'universalité du Christ, sa Seigneurie qui est la largeur, la hauteur, la grandeur, né du Père du cosmos, et ensuite nous rentrerons dans l'Avent.

 

Au terme de cette année liturgique, nous sommes renvoyés à un modèle d'Eglise, de vie chrétienne qui est en filigrane dans ce que nous venons d'entendre : ce sont ces disciples du Christ, quelques femmes et Marie, mère de Jésus, qui après l'Ascension, attendent le don de l'Esprit Saint dans la chambre haute, à Jérusalem.

 Ils ont peur, mais en même temps, ils demeurent fidèles à une parole.

 Ils n'ont rien d'autre d'ailleurs qui les rassemble que cette parole prononcée par Jésus, au moment de l'Ascension : « je serai avec vous jusqu'à la fin des temps ».

 

L'Eglise est née de cette attitude de veille et de fidélité à une parole.

Et le disciple du Christ est celui qui toujours, cherche à suivre son Maître dans tous les passages de son existence qui sont comme des morts et des dépouillements de tout ce qui lui semble être habitudes, paysages familiers, traditions, coutumes.

Le fidèle disciple du Christ se laisse constamment dépouiller pour demeurer fidèle à une parole.

Et c'est La parole.

 

La première communauté, entre l'Ascension de Jésus et la Pentecôte, attend.

C'est ça qui fait l’Eglise : l’attente de l'Esprit Saint et sa réception, la prière et la fidélité à une parole.

 

Dans les textes que nous vous avons venons d'entendre, nous avons des descriptions apocalyptiques qui sont communes dans l'Ancien Testament dans quelques livres prophétiques qui annoncent le bouleversement du cosmos ; cela réapparaît au terme des Évangiles et nous le revoyons aussi réapparaître dans le livre de l'Apocalypse.

Le bouleversement du cosmos nous renvoie parfois à certaines scènes de l'actualité. Mais le bouleversement du cosmos biblique est toujours mis en face de la stabilité, et la stabilité définitive de la fidélité de Dieu dans l'Alliance.

Jamais, jamais celui qui demeure fidèle à la parole que le Père prononce ne peut être déçu.

 

 Alors, au terme de cette année liturgique, c'est pour nous une stimulation, un encouragement à demeurer fidèle à cette parole.

 

« Le ciel et la terre passeront, mais mes paroles ne passeront pas ».

 

 Nous sommes nés de cette attente de l'Esprit Saint et de la réception de l'Esprit, nous ne sommes pas nés en des temps (je parle de l'Eglise), en des temps stables, nous ne sommes pas nés dans des temps de paix, l'Eglise est née dans des temps de dispersion, des temps de violence.

 À Jérusalem, la première communauté dont je vous parle, attendait l'Esprit Saint et se savait traquée.

Dans les années 70, c'est raconté dans les actes des apôtres, une dispersion à cause d'une révolte, d'une révolte qui était ici à Jérusalem par Bar Korba, le peuple juif et les premiers chrétiens sont dispersés, doivent quitter Jérusalem, alors que la toute première communauté était à Jérusalem.

C'est ainsi que va se répandre le christianisme très vite autour du bassin méditerranéen.

 

Ce qui fait la force, ce qui fait la paix, la lumière des disciples du Christ, c’est cette attache à la fidélité, c'est cette fidélité à une parole. Et ça n'est pas une attache ni à une terre, ni à des attitudes.

Depuis la Pentecôte, pour un chrétien, toute terre est sacrée, il n'y en a pas une particulière qui est sainte.

Depuis la Pentecôte, pour le chrétien, tout être est habité par l'Esprit, il n'y en a pas que quelques-uns.

Cette sacralité de toute la terre et de toutes les personnes, c'est ce qui renforce, ce qui donne courage, ce qui donne confiance aux disciples du Christ, et c’est que, malgré les turbulences et malgré les violences, ce qui demeure pour lui à l'horizon, c'est la reconnaissance du caractère sacré de toute terre et de tout être.

 

 « Le ciel et la Terre passeront mais mes paroles ne passeront pas ».

 

Nous sommes nous, comme communauté chrétienne plutôt dans des lieux de stabilité ; nous sommes comme communauté chrétienne aujourd'hui, plutôt en des lieux où nous savons encore transmettre quelque chose de ce que nous avons reçu, et en transmettant ce que nous avons reçu, nous transmettons aussi un certain nombre de caractéristiques, on va dire, locales, on va dire des habitudes, on va dire des couleurs locales.

 

 Mais Jésus prépare ses disciples à plutôt fonder leur vie, leur fidélité sur une parole : « je serai avec vous jusqu'à la fin des temps », afin que, si jamais l'instabilité nous envahit, si jamais la peur nous traverse, nous sachions que demeure pour toujours, non pas des paysages familiers, non pas des traditions bien transmises, mais la parole qui toujours traverse l'histoire : « je suis avec vous jusqu'à la fin des temps ».

 

Alors nous sommes comme cette petite communauté chrétienne des premiers temps de l'Eglise, quelques disciples, quelques femmes, Marie la mère de Jésus et nous sommes dans une attitude de veille, de prière, d'attente du don de l'Esprit Saint de sa réception et nous sommes fidèles à une parole : « le ciel et la Terre passeront mais mes paroles ne passeront pas ».

 

 Voilà au fond, le terme de toute une année liturgique, ce que nous avons comme baptisés à retenir : comme le paysage se transforme à l'automne et devient nu pour l'hiver, comme un certain nombre d'événements viennent bouleverser nos sécurités et notre confiance, comme parfois nos corps se transforment avec le vieillissement, nous savons que tout ceci passe, mais une seule chose ne passe pas et demeure jeune pour toujours, cette parole qui nous est adressée : « je suis avec vous jusqu'à la fin des temps ».

 

« Le ciel et la Terre passeront mais mes paroles ne passeront pas ».

 

Voilà notre attitude pour traverser cet hiver, pour achever cette année et pour entrer progressivement dans l'Avent. 


Mercredi  11 novembre :  Consécration de l’autel de l’église St Martin de Bayel par notre Evêque Mgr Stenger

Mi 6, 6-8 : Comment plaire à Dieu ?

Mt 25, 31-46 : Le jugement dernier


Chers amis, dans beaucoup de religions, il y a ce qu'on pourrait appeler la table du sacrifice, sur laquelle l'homme qui est préposé au sacré, (parce qu'il y en a dans chaque religion des hommes préposés au sacré), cet homme immole les victimes destinées à s'attirer les bonnes grâces du dieu qu’on vénère.

Dans notre religion à nous, nous avons aussi la table du sacrifice : c'est l'autel.

Mais là, s’arrête la ressemblance.

 

Le sacrificateur, comme on dit, ce n'est pas un homme préposé aux rites, c'est bien sûr le prêtre, choisi pour accomplir ce que le Christ a accompli.

Mais ce n'est pas seulement le prêtre, c'est le peuple rassemblé, le peuple rassemblé autour du Christ, c'est-à-dire aujourd'hui nous tous, ici, présents.

Le prêtre n'est pas une sorte d'employé religieux, comme l'étaient les sacrificateurs autrefois ; car en fait, il y a un seul prêtre, et ce seul le prêtre c'est le Christ.

C'est lui qui fait le sacrifice. C'est lui qui présente l'offrande agréable à Dieu : le don de sa vie, par amour.

 

Ce qui est agréable à Dieu, ce n'est pas le sang versé, contrairement à ce que pensent ceux qui disent : « Mais comment Dieu peut-il ainsi sacrifier son fils ? Sacrifier la vie de son fils ? Comment a-t-il pu accepter de faire mourir son fils ? »

Non, l'offrande agréable à Dieu, c'est l'amour, l'amour que le Christ a montré pour tous les hommes et cet amour par lequel il correspondait à l'amour de son Père.

Et ce sacrifice-là, accompli par le Christ en mourant sur la croix, ce sacrifice-là, il continue à le faire, à l'accomplir.

Il a aimé une fois pour toutes, en acceptant la mort sur la croix, mais cet amour continue à sauver les hommes d'aujourd'hui, ces hommes dont nous faisons partie et que leurs faiblesses éloignent de Dieu.

 

Le rôle du prêtre dans tout cela, c'est de permettre que cet acte d'amour, par lequel le Christ a tout réconcilié avec Dieu, continue à s’accomplir, à se poursuivre.

Et le rôle du peuple que nous formons, c'est d'accueillir les effets de grâce de cet acte d’amour du Christ et d'aimer à notre tour de manière telle, que le monde autour de nous s’en trouve renouvelé.

 

C'est dans ce sens-là que nous disons, que dans le christianisme, s’il y a aussi le sacrifice à Dieu, parce que c'est la manière dont l'homme exprime son rapport à la divinité,  dans le christianisme, dans ce sacrifice, l'autel, le prêtre et la victime sont le même : le Christ.

 

Mais, nous n'allons pas être seulement des spectateurs de cela, nous avons à être, à notre tour, autel et prêtre, la victime étant toujours le Christ que nous accueillons, somme toute.

C'est la raison pour laquelle l'Évangile que nous venons d'entendre est particulièrement approprié.

Le Christ nous le dit lui-même, dans ce passage d'Évangile : l'accueil du petit, du pauvre, du prisonnier, du malade, c'est notre manière à nous d'accueillir son amour et d’y répondre, donc de réaliser la présence de l'amour du Christ dans le monde d'aujourd'hui.

 

Dans notre vie, nous sommes l’autel, l'autel qui accueille l'amour du Christ. 

Cet amour qui vient à nous, dans la Parole de Dieu que nous accueillons.

Cet amour qui vient à nous, dans les moments de grâce comme l’eucharistie que nous célébrons.

Cet amour qui vient à nous, dans nos rencontres, en particulier dans la rencontre des petits, des pauvres, des prisonniers, des réfugiés.

 

Nous sommes l’autel, mais nous sommes aussi le prêtre ai-je dit, puisque nous avons à faire en sorte que l'amour du Christ apparaisse comme effectif pour tous ces mal-aimés de la terre et cela, en sachant nous-mêmes les aimer.

Et toujours, ce qui nous unit à eux, c'est le Christ que nous avons à accueillir et à leur transmettre.

 

C'est là chers amis, l'enjeu  de la consécration d'un autel.

Ce n'est pas simplement un objet qu'on apporte, d'abord qu’on fabrique, qu'on apporte ensuite pour y célébrer des actes rituels.

Dans cette consécration, nous sommes nous-mêmes consacrés, pour accomplir, non pas des actes rituels, mais pour accomplir des actes d'engagement et d’amour qui témoignent de la présence du Christ au milieu des hommes.

Vous l’avez bien compris : en tout cela, il n'y a rien d'anodin, il n'y a rien qui soit de l'ordre du simple spectacle ou de la simple cérémonie rituelle.

 

Si nous nous en tenons au lieu où nous sommes, ici, à Bayel ; à deux pas d'ici, il y a des hommes en prison ; ici même, il y a des anciens dans une maison de retraite ; tout autour de nous il y a des pauvres, des chômeurs, des laissés-pour-compte.

Qu'en est-il de notre prêtrise (puisque nous sommes aussi des prêtres), qu’en est-il de notre prêtrise de baptisés ?

 

Ce qui caractérisait les sacrifices des païens, c'est qu'ils ne concernaient qu'une élite d'initiés ; c'est qu'ils étaient faits pour attirer la faveur des dieux, non pas sur tous les hommes, mais sur les quelques initiés qui étaient autour du grand sorcier.

Eh bien, les fruits du sacrifice d'amour du Christ sont priorité pour les plus petits et les plus pauvres.

C'est au bénéfice de ceux-là que doit s'accomplir notre prêtrise de baptisés.

 

C'est pourquoi, chers amis, c'est pourquoi aussi chaque fois que la messe sera célébrée sur ce nouvel autel, il faut que ces pauvres et ces petits y soit présents avec nous. Cet autel, ce n'est pas pour nous, cet autel et c'est pour eux, et pour nous.

 

 Puisse ceci être effectif dans la réalité et la vie de votre communauté.


Mardi 10 novembre : Lc 17,7-10


Ce texte de l’Evangile peut paraître troublant pour notre conscience, parce que Jésus met en exemple un maître qui n'a pas de pitié pour ses serviteurs, au terme d'une journée tout entière de travail.

Dans d'autres textes, il inverse les rôles, et c'est le maître qui se met au service de ceux qui ont peiné toute la journée.

Mais là, dans son récit, Jésus insiste et montre que ceux qui ont peiné tout le poids du jour, continuent  à peiner en rentrant chez le maître, pour se mettre au service du maître.

 

Le trouble que nous pourrions ressentir si nous sommes attentifs à ce détail, est légitime.

Et ça nous renvoie à notre propre façon de nous ancrer dans la durée, le temps qui passe : il nous faut être fidèle.

Il nous faut être fidèle pour respecter notre engagement à la suite du Christ, respecter aussi la liberté des uns et des autres.

Et être fidèle dans le temps, ça n'est pas la chose la plus facile, et notamment pour ceux qui sont habités par la foi en Jésus Christ.

 

Combien de fois voudrions-nous voir se réaliser ce que nous attendons ?

Nous savons que : « posséder ce que nous espérons, n'est plus espérer », mais espérer, par moment fatigue considérablement.

Celui qui, pour des tas de raisons : d'inquiétude prononcée, de manque de patience, de peurs de toutes sortes, finit par s'éloigner de son ancrage avec Jésus-Christ, se retrouve inévitablement au bord du chemin, au bord de sa vie.  

Et le temps qui passe va devenir un temps subi. Il va devoir subir le temps et le temps va être lourd comme un lourd fardeau sur ses épaules.

Celui qui, pour d'autres raisons encore, va demeurer très très proche du Christ, peut-être aura-t-il les mêmes malheurs ou les mêmes difficultés à endurer le poids du jour, (mais il restera plus proche du Christ), eh bien celui-là restera au centre du chemin et le temps qui passe sera un temps agi, non pas subi.

Il va demeurer acteur du temps qui passe.

 

Alors nous, nous sommes invités à être acteurs du temps qui passe, même si parfois nous avons envie, et c’est nécessaire, de nous asseoir.

Mais, ce qui va prévaloir c'est la centralité de la personne du Christ dans notre vie.

Si le Christ demeure au centre, malgré nos coups de mou, malgré nos peurs, nos déceptions,  nous continuerons à être acteurs du temps qui passe.

 

Et nous continuons à être plein d'espérance.

Etre plein d'espérance, ça ne veut pas dire : dévisser les ampoules.

Etre plein d'espérance, ça veut dire demeurer ferme, même si nous avons parfois le visage grave.

Et nous pouvons alors dire : « nous sommes de simples serviteurs, nous n'avons fait que notre devoir ».


Dimanche 8 novembre :  1 Rois 17, 10-16 : la veuve de Sarepta.

             Ps 145

             He 9, 24-28 : le Christ scelle la nouvelle alliance par son sang.

             Mc 12, 38-44 : les scribes jugés par Jésus et l’obole de la veuve.

  

Ce que l'on appelle communément dans notre foi la vérité, la vérité c'est la conformité ou la proximité très grande entre le cœur d'une personne et ce que cette personne dit, fait, voire même pense.

Plus c'est rapproché, plus il y a de la vérité.

 

Tandis que Jésus est La vérité, parce qu'il est toute entier l'expression de son Père, et pour nous, dans notre compréhension humaine, on va dire : « eh bien il est tout à fait conforme à son cœur ».

Et c'est pour ça qu’on dit qu'il est resplendissement de la gloire, il est lumière, il est vrai.

On dit qu'il est : La vérité.

 

Mais nous, cette vérité-là est plutôt de l'ordre du chemin.

Parce qu'il y a rarement une grande proximité entre notre cœur et ce que l'on dit, on fait, ou on pense.

Quand je dis qu'il y a une distance, ça ne veut pas dire qu'il y a un délai, ça veut dire qu'il y a de la différence comme pour les hypocrites.

 

Dans le début de l'Évangile que nous avons entendu, Jésus regarde les scribes et il  les traite d'hypocrites.

Il le fait dans de nombreux passages de l'Évangile.

D'ailleurs, ils ont cette spécialité aux yeux de Jésus, les pharisiens et les scribes : la spécialité d'être hypocrite, c'est-à-dire qu'il y a une différence très grande entre leur paraître et ce qu'ils sont en vérité.

 

Il n'est pas en train de dire que ces gens-là ont un cœur mauvais, il est en train de dire qu'il y a une distance très grande, une différence très importante entre leur cœur et ce qu'ils montrent, entre leur paraître et ce que l'on dit aussi souvent dans notre langage, leur être.

Il leur reproche de ne pas être ce qu'ils montrent.

Du coup, aux yeux de Jésus, ils ne sont pas bien.

Mais ça ne veut pas dire qu'ils montrent des choses négatives.

Il n'est pas en train de dire des scribes : « Ô regardez, ils sont sales, ils se roulent par terre ou des choses comme ça ! ».

Il est en train de dire : ils sont beaucoup dans le paraître et du coup, ils masquent leur cœur.

Et ça, c'est effectivement un manque de vérité.

Jésus le pointe.

 

Jésus, lui, il est cette vérité ; et seul, Jésus est capable de voir et de nous aider à voir notre hypocrisie personnelle, notre distance qu'il peut y avoir entre ce que l'on présente de nous et ce qu’est notre cœur.

Ça c'est une première chose.

 

Mais là où c'est redoutablement compliqué, c'est qu'il ne suffit pas de dire : « soyez comme votre cœur ou soyons comme notre cœur », pour être vrai.

Je vais vous dire pourquoi après.

 

La vérité, c'est être dans la joie. Nous avons vocation à la joie et au bonheur.

On l’a fêté au moment de la Toussaint, il y a 7 jours.

On a la vocation à être dans le bonheur et ce bonheur c'est : être vrai.

 

Pourquoi alors, ce n'est pas aussi simple que ça de dire : « soyez conforme à votre cœur et vous verrez vous serez dans le bonheur ? »

Ce n'est pas si simple parce que de tout temps, l'homme cherche ou a cherché quel était son cœur.

Vous savez quel est votre cœur à vous ? Quel est l’être profond ? Qui vous êtes ?

Je dis : vous… moi, c'est pareil !

 

C'est une quête. C'est une quête de toute l'humanité depuis toujours.

Finalement, si je dois être conforme à mon cœur, si je dois être conforme au Père qui est source de tout bien dans ma vie ….mais quel est-il ?

Où est mon cœur ? Comment est-il ? Qui est-il ?

 

Alors, Jésus est effectivement le maître, le chemin qui va nous conduire, peu à peu, vers ce cœur.

Comment va-t-il faire ?

 

C'est précisément la raison pour laquelle, après avoir regardé les scribes, il regarde cette pauvre veuve.

 

L'homme, s'interrogeant sur la raison pour laquelle il a du mal à connaître le chemin qui le conduit vers son cœur et, depuis toujours, qui a regardé le ciel pour se dire : « mais, au fond où se trouve mon cœur et comment est-il ? » ; l’homme sémite de l'ancienne alliance, de l'Ancien Testament, de la Bible a répondu à cette question, en se disant : « si le chemin de mon cœur est perdu, c'est à cause de la marque du péché des origines ».

Cœur perdu, paradis des origines perdu.

C'est perdu ! C'est à cause de la faute de nos pères.

L'homme sémite de l'Ancien Testament…. Jésus, est un homme sémite de l'Ancien Testament.

 

Jésus, néanmoins, son regard s'est déporté aussi sur une autre réalité : c'est la pauvreté et la misère.  

 

A ses yeux, le chemin pour reconnaître et retrouver le cœur, le jardin perdu des origines, c'est le chemin de la pauvreté.

Pour lui, le dépouillement et la misère, c'est la porte par laquelle il faut passer pour retrouver son cœur.

C'est la raison pour laquelle d'ailleurs, Jésus, en permanence, dévie de son chemin pour rejoindre ceux qui sont au bord, et il va s’intéresser à l’aveugle, il va s’intéresser aux boiteux, il va s'intéresser aux pécheurs, il va s'intéresser aux veuves (il va en rencontrer plusieurs des veuves).  

 

Aujourd'hui, 2000 ans après, dans le langage chrétien, on entend beaucoup parler d'une autre chose encore : c'est l'homme et la femme blessés.

Cœur blessé : nous avons des blessures, nous portons des traumatismes, nous avons des blessures, des souffrances.

Un peu comme pour ressembler à ce que Jésus dit de la veuve, qui est pauvre,  on va dire : « c'est par ce chemin-là que Dieu nous fait passer »… il ne nous fait pas souffrir, mais il nous fait rejoindre ce cœur, là, pour mieux le découvrir.

Alors, Jésus regarde cette pauvre veuve : être veuve dans la Bible, c’est être au bord de la mort.

Une veuve qui n'a pas retrouvé de mari, c'est une femme qui est promise à une mort prochaine, certaine.

Elle le sait d'ailleurs.

La veuve de Sarepta le sait dans la première lecture, au premier livre des rois.

Elle accueille le prophète Élie et elle répond à sa requête, mais c'est juste pour différer ou même peut-être anticiper sa mort certaine.

Elle n'a plus rien.

Ce n'est pas uniquement parce qu'il y a une sécheresse dans le pays, il faut qu'elle s'occupe de son fils, il faut qu’elle se nourrisse.

 

La veuve que l'on voit dans le temple de Jérusalem, on ne sait pas si elle est remariée ou pas, on ne sait pas si elle a un enfant ou pas.

On dit que c’est une veuve qui a mis tout son nécessaire.

Il faut sous-entendre par-là, qu'elle n'a plus rien.

Le peu qu'elle a, elle l’a donné à Dieu.

 

Jésus est donc en train de mettre en avant, la réalité de la misère d’une personne, d'une femme ici, pour manifester la façon dont, à travers cette misère, les uns et les autres, nous pouvons retrouver le chemin de notre cœur.

 

Car, nos braves pharisiens et scribes rajoutent à cette misère, un certain nombre d'appas qui ont un don, de l'ordre du paraître pour être agréables à voir, d'une certaine façon, mais tombent dans les tentations, que Jésus a vécues lui-même dans le désert, au début de son ministère, tentation d'argent, de pouvoir et de savoir.

 

Mais si vous ôtez argent, pouvoir et savoir, vous obtenez quoi ?

Vous obtenez un cœur plein de misères, un cœur tout pauvre.

Pas simplement une pauvreté spirituelle, mais aussi une pauvreté matérielle.

Pas simplement une pauvreté matérielle, mais aussi une pauvreté spirituelle.  

 

« Heureux les pauvres de cœur » Jésus va-t-il proclamer au début de ses béatitudes,  chez Matthieu, chapitre 5 ; mais chez Luc, chapitre 6, il va dire : « heureux les pauvres », les pauvres d'argent.

La pauvreté, notamment celle de cette veuve, est donc prise en exemple pour dire : que Dieu nous rejoint jusque-là, et c'est là que nous allons le trouver et pas ailleurs.

Et il est le maître du chemin ; c’est celui avec lequel nous pouvons en toute confiance, marcher sans craindre de tomber sur cette route, rejoindre la plus profonde misère qui nous habite, l’accueillir et savoir que de cette misère, Dieu la convertit dans sa miséricorde profonde.

Il la convertit, cette misère.

Nous, nous ne pouvons pas la voir, c'est la raison pour laquelle nous perdons le chemin de ce cœur.

Nous ne voulons pas voir cette misère, elle nous fait mal.

Nous ne voulons pas voir notre pauvreté, car cette indigence nous est insupportable ; pourtant c'est notre condition native : Job le rappelle : « nu, je suis né », et il termine : « nu je mourrai ».  

Cette condition originelle, d'ailleurs celle de nos aïeux dans le jardin d'Éden, cette condition originelle de la pauvreté la plus profonde, celle qui nous fait vaciller chaque fois que nous y pensons, elle n'est pas prise en exemple par Jésus, elle n'est pas glorifiée, elle nous est juste montrée comme ce qui nous appartient en propre, à chacun, et vers laquelle il faut bien aller, en nous-mêmes, parce que c'est là que Dieu nous aime.

C’est là et pas ailleurs.

Et puisqu'il nous aime là, cette pauvreté devient une richesse.

 

Le Verbe est descendu parmi nous,  il a tout donné lui-même, en perdant tout d'ailleurs, pour que nous devenions riches de sa miséricorde.

 

Oui, cette femme est pauvre, mais elle est riche de la miséricorde du Père.

En réalité oui, nous sommes très pauvres, mais nous sommes riches de la miséricorde du Père.

Et si nous sommes convaincus de ça, alors nous sommes dans la joie, véritable et pas feinte, nous sommes dans la joie véritable.

 

Et nous serons alors véritablement lumineux pour les autres parce que nous ne serons pas assoiffés de pouvoir, assoiffés d'orgueil, assoiffés de je-ne-sais-quoi.

Nous n'aurons rien à faire valoir,  puisque nous sommes riches de la miséricorde du Père.

   

Chemin du cœur retrouvé : c'est tout un pèlerinage.

             

Alors pour ceux qui se demandent : « alors du coup, comment amorcer le pèlerinage et par quoi dois-je commencer pour pouvoir rejoindre à cette partie-là de mon cœur, de ma vie, de mon être?

Il faut ouvrir la Parole de Dieu, lire, demander l'Esprit Saint avant de lire.

Et vous allez voir, tout à fait naturellement et spirituellement, des appels vont surgir comme autant de panneaux indicateurs qui nous indiquerons, là où c'est chez nous, la misère et la pauvreté la plus profonde, une sorte de béance terrible.

Mais, pour que nous devenions riches de la miséricorde de Dieu.

 

Nous avons la vocation à la joie, demandons donc au Seigneur, qu’au terme progressif de cette année liturgique, que la grandeur de son amour et la grandeur de son règne viennent jusqu'à ce qui est le plus petit en nous, cette misère la plus profonde.

 

Et c'est aussi la raison pour laquelle, le pape François a décidé que, pendant l’Avent, le 8 décembre, allait commencer une année jubilaire sur le thème de la miséricorde. Amen. 


Vendredi 6 novembre : Rm 15, 14-21 : le ministère de Paul - Ps 97 Lc 16, 1-8 : l’intendant avisé


Nous lisons depuis quelques jours des extraits de la lettre que Paul adresse aux Romains.       

Dans cette lettre comme dans d'autres, Paul décrit son itinéraire d'apôtre et il se réjouit de savoir qu'il a été appelé, lui le juif observant, lui le pharisien, il a été appelé après une conversion fulgurante sur le chemin de Damas, mis en face de ses propres contradictions, appelé à devenir le héros de la foi, celui qui diffuse l'Évangile,  mais d'une manière particulière.

C'est ce qu'il dit dans cet extrait de la lettre aux Romains : il n'a pas pour responsabilité de se faire l’interprète de l'Évangile auprès de ses frères juifs, mais il a la responsabilité de communiquer l'Évangile à ceux et celles qui ne connaissent pas du tout la révélation.

Les nations dont il est question dans ce texte, ne sont pas les nations qui sont nées au 18e,19e ou 20e siècle, ce sont tous les peuples du bassin méditerranéen du temps de Paul (nous voici renvoyés 2000 ans en arrière), tous ces peuples qui sont religieux certes, mais nous savons, du moins par notre culture générale, que c’est une religiosité qui se traduit soit dans la vénération des dieux de l'empire, soit éventuellement  d'autres religions, systèmes religieux qui viennent Europe de l’Est, de l'Asie, pour ceux qui ne sont pas juifs. Donc Paul a la responsabilité de communiquer le Dieu d'alliance à des personnes, au fond, qui ne connaissent  rien, pour faire bref.

Donc Paul, sa première responsabilité c'est de sortir du système protecteur dans lequel il a grandi : il n'a pas la vocation de parler du même aux mêmes, il a la vocation de se faire interprète à d'autres, à sortir de son cercle restreint.

C'est un chemin difficile, car c'est toujours plus facile de prêcher à des convaincus, vous le savez bien.

 

Alors dans l'Évangile, il y a l'exemple de ce gérant malhonnête.

On ne sait pas trop d'ailleurs pourquoi il est fichu à la porte de sa gérance.

La seule chose, c'est que l'on prétend que ce gérant veut protéger ses arrières, une fois qu'il a complètement terminé sa responsabilité, afin qu'il puisse continuer à avoir des amis. Il tire à son propre profit les biens qu'ils avaient à donner, à gérer.  

 

D’une certaine façon, cela renvoie d'ailleurs à notre manière de vivre de Dieu, notre manière de porter notre baptême, notamment auprès des autres.

Notre baptême nous enjoint à nous risquer, nous enjoint à ne pas frelater la promesse de Dieu, promesse de miséricorde et d'amour mais aussi exigence.

Et des fois, pour éviter que cette promesse produise persécution, peur, violence contre nous-mêmes, on peut la frelater et la tirer à notre propre profit, ou bien se contenter à ne la communiquer uniquement à ceux qui nous ressemblent. 

 C'est la raison pour laquelle cet Évangile se termine par cette parole : « les fils de ce monde sont plus habiles entre eux que les fils de la lumière. »

 

Nous sommes invités à devenir fils de la lumière, c'est-à-dire vraiment sortir de nos cercles, oser aller à la rencontre, comprendre, connaître, faire chemin.

Et vivre de l’amour exigeant du Père. Amen.


Mercredi 4 novembre : St Charles Borromée  -  Rm 13, 8-10  -  Ps111 Lc 14, 25-33 : Renoncer à tout ce qu’on a de cher et en particuliers à tous ses biens

 

Dans cette page d'Evangile, le Seigneur ne cherche pas à nous décourager. Il ne cherche pas à nous décourager ; au contraire, il nous encourage à aller jusqu'au bout avec Lui, sans quoi toutes nos entreprises en son nom risquent de se retourner contre nous et de produire beaucoup de peurs et de tourments en nous-mêmes.

 

Car le disciple du Christ, c'est celui qui part avec Jésus, de la pauvreté de la crèche jusqu'à la limite et la mort, la souffrance de la croix.

Le disciple du Christ, c'est celui qui n'a pas peur d'affronter le mystère du mal dans sa vie : la contradiction, l'incompréhension, ce qui ne peut pas être accepté, ce qui fait souffrir.

Le disciple du Christ ne peut pas échapper à ce mystère-là, sans quoi, il ne vit pas son chemin avec le Christ et ne peut pas avoir part avec lui, au royaume.

 

Or, si les tourments, à un moment donné, finissent par avoir raison de notre zèle à vouloir suivre Jésus, alors, nous voici plongés dans ce que Jésus, ailleurs, appelle les ténèbres : la peur et  l'incompréhension.

C'est-à-dire que le mal lui-même fait son œuvre en nous.

 

Celui qui veut ressusciter avec le Christ et vivre des fruits du royaume, non pas demain, mais dès aujourd'hui, est bien obligé de s’attacher à son Maître jusque-là.

 

D'où l'intérêt de s'asseoir pour calculer la dépense ou de regarder le nombre d'hommes qui sont avec lui pour le combat.

Non pas pour s'engager à des entreprises formidables ou somptueuses ou belliqueuses, mais au contraire, pour bien vérifier, que nous sommes véritablement attachés au Christ et que  nous ne vivons pas une aventure en notre nom propre, mais bien avec Lui et par Lui.

 

Prions pour tous ceux et toutes celles qui prétendent, par le engagement au nom de leur foi, qui prétendent suivre le Christ, d'aller jusqu'au bout avec lui.


Mardi 3 novembre : Rm 12, 5-16b : humilité et charité dans la communauté  -  Ps 130 Lc 14, 15-24 : sur les invités qui se dérobent

 

La grâce nous est offerte en abondance et en permanence, mais nous sommes là, présent, secrètement (si nous y pensons d'ailleurs) à la mendier cette grâce, pensant qu'elle tarde à venir, pensant que le Seigneur n'est pas encore réveillé ; mais cette grâce est là et elle se donne à nous, à l'image de cette parabole.

Ça n'est pas faute du côté de Dieu, ça n'est pas faute d'essayer de venir faire sa demeure.

Mais il y a du retard. Ce retard peut-être expliqué en partie par le contexte de la lettre de Paul que nous avons entendue tout à l'heure. Cette lettre de Paul aux Romains.

Si Paul insiste sur la comparaison du corps, c'est que la première communauté était loin d'être idéale.

 

Les prophètes ne s'entendaient pas avec ceux qui enseignaient, ceux qui servaient avaient du mal avec les autres et qu'il y avait de la jalousie chez les uns et chez les autres. 

 

Lorsque la grâce nous  manque, pour des tas de raisons, ce n'est pas qu'elle n'est pas donnée, c'est qu'elle n'est pas reçue. Pour des tas de raisons, elle n'est pas reçue.

Nous sommes préoccupés à la guetter  chez les autres comme par comparaison, comme par jalousie : l'autre a reçu ce que je n'ai pas.

Il suffit de recevoir ce que Dieu nous donne à chacun en propre, avec patience et conversion.

 

En cette fin d'année liturgique, demandons à l'Esprit Saint, lui-même la grâce, demandons à l'Esprit Saint de nous rendre disponibles aux dons que le Seigneur veut nous faire. Amen.


Lundi 2 novembre : Messe pour les défunts   -  Jn 19, 25-27 : Jésus et sa mère

 

Nous sommes tous concernés dans cette assemblée par la disparition de personnes qui nous sont chères dans des circonstances très diverses, mais qui laisse toujours, au fond de nous,  une absence importante; et au gré des jours, avec les ressources que nous pouvons mobiliser, nous essayons de combler cette absence, ce vide et essayons d'habiter différemment les jours qui passent, sans la personne qui nous est chère.

On appelle ça un processus de deuil.

 

Très souvent en communauté, lorsque nous vivons des obsèques chrétiennes, déjà, dans la préparation, le choix des lectures, dans le dialogue avec l'équipe et la célébration elle-même, cette étape d'un deuil qui doit commencer, peut s'engager : habiter ce vide.

 

Et en face de cela, (il y a aussi des personnes qui, bien que concernées par un deuil ou une disparition et semblent  plus lointaines), il y a des personnes qui, au nom de la communauté chrétienne, accueillent, essaient de donner du temps, d'écouter et d'orienter les familles, vous, qui avez eu un être cher qui est parti.

 

Écouter et orienter des personnes qui viennent de perdre un être cher, écouter, cela signifie oser. Oser ressentir ce même vide, au fond de soi.

 Ça n'est pas la perte d'un être qui nous est cher à nous, mais c'est le vide ou la tristesse ressentie par la perte d'un être cher, chez quelqu'un d'autre.

 

Il y a chez tout le monde, présent ou tapi en lui-même, comme un espace que l'on ne veut pas fouler, que l'on ne veut pas rencontrer, que l'on ne veut pas habiter : c'est l'espace d'un grand vide vertigineux et qui renvoie à toutes ces absences ou à toutes ces peurs ou à tous ces manques qui nous effraient, que l'on ne peut pas voir, que l'on ne peut pas habiter.

 

Écouter ceux et celles qui, parmi vous, ont vécu l'expérience d'une séparation douloureuse, c'est oser  pour le croyant qui accueille, oser être renvoyé à cette propre part en lui-même, d'un vide qui, comme chez tout le monde, fait mal.

 

Dans la foi chrétienne, habiter cet espace-là, oser être touché, ça n'est pas du voyeurisme, ça n'est pas se projeter dans la souffrance des autres.

Dans la foi chrétienne, c'est oser aller jusqu'au cœur de là, où Jésus lui-même nous rejoint.

 

Dans l'Évangile, Marie et Jean au pied de la Croix, ils sont là, à assumer la disparition de leur ami et de leur fils. Ils sont là, à assumer cette disparition.

Et l'Évangile se termine de cette façon-là : « Jean prit chez lui la mère de Jésus ».

Qu'ils le veuillent ou non, il faut bien qu’ils assument ce fait : celui auquel ils sont attachés pour des raisons diverses (l'une la mère, l'autre un ami), celui-là part.

Et l'Évangile se termine sur sa disparition.

Assumer cette dimension qui nous est propre à chacun, ça demande du temps, ça demande beaucoup de ressources et ça demande dans le cas présent, de la foi ; un attachement viscéral à la personne du Christ, lui qui est le Maître de tous ces passages : de la peur à la confiance, du vide à la présence, de la mort à la vie.

 

Et les personnes de la communauté qui assurent ce service d'accueil et d'écoute, le font au nom de cette foi-là.

Ils ne sont pas plus forts, ils ne sont pas plus faibles, ils ne se projettent pas sur les autres ou ils ne font pas une sorte de service malsain (se livrer à prendre de la place dans la souffrance des autres), ils le font parce que la foi chrétienne nous renvoie toujours à cet endroit précis de notre cœur, où Jésus vient nous rejoindre ; c'est l'espace que nous, nous évitons en permanence mais que, peu à peu, nous pouvons habiter avec confiance pour chasser tous les fantômes, pour chasser toutes les obscurités et les ténèbres.

Christ vient l'éclairer, il vient assurer notre vie pour que nous demeurions stables pour nos semblables ; cet endroit dans notre vie, où la mort fait peur et où la souffrance nous épouvante.

 

Ces signes de la lumière que nous reproduisons à chaque célébration d'obsèques, (nous invitons les familles à allumer au cierge de Pâques, les bougies et à les déposer sur le corps de leur défunt), c'est pour reproduire ce geste de Pâques, de la Veillée Pascale : Christ est le premier ressuscité, le premier-né d'entre les morts.

Cette lumière, comme toute lumière, réchauffe et rassure.

 

Quand vous êtes entrés dans cette église tout à l'heure, vous avez peut-être remarqué qu'elle était plutôt dans la pénombre, plutôt dans un ton sépulcral, pour mieux mettre en valeur la lumière du ressuscité et c'est de cette façon-là que, nous munissant de cette bougie pendant les célébrations d’obsèques, nous la déposant sur le corps de nos défunts. 

 

Christ, par sa résurrection et la lumière vient nous témoigner réconfort et confiance et cette audace nécessaire pour assumer peu un peu le pas que nous avons à faire pour repartir dans l'espérance.

C'est ce que nous célébrons ce soir. Nous accompagnons tous ceux et celles qui ont ce passage à vivre et tous ceux et toutes celles qui, dans notre communauté, au nom de toute la communauté, accompagnent les familles qui ont ce que passage à vivre.

 

Tout à l'heure, je consacrerai le pain et le vin, ils deviendront Corps et Sang, pour nous redire que cette puissance du ressuscité vient bien de sa mort et de sa résurrection.

 

Dans quelques instants, on va redire notre foi et tout de suite après, il y aura un long temps, (je crois qu’on chantera un petit peu), il y aura un long temps durant lequel nous ne redirons pas le nom des personnes défuntes de l’année, mais nous laisserons les personnes qui, parmi vous, souhaitent se déplacer, parce qu'elles auraient vécu un deuil cette année ...ou pas (ça peut être plus avant).

Elles peuvent se déplacer, prendre une bougie et la déposer, ici, sur l'autel.

C'est une façon de faire mémoire de nos défunts.

Mais ceux et celles qui ne se déplacent pas, ce n'est pas grave, la mémoire est déjà faite, puisque toutes ces bougies sont déjà présentes, comme en offrande devant notre autel.


Dimanche 1° novembre : Toussaint

 

Au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit. Amen.

 

Chers fidèles du Christ, bonjour à tout le monde.

 

Je tiens absolument à remercier votre curé pour son accueil chaleureux, pour sa fraternité sacerdotale et pour m'avoir donné cet honneur d'être parmi vous ce matin.

 

Prêtre depuis 22 ans déjà, et fier d'avoir cette grâce, interdite aux anges de pouvoir célébrer l’eucharistie, je suis libanais, catholique de rite maronite, c'est-à-dire de culture d'origine araméenne comme  le Christ, tout en étant, en même temps arabophone.

En France depuis 1999, c'est la 13e année que je suis au service de l'AED : l'Aide à l'Eglise en Détresse, qui est une œuvre du Vatican, fondée en 1947 pour venir à l’aide aux chrétiens persécutés, dans au moins une centaine de pays dans les quatre coins du monde.

 

« Bienheureux » dit Jésus aujourd'hui dans son Évangile, « bienheureux ceux qui sont persécutés à cause de moi, car leurs noms sont inscrits dans les Cieux ».

 

Je peux vous donner l'exemple du Proche-Orient, qui est terre du Christ et berceau de la chrétienté.

Nous, chrétiens en Orient, nous sommes les premiers chrétiens du monde, nous sommes les vrais peuples d'Orient.

Excepté les deux chrétientés du Liban et de l'Arménie, toutes les autres chrétientés du Maroc jusqu'à l'Inde et la Chine souffrent de discriminations en matière de justice et de droits civiques et souffrent de la privation de la liberté religieuse, c'est-à-dire : on nous interdit de parler du Christ et de son Évangile par des lois qui nous menacent de mort ou de prison ; parfois même, nous sommes privés de la liberté de culte, comme en Arabie Saoudite, où il est interdit à 3 millions de chrétiens qui vivent et travaillent dans ce pays, de pouvoir célébrer une messe sous peine de prison ; ou même de porter une croix ou d'avoir un Évangile.

 J'ai rencontré à Beyrouth, en août dernier, une famille saoudienne : père, mère, 2 filles et un garçon, baptisés il y a cinq ans devant le tombeau du grand saint libanais Saint Charbel.

 Imaginez : pour que cette famille puisse participer à une messe, ils sont obligés presque chaque dimanche de prendre l'avion pour le Liban, l'après-midi ils font la catéchèse, le soir ils retournent chez eux.

 Comme beaucoup d'autres convertis chrétiens en Arabie saoudite, ils vivent cachés, de peur que si l'on découvre qu'ils sont chrétiens, ils peuvent être menacés de prison ou de mort.

 Oui, nous sommes devenus une minorité surtout depuis les 40 dernières années et cela pour deux raisons : à cause de la persécution.

 Dites-moi pourquoi les chrétiens d'Irak qui étaient au nombre de 4 millions en 1980 sont réduits aujourd'hui à, à peine 200 000 ?

  La seconde cause : l'émigration, l'exode… le plus  fort : nous libanais, émigrés dans le monde depuis 150 ans. La diaspora libanaise compte aujourd'hui 20 millions de personnes dont 90 % de chrétiens tandis que le Liban, pays à peine plus grand que votre département compte 4 millions d'habitants donc 50 % de chrétiens.

Chers fidèles du Christ, nous, peuple arabophone, nous sommes actuellement dans une double lutte contre la dictature, contre la théocratie : c'est-à-dire la tyrannie au nom de Dieu.

Cette lutte sanglante, qui n'épargne  aucune communauté religieuse, va encore perdurer au moins 10 ans.

Et la paix ?  Qui peut répondre à mon neveu Alexandre de 15 ans, qui ne cesse de me dire, si, ce sont ses enfants ou ses arrière-petits-enfants qui, un jour, verront la paix au Liban, en Orient ?

Personne ne peut prédire la paix en Orient.

Mais pas de paix sans nous, les chrétiens.

 

Les uniques musulmans en Orient sont les sunnites et les chiites.

En plus existe une quinzaine d'autres communautés religieuses ni chrétiennes ni musulmanes comme les juifs, les druzes, les alaouites, les ismaéliens, les mandéens,… les bahaïs …etc

 

Je vous lance un défi de trouver en Orient, un seul village mixte entre ces différentes communautés religieuses qui puissent cohabiter ensemble sans les chrétiens.

Là où il n'y a presque plus de chrétiens, on construit des murs entre communautés non chrétiennes.

Le cas par exemple de la capitale irakienne où il n'y a presque plus de chrétiens ; désormais, Bagdad est divisée par cinq murs entre chiites et sunnites pour arrêter les massacres entre musulmans.

Comme le dit souvent le gouvernement irakien : « sans le retour des chrétiens à Bagdad, cette capitale arabe serait à tout jamais divisée par des murs ».

 

Imaginez l'Arabie Saoudite : elle a construit un mur de 900 km en plein désert, pour que, eux, les sunnites se protègent des chiites d'Irak.

Combien sont nombreux les murs en Palestine-Israël, entre juifs et musulmans !

 

Il n'y a pas de dialogue islamo-juif sans nous, les chrétiens.

 

Je ne serai pas étonné un jour, si en Syrie, des murs s'élèvent entre alaouites et sunnites.

 

Chers fidèles du Christ, le Liban reste une espérance. Nous, chrétiens libanais, nous sommes les seuls chrétiens complètement libres en Orient.

Le Liban n’a jamais connu un dictateur car le président libanais est le seul président arabe, chrétien et catholique.

Il n'y a pas de Liban sans les chrétiens.  

 

Le saint  pape Jean-Paul II l’a consacré : « le Liban, est plus qu'un pays, c'est un message », message de liberté, de démocratie, de francophonie, de la vie conviviale entre 19 communautés religieuses et du dialogue islamo-chrétien. Toute la guerre du Liban pour dire qu’un pays de liberté sans dictateur, un pays d'entente islamo-chrétienne est impossible.

Le miracle : le Liban existe et existera toujours même si aujourd'hui on n'a jamais été autant menacé depuis notre indépendance.
Mais ouvrez bien les oreilles, si le Liban est possible aujourd'hui, parce que nous chrétiens, nous avons pardonné, en demandant pardon ce fameux dimanche 18 mai 1997.

Le pape Jean-Paul II y célèbra avec nous une messe avec 500 000 participants pour une seule raison: dire au nom de tous les chrétiens que nous pardonnons, on demande pardon.

Grâce au pardon des chrétiens, le pardon des musulmans, des druzes libanais était possible.

Dites-moi quand les juifs et les musulmans vont se pardonner ?

Quand chiites et sunnites vont se réconcilier ?  Cela fait 1400 ans qu'ils sont dans un conflit sanglant.

Comment arrêter la guerre en Syrie, les massacres entre alaouites et sunnites ?

Actuellement à Paris, des nations du monde se sont réunies pour essayer d'arrêter cette guerre.

Ça ne suffit pas ? Quatre ans et demi de guerre, 1 million de victimes, 30 % des enfants de moins de dix ans.

Ça ne suffit pas ? Un pays de 22 millions d'habitants, 15 millions de réfugiés syriens, à l'extérieur de leur pays, 3 millions de réfugiés syriens sunnites au Liban.

Quel avenir pour la Syrie ? Quel pardon entre syriens quand la moitié des chrétiens syriens sont déjà au Liban ?

 

Chers fidèles du Christ, comme le dit le pape François : «  notre mission chrétienne en Orient : déclarer que Dieu n'est pas violent, Dieu est uniquement amour... »

Osez avec nous, chrétiens d'Orient, dire à nos frères musulmans et juifs que le premier commandement de Dieu, la première chariaa de Dieu, la première Torah juive de Dieu : « aime ton prochain, pardonne à ton ennemi ».

Dieu ne veut pas qu'on tue un pécheur.

Notre Dieu a envoyé son Fils unique Jésus-Christ, pour devenir cet Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde entier.  

Pour cela Jésus a le titre de Sauveur de toute l'humanité, c'est grâce à son sang sur la croix que nous, nous sommes pardonnés.

Dieu nous pardonne grâce à Jésus et non pas grâce à nos mérites, notre sainteté ou notre jeûne.

 

Devenons le peuple de la convivialité, le peuple du pardon, le peuple de l'amour, la lumière du Christ, le sel de la terre pour les juifs d'Israël comme pour l'immense monde musulman qui nous entoure par des centaines de millions.

 

Il me faut conclure.

Je viens vous demander deux choses : d'abord votre générosité. A la fin de la messe, une quête est proposée pour nos frères persécutés en Orient, en Afrique comme en Asie. Vous êtes libres de ne pas nous aider, mais si vous voulez faire une offrande de 5, 10,100 ou 200 €, ne pensez pas que votre mission est accomplie : j'appelle votre amour pour l'Eglise :

 

Aidez-nous à soutenir au nom du pape, 1 million 1/2 de réfugiés chrétiens d’Irak et de Syrie, car il ne faut pas vider l’Orient de ses chrétiens.

Aidez- nous, pour qu'un jour on puisse reconstruire les 6000 lieus chrétiens détruits, en quatre ans de guerre, en Irak et en Syrie dont des églises du troisième siècle, des monastères du quatrième siècle.

Nous avons encore en Syrie deux évêques, quatre prêtres 300 chrétiens kidnappés dont des enfants, des femmes et des vieillards. Il nous faut des millions demandés par les ravisseurs pour libérer ces chrétiens.

 

Que dire des martyrs chrétiens en Orient aujourd'hui ?

Nous célébrons la fête de tous les saints, en particulier la fête des martyrs.

Vous savez que l'Eglise depuis son origine est fondée sur le sang des martyrs : Saint-Pierre, Saint-Paul, Saint-Barthélemy, Saint-Jacques, Saint-Thomas, Saint Jude, Saint-Georges, Saint Sébastien, Saint-Étienne, Saint-Denis, Saint-Irénée, Sainte Blandine, Sainte-Barbe etc. tous ont été des martyrs.

Si on est fier de nos martyrs d'autrefois que l'on met dans nos églises, il faut aussi être conscient qu'aujourd'hui encore, l'histoire se répète : nous avons beaucoup de martyrs.

Ils ne sont pas encore béatifiés, ils le seront un jour. Surtout les prêtres.

 

Quelques exemples : Monseigneur Marco, le père R.., le père F…., et de diacres kidnappés, tués, yeux arrachés, membres découpés, crâne scalpé.  

On commémore aujourd'hui  le massacre de 250 chrétiens, il y a 5 ans, pendant qu'ils célébraient la messe à Bagdad dans l'église de Notre-Dame de la délivrance. Il y a eu 60 blessés, 40 martyrs. Le pape, l'année prochaine, va les béatifier.

Que dire du père François,  les 21 coptes tués en Égypte, une dizaine d'enfants de moins de 14 ans tués par égorgement. Ils refusent de nier leur foi. Ils ont été blessés, ils ont été laissés ensanglantés pendant des heures avant d'avoir la tête coupée.

 

J'ai vu Saint-Denis dans cette église : il porte entre ses mains sa tête coupée.

 

La beauté du témoignage chrétien, il y a beaucoup de martyrs non chrétiens comme on le remarque dans les vidéos. Au moment de leur martyr ils n'ont plus peur, comme s'ils ont reçu une force de Dieu et avant de mourir tous on dit : « Seigneur, pardonne-leur leurs péchés ».

Ils ont prié pour leurs persécuteurs.

 

En revanche le plus important pour moi : je viens vous demander votre prière. « France protectrice des chrétiens d'Orient, qui ont été donnés à votre nation par les musulmans depuis cinq siècles dans une lettre du calife ottoman au roi François Ier.

Pour cette raison, on aime la France.

Mes grands-parents m'ont appris : « si la France n'est pas sauvée, l’Orient ne trouvera jamais le salut ».

Comme eux, au quotidien : un chapelet pour la France.

Mes 8 neveux et nièces avant de dormir chaque soir, prient pour le salut de la « fille aînée de l'Eglise ».

Comme on prie pour vous, j'espère compter sur vos prières pour nous, chrétiens persécutés à cause du Christ.

 

Nous n'avons pas peur, le Christ est avec nous jusqu'à la fin des temps.

Nous faisons confiance à Celui qui a détruit la mort, qui a vaincu le monde.

 

Et que ce Christ vous bénisse par ses anges.

Au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit. Amen. 


Vendredi 29 octobre : Lc 14, 1-6 : guérison un jour de sabbat

 

Pour nous chrétiens, il faut entendre « sabbat »  comme ce jour de réconciliation et ce jour de repos, la finale, le terme de la semaine créatrice de Dieu des origines.
Et ce terme est pour nous chrétiens, le début,  le commencement de ce que Dieu  installe et crée dans nos cœurs et autour de nous, une création réconciliée, libérée.

 

C'est la raison pour laquelle le débat entre les docteurs de la loi, les pharisiens et Jésus, nous  permet de prendre conscience de la façon dont nous nous laissons véritablement libérer et réconcilier par le Christ à travers toutes nos pratiques de chrétiens.

 

Nous savons que Jésus donne sa vie. Il donne sa vie par amour, et pour que nous soyons déchargés de nos chaînes.

Mais est-ce que nous sommes véritablement déchargés de nos chaînes quand nous communions ou est-ce que nous sommes véritablement déchargés de nos chaînesquand nous travaillons au nom de la communauté ou de notre foi?

Et nous-mêmes, est-ce que nous ôtons les chaînes d'autres personnes, alors que nous nous réclamons de notre foi chrétienne ?

 

C'est le sens de la polémique suscitée à l'intérieur du temple, ce jour du sabbat.

 

La deuxième chose : il est toujours bon de voir en Jésus, celui qui nous fait passer progressivement dans le temps de l'Esprit ; celui qui fait de nous des pèlerins, celui qui fait de nous des hommes et des femmes qui traversent et qui passent d'une rive à l'autre, un certain nombre d'obstacles dans nos vies.

Si vraiment nous nous laissons guider par Jésus, ce Christ passeur des pèlerins, alors nous entrons toujours plus dans le temps de l'Esprit Saint.

Et quand nous entrons dans le temps de l'Esprit Saint, nous ne pouvons pas être des hommes et des femmes de la loi, au sens réducteur et aliénant du terme.

Mais nous sommes des hommes et des femmes qui contribuons à ce que d'autres, leurs chaînes étant  ôtées, entrent à leur tour dans le temps de l'Esprit Saint.

 

Demandons à ce même Esprit de venir faire en nous l'œuvre de Dieu. Amen.


Mercredi 28 octobre : Lc 6, 12-19 : le choix des Douze

 

« Jésus s'en alla dans la montagne pour prier, et il passa la nuit à prier Dieu ».

 

Notre respiration primitive, naturelle, native même, c'est une respiration qui part du Père et qui retourne au Père.

Et Jésus tout entier est cette respiration-là, que l'on peut aussi appeler sa prière, sa prière de Fils.

Et avant d'appeler ses disciples, il prie ; il passe la nuit à prier son Père. Et c'est dans cette prière  qu'il appelle ses disciples.

Ce n'est pas simplement un  temps de réflexion qui consiste à attendre quelques lumières sur des choix à faire, mais c'est pour configurer son Eglise naissante à cette prière, à ce souffle réconcilié avec Celui qui en est l'origine.

 

Les apôtres sont comme tous ces gens qui sont venus l'entendre et qui souffrent de leurs maladies ou qui sont tourmentés d’esprits mauvais.

Ses apôtres ne sont pas forcément meilleurs, et pour bien enfoncer le clou, on apprend qu'il y a un zélote dans le lot, c'est-à-dire quelqu'un qui a des positions politiques radicalement contraires à ce que Jésus va dire et enseigner.

Sans compter celui qui va être le traître, c'est clairement signalé.

Et nous connaissons bien Pierre, qui lui-même, par trois fois, va renier le maître.

Ce ne sont pas des hommes extraordinaires.

Ce qui est précieux, c'est qu'ils sont configurés à la prière de Jésus.

Ça veut dire que pour nous, dans l'Eglise, nous apprenons, nous pénétrons petit à petit la prière du Fils pour qu'elle devienne nôtre ; cette respiration qui est une réconciliation de tout notre être avec Celui qui est à notre origine et vers Celui vers qui nous allons.

Et ça n'est pas possible sans Jésus.

Notre prière c'est celle de Jésus.

Jésus prie par nous, pas simplement par notre verbiage ou par notre multiplication de demande tous azimuts, mais le Christ prie par nous, parfois par notre silence ou notre simple présence.

Demandons à l'Esprit Saint de nous faire rentrer dans la prière de Jésus.


Dimanche 25 octobre :  Mc 10, 46b-52 : Bartimée

 

Voici un texte de l'Évangile fort célèbre qui nous invite à nous réenraciner dans la prière. La prière, comme ce qui nous accompagne tout au long de notre existence de baptisé, comme pour demeurer fidèle à celui qui nous a fait naître, le Christ, malgré le temps qui passe, le long temps qui passe, sur une longue existence, afin peu à peu de passer de l'aveuglement à la vue.

Une expérience extraordinaire qui n'est pas réservée à quelques mystiques, qui souvent survient à la fin d'une vie, mais qui peut, par flashes ou dons de l'Esprit Saint, être offert à tous, à chaque instant.

 

Pour ceci, dans cet Évangile on peut distinguer trois pas ; trois pas à faire personnellement et en communauté.

 

Le premier pas, en regardant Bartimée qui est sur le bord du chemin.

 

Quand un petit enfant vient au monde, on dit : « le voici venir au monde», comme si il était dans le monde.

Mais en vérité (et surtout, plus on grandit) nous sommes dans notre monde et pas forcément le monde de tous. On est dans le monde à soi, dans son monde.

Ça peut faire beaucoup de mondes sur terre, s’il y en a autant que d'êtres humains.

Il y a beaucoup d'hommes et de femmes au bord du chemin, et pas simplement ceux qui n'ont pas d'argent, ceux qui n'ont pas réussi ou ceux qui ont peur ; il peut y avoir autant de bords de chemin qu’i y a d’hommes et de femmes dans le monde.

Nous avons une fâcheuse tendance à tirer la couverture du monde à soi.

Le monde est tel que je le vois. C'est mon monde.

 

Les disciples du Christ ont l'intime conviction, sans toujours le voir, ou le sentir, qu'il leur faut toujours sortir de ce monde, de leur propre monde, pour s'ouvrir au grand large.  

C'est ce que dans l'Évangile, Jésus appelle : la Galilée.

Après sa résurrection, il envoie ses disciples en Galilée, les invitant à sortir d'eux-mêmes, et à aller à la rencontre de tout homme et de toute femme qui ne sont pas de leur propre monde.

Et Jésus n'a pas attendu sa résurrection, il a permis à beaucoup d'hommes et de femmes qui étaient sur le bord de la route et  enfermés dans leur monde, à rentrer sur la route, à prendre le chemin, à sortir de leur bulle, à s'ouvrir. 


Le premier pas pour progresser dans la prière, c'est l'intime conviction que j'ai, à quitter mon monde et rentrer dans le temps de l'Esprit Saint, comme Bartimée va quitter le bord de la route pour aller sur le chemin, bondissant, allant à la rencontre du Christ.

 

Le deuxième pas à faire, c'est reconnaître qu'il y a de la cécité en nous.

 

Nous pensons évidement que l'aveugle ne souffre pas uniquement de ne pas voir clair, et d'être obligé d'être guidé par d'autres. Il a aussi effectivement, sans doute, un cœur bien lourd.

Nous aussi, appuyons-nous très fort sur la Parole de Dieu, appuyons-nous très fort sur l'accompagnement de quelques frères pour reconnaître d'une part que nous sommes des aveugles et que nous avons besoin de guider notre cécité.

 

C'est exactement ce qui se passe lorsque l'on rencontre le prêtre dans le sacrement de la réconciliation. Ça n'est pas simplement pour s'écraser sous le fardeau de nos fautes, mais c'est tout simplement, pour reprendre les mots de Bartimée : « prends pitié de moi, aie pitié de moi, je suis aveugle, j'ai besoin de voir clair".

Ce geste humble, est une sorte d'aveu certes, mais d'un appel tout-puissant adressé à celui-là seul qui peut faire quelque chose dans notre vie et qui peut faire cette chose-là précisément et rien d'autre : celle de nous permettre de retrouver la vue, celle que nous quêtons depuis toujours.

Cette vue que nous attendons depuis notre naissance et qui, en fait, prend du temps pour s'installer dans notre vie.

"Il faut du temps pour faire un homme" dit la chanson, il faut du temps pour faire un baptisé, disciple et apôtre.

 

Reconnaissons donc humblement que nous sommes aveugles : le deuxième pas à faire, comme le fait Bartimée.

 

Le troisième pas : donnons sa place à la communauté.

 

Non pas simplement comme une réalité cocoonante et réconfortante ou bien tout l'inverse, comme une réalité pesante et difficile, mais la communauté comme dans l'Eglise où ce que Christ est. et ce qu'il nous donne : son corps.

Pour pouvoir parvenir jusqu'à lui, nous ne pouvons pas le faire tout seul.

 

Dans le texte de l'Évangile, cet homme pour rencontrer Jésus a besoin d'autres qui l'accompagnent vers lui, car comme il ne voit pas clair, il ne peut pas aller jusqu'à Jésus, tout seul.

Nous avons besoin de l'Eglise.

Mais l'Eglise dans sa réalité la plus spirituelle, belle, ce cœur qui bat de Dieu, rempli de l'Esprit Saint qui nous tourne vers le Père.

Notre participation aux sacrements, à nos assemblées, mais aussi notre prière intime en communion avec toute l'Eglise et tous les saints du ciel et de la terre ( nous nous en rappellerons dimanche prochain pour le temps de la Toussaint),  eh bien cette communion sincère avec l'Eglise telle qu'elle est, avec ses imperfections, ce que nous ne comprenons pas ; cette communion-là nous permet très assurément, non seulement de rencontrer le Christ et par lui ce que nous attendons depuis notre naissance : voir clair.

 

Trois pas à faire : pouvoir quitter le bord de la route, sortir de son monde, reconnaître humblement notre cécité et dépendre tout entier de notre communauté, de l'Eglise, comme celle qui nous donne cette confiance pour arriver à Christ.

 

Ces trois pas assurément, nous permettront de vivre et de goûter la lumière.

 

Alors, demandons à l'Esprit Saint de nous faire vivre ce petit pèlerinage conjointement avec la lecture assidue de la Parole de Dieu et nous aurons alors la même confiance et la même joie que cet aveugle, qui enfin, a retrouvé la vue.


Bénédiction d’une fresque – Fravaux 24 octobre 2015 :  Mc 10, 46b-52

 

Ce texte riche et d’une belle densité est un remarquable éclairage pour notre vie de croyant. Quelle triste vie que celle de Bartimée. Mendiant, il est entièrement exclu de la vie sociale. Il n’existe pas. Quand il veut se manifester au passage de Jésus, on lui demande de se taire. Sa vie n’a aucun sens. Il est malheureux, car il en espérait autre chose. Aussi, quand il apprend le passage de Jésus, il veut se manifester. Il sait sans doute que pour Jésus chaque être représente quelque chose. S’il est habité par le mal de vivre, il a confiance en Jésus, comme beaucoup de pauvres qui n’ont plus de recours dans leur monde.

Jésus est touché de cette confiance. Il ne veut donc pas simplement lui rendre ses yeux. Il veut qu’il puisse sortir de sa tristesse et de la nuit de sa vie.

Parmi nous, Bartimée a beaucoup de frères et sœurs, des hommes et des femmes qui ne voient plus la lumière et ce qui arrive à Bartimée nous aide à mieux comprendre ce que Jésus vient nous apporter.

Ce qu’il vient nous apporter, c’est la lumière du matin de Pâques, une nouvelle espérance au milieu de toutes les raisons d’être désespérés, un nouveau regard sur l’homme et le monde qui nous entoure, un regard positif, un regard capable de saisir les possibles. C’est dans cette lumière que renait Bartimée. Jésus ne se contente pas de lui redonner la vue et de le renvoyer chez lui. Il l’appelle à marcher à sa suite. Pour lui c’est en Jésus qu’il trouve le nouveau sens de sa vie.

Pour nous aussi, il veut être le nouveau possible, celui qui apporte à notre vie et à la vie du monde une nouvelle orientation. Aujourd’hui, c’est d’autant plus crucial qu’à cause de l’aveuglement et de l’égoïsme des hommes, notre monde est à la recherche de nouvelles perspectives. Nous sommes à la veille d’une grande conférence internationale qui doit décider d’un certain nombre de choix à faire pour empêcher que la terre et les habitants qui y vivent ne soient pas détruits. Les enjeux ne sont pas seulement techniques. Il y a va de la responsabilité de l’homme, de la manière dont il se regarde lui-même, dont il évalue ses désirs, ses besoins et ce qui fait sens pour nous.

Le Jésus de Pâques qui redonne vie et valeur à l’homme, en particulier au plus déconsidéré, nous apporte ce nouveau regard à jeter sur l’homme et nous ouvre ainsi des chemins d’espérance. Pour qu’il en soit ainsi, il faut que nous nous laissions remplir par lui et que nous soyons ses témoins. Cela ne veut pas dire qu’il y a aujourd’hui une réponse écologique chrétienne, pour en rester dans le domaine de notre monde à guérir de ses excès de production et de consommation. Non, il y a une manière de considérer notre mission sur terre dans le sens indiqué par le Christ de déploiement de l’amour et de la justice.

Ce qui a permis que la vie de Bartimée bascule, c’est sa rencontre avec le Christ, celui qui change la vie des hommes. Quand il y a cette rencontre en profondeur, ce qui se passe ce n’est pas un simple aménagement, une simple amélioration de l’existence, c’est un bouleversement total, l’entrée dans une nouvelle lumière, un nouveau sens, une nouvelle espérance. Nous aussi nous avons vocation à vivre cela. Et ne croyons surtout pas que cette rencontre n’est pas possible. Demain je vais confirmer des jeunes. Pour eux le sacrement de la confirmation représente une telle rencontre. Il y a dans leur vie quelque chose qui bouge, qui bascule, ils en ont conscience. Vous avez ici un diacre, quelqu’un d’entre vous. A l’occasion de son ordination, sa vie aussi a été emportée dans un nouvel élan. Demandez-lui, il vous le dira.

Mais cette rencontre du Christ n’est pas limitée à des circonstances privilégiées, comme celle que je viens d’évoquer. Pour chacun d’entre nous, elle peut se produire à l’occasion de toutes sortes de rencontres. Je vais vous faire une confidence. Comme évêque je reçois beaucoup de demandes de rendez-vous. J’essaie de les honorer dans la mesure du possible. Parfois c’est pour des questions très pratiques. Mais souvent, à l’occasion d’une rencontre, les personnes me disent des choses qui me bouleversent profondément, qui changent quelque chose dans ma vie. Et là, chers amis, je considère que j’ai rencontré le Christ.

Chacun d’entre nous peut le rencontrer, à condition que l’autre ne soit pas transparent, comme Bartimée l’était pour la bonne société de son temps. Actuellement des pauvres, des réfugiés frappent à notre porte. Il est facile de les considérer comme des gêneurs. Il y a même de quoi ! Pouvons-nous nous dire que c’est le Christ qui passe sur notre route ? Si oui, quelque chose va bouger dans notre vie. Mais vous comprenez bien que cela dépend de la réponse de chacun.

Tout à l’heure, nous allons bénir une fresque qui représente le Christ venu en notre monde. Ceux qui à l’origine voulaient le représenter, disaient toute leur foi en ce Dieu présent au cœur de leur vie. Cette fresque vient d’être recréée. Il ne faut pas que ce soit seulement pour la galerie (de peinture, c’est le cas de le dire). Il faut que cette démarche, dont je remercie la commune de Fravaux, soit pour nous une manière de nous redire que nous voulons remettre le Christ au cœur de notre vie personnelle, familiale et sociale, et accepter ce que cela veut dire comme transformation, comme nouvel engagement et nouvelle espérance. Si je dis les choses ainsi, Monsieur le Maire, c’est pour qu’il soit bien clair que ce n’est pas vous qui avez la charge de prêcher aux chrétiens, ce qu’ils ont à faire comme chrétiens, mais votre initiative peut permettre aux chrétiens de retrouver leur chemin d’une vie de foi mieux enracinée, en total respect de la laïcité.

 Marc STENGER - Evêque de Troyes


Vendredi 23 octobre :  "Mets tout en œuvre pour t'arranger avec lui".

 

L'œuvre de Dieu, l’Opus Dei, l'œuvre de Dieu fait que l'homme met tout en œuvre pour pouvoir s'accorder avec ses adversaires : c'est l'œuvre de Dieu.

 

Pendant très longtemps nous avons imaginé et beaucoup ont écrit, que le sommet de la vie divine c'était de savoir interpréter beaucoup de signes et plus uniquement  se réjouir sur la beauté seule des astres, de la création, de tous les signes qui apparaissent sur notre route.

 

Il est vrai, c’est pour une part ; mais ce vers quoi nous cheminons les uns les autres grâce aux dons que Dieu fait à chacun d'entre nous, c'est de pouvoir mettre tout en œuvre pour nous arranger avec d'autres.

Non pas avec les minéraux, non pas avec les végétaux, mais avec d’autres.

 

Nous sommes faits pour mettre tout en œuvre dans nos relations les uns avec les autres, pour que ces relations soient possibles. Le chemin vers le Père passe par ces relations et ne passe pas par une pure relation personnelle avec la divinité mais à travers nos relations humaines dans toute leur épaisseur et leur complexité.

 

Nous ne sommes pas en dehors du temps.

Le temps c'est de mettre tout en œuvre pour pouvoir nous accorder les uns avec les autres. Et il faut toujours toute une vie.

Il est impossible que quelqu'un dise à la moitié de sa vie : « ça y est je suis complètement d'accord avec tous. » Ça n'existe pas.

 

C'est l'œuvre de Dieu que nous mettions tout en œuvre.

 

Le Fils a quitté son rang divin pour pouvoir prendre chair, mourir, descendre dans nos enfers, ressusciter, être le premier-né d'entre les morts, précisément pour que nous puissions à notre tour à cette suite et avec lui, mettre tout en œuvre. Amen.


Homélie du mardi 20 octobre : Lc 12, 35-38 : se tenir prêt pour le retour du Maître

 

Voilà cette parole : «voici,  Seigneur je viens faire ta volonté ».

Cette parole équivaut à ce disciple qui reste en tenue de service et qui a toujours autour de ses reins la ceinture, lampe allumée à la main.

 « Seigneur je viens faire ta volonté » comme nous le demandons comme une grâce dans chaque prière du Notre-Père que nous disons personnellement ou en communauté.

Et cette grâce qui surabonde, là où prolifère le péché, c'est celle de Jésus qui nous permet de nous conformer peu un peu à la volonté du Père.

Souvenez-vous de ce disciple qui voulait suivre Jésus partout, mais qui le renia, finalement. Eh bien ce disciple équivaut à celui qui ne veille pas très tardivement malgré sa bonne volonté, et qui finit par s'endormir.

Peut-être peut-il équivaloir à ces vierges folles qui attendent le maître et qui n'ont pas d'huile pour mettre dans leur lampe.


Nous sommes petit à petit au terme de l'année liturgique et nous sommes invités à durer, ou du moins à prendre conscience que pour durer il nous faut être éveillés.

La communauté aide, la miséricorde aide, le renouvellement de notre foi par l'Ecriture aide, les sacrements aident.

Nous ne pouvons pas trouver en nous-mêmes cette ressource pour durer dans la fidélité.

« Seigneur, je viens faire ta volonté » même dans les tempêtes, même dans

Tu es là.

Heureuse la parole qui me redira que tu ne m'abandonnes pas . Amen. 


Homélie du dimanche 18 octobre : Mc 10, 35-45 : La demande des fils de Zébédée

Alors que Jésus sort de Jéricho, le texte de l'Évangile dit : « Jésus durcit sa face. »

 

Il a annoncé par trois fois à ses disciples qu'il allait souffrir la passion, qu'il allait mourir et ressusciter le troisième jour, et sachant que sa destination était Jérusalem, que ça allait être également le lieu du don de sa vie, le texte prend soin de nous dire: « Il durcit sa face » comme pour affronter ce qui semble inéluctable et sans doute assez difficile pour lui.

Ça c'est pour Jésus.

 

Nous, toutes proportions gardées, lorsque nous pénétrons dans ce temple particulier, l'hiver, je ne crois pas que nous soyons appelés à donner notre vie plus qu'à un autre moment de l'année ; mais l'organisation de nos communautés, de nos sociétés, de nos vies personnelles change car nous allons traverser une période difficile, qui est souvent  synonyme d'une humeur plus difficile, qui est souvent synonyme de nuits plus longues, qui est souvent synonyme parfois de maladies et quelque part un fantasme de la mort. Traverser l'hiver rencontré, c'est traverser comme une mort.

 

Et la liturgie le sait très bien.

C'est la raison pour laquelle le calendrier liturgique se termine au seuil de l'hiver, au seuil de l'automne et du début de l'hiver ; et c'est la raison pour laquelle nous allons assister peu à peu dans les textes du dimanche à une réaffirmation de la centralité de Jésus.

 

Si nous avons l'ambition de traverser nos morts ou nos peurs ou nos hivers,  il faut nous arrimer à celui-là seul qui peut nous permettre de traverser.

Il nous faut durer.

 

Les disciples Jacques et Jean, eux, veulent durer.

Dans leurs mots, même si le langage employé peut nous paraître un peu étranger, peu familier, ils disent à Jésus : "nous voulons siéger à ta droite et à ta gauche dans ta gloire…nous voulons durer. Et nous voulons, au fond,  que le temps s'arrête pour que tous les acquis que nous avons eus, que pour le meilleur que nous avons reçu de toi, nous ne le perdions jamais et qu’au fond, rien ne nous soit triste.»

Et Jésus ne peut pas le promettre.

Et il n’a jamais promis à aucun baptisé que ne ça ne serait pas difficile.

Il n'a jamais promis que le temps s'arrêterait et que nous n'aurons rien à éviter.

 

C'est comme un avion qui fait un long trajet et qui doit atteindre son altitude de croisière : 10 000 pieds et sa vitesse ; nous voudrions que dans la vie spirituelle il en soit ainsi : nous arrivons à un sommet, nous voudrions y rester.

C'est le sens de la demande de Jacques et Jean, à laquelle Jésus dirait non.

 

Mais il leur dit qu’effectivement qu'ils traverseront des épreuves et s’ils s'identifient avec Jésus, avec lui, ils connaîtront des renoncements et des difficultés.

 

Mais Jésus n'est quand même pas trop dur avec eux, il leur donne une clef, un remède.

Il leur donne la figure du serviteur.

Et cette figure du serviteur, elle est précieuse pour nous pour pouvoir durer dans nos hivers, pour pouvoir être solide dans ces traversées compliquées de nos vies, sans durcir nos cœurs ; car Jésus, lui, quand il va affronter sa passion, il durcit sa face, mais pas son cœur.      

Quand il nous faut traverser une bourrasque ou un air trop froid, il faut endurcir notre face, mais il ne faut pas durcir nos cœurs.

Alors, le visage du serviteur, c'est tout simplement, qu’en permanence, nous puissions détecter et nous méfier de tout ce qui nous tient tête dans nos vies et tout ce qui aurait tendance à nous mettre devant la scène, à vouloir profiter de nous-mêmes au détriment des autres, à vouloir refuser tout ce qui se présente à nous, sous prétexte que cela nous nuit, à ne pas voir que l'Esprit Saint vient à travers des figures inattendues et il nous faut pour cela ne pas avoir un cœur trop dur, sans quoi nous loupons de merveilleuses rencontres.

 

La figure du serviteur c'est effectivement Jésus, le premier.

Et c'est aussi une figure importante de l'ancien testament, l’agneau de Dieu, le serviteur souffrant mené à l'abattoir comme un agneau docile : seul Jésus est le serviteur par excellence.  

 

Mais si nous acceptons sa profonde miséricorde, si nous acceptons de regarder ce qui nous tient tête dans nos vies ; parce que Jésus nous pardonne, alors nous pourrons laisser nos cœurs être attendris pour pouvoir  traverser nos hivers sans devenir trop durs nous-mêmes, et nous pourrons résister et profiter de la gloire qu'il promet.

Nous pourrons demeurer stables dans une vraie paix et dans un vrai rayonnement et nous retrouver au printemps, au lendemain de la tempête et de l’hiver nous retrouver vrais pour ressusciter avec lui.

 

Demandons au Seigneur, à l'entrée de cet automne et hiver et à l'entrée tous les hivers de nos vies, demandons au Seigneur que nous soyons par l'Esprit Saint, des serviteurs.

Que nous soyons dociles à ce qui vient de l'extérieur de nous, que nous n'ayons pas peur d'accueillir ce qui est différent et que nous sachions renoncer à ce qui nous tient tête dans nos coeurs. Amen.


Rappel du 26ème dimanche temps ordinaire - Envoi Guillaume Langlois , Homélie Mgr Marc Stenger (Bar-sur-Aube le 27 septembre 2015)

  

Introduction

Pour cette aventure de la foi qui commence et dont vous allez tous être les acteurs, je voulais vous apporter ma solidarité, ma communion, mon soutien, mais aussi ma reconnaissance. Les conditions de la vie ecclésiale changent, mais la vie ecclésiale ne changera pas, si vous la portez ensemble, comme vous êtes décidés à le faire ; Il y a sur ce territoire beaucoup de richesses pour cela. Je vous invite donc à entrer dans la confiance.

Concrètement certaines personnes vont être appelées à de nouvelles missions. Mais c’est vous tous qui êtes ce matin appelés et envoyés. Demandons au Seigneur qu’il exorcise vos peurs et vous donne son Esprit. Reconnaissons que nous sommes pécheurs.

 

Homélie  :  Mc  9, 38-43. 45. 47-48

L’Esprit de Dieu repose-t-il en chaque membre de la communauté ou seulement sur quelques-uns qui en sont les chefs ? Telle est la question que soulèvent les deux lectures, celle du livre des Nombres et celle de l’Evangile selon St Marc.

Je pourrais vous dire que la réponse vous est donnée par l’éditorial de votre curé. Je cite : « Car s’il n’y a qu’un prêtre, il n’y a pas moins d’Esprit et l’Evangile continue à brûler le cœur des baptisés qui l’entendent ». Mais peut-être la réponse est-elle déjà dans la Parole de Dieu que nous avons accueillie ce dimanche et nous nous tournons à présent vers elle.

A la lecture nous nous rendons compte qu’il y a une autre question sous-jacente à celle que nous venons de poser, à savoir : est-il possible de ne pas être un membre bien connu et fidèle du groupe des pratiquants et cependant agir chrétiennement, autrement dit avoir aussi l’Esprit Saint à l’œuvre chez celui-là. Ces questions qui sont posées encore aujourd’hui. Aussi bien la 1ère lecture, celle du Livre des Nombres et l’Evangile soulèvent ces questions.

Josué d’abord ne supporte pas que deux membres du groupe des 70 anciens se mettent à prophétiser, hors de tout lien avec la communauté. Quant à Jean dans l’Evangile, il n’est pas en reste. Il est confronté à quelqu’un qui agit au nom du Christ de manière isolée, alors que les disciples que Jésus a envoyés sont en train de libérer les personnes de leurs esclavages intérieurs, de les arracher à leurs esprits mauvais.

C’est là que Jésus intervient. Il ne se fâche pas. Pour Jésus être chef ne veut pas dire être chef sur les autres, mais être chef pour les autres. C’est toute la différence entre l’autorité et le pouvoir. Jésus rappelle aux disciples que lorsqu’ils chassent les esprits mauvais, c’est d’abord Dieu qui agit à travers eux. Même s’ils en ont reçu le pouvoir de Jésus lui-même, tout ce qu’ils font au nom de Jésus les dépasse infiniment. Dieu agit dans une totale liberté, il n’est prisonnier d’aucune structure, il n’est qu’Amour, il est tout Amour. L’Esprit de Dieu souffle donc où il veut, et comme il veut. Nous ne pouvons enfermer Dieu dans nos catégories, nos limites humaines, nos frontières rassurantes. Aucune créature ne peut revendiquer le monopole de ce qui est Bien, puisque c’est Dieu lui-même qui est la source de tout ce qui est Bon, beau et vrai. C’est cela qui doit déterminer le jugement par rapport à ceux qui prétendent agir au nom du Christ.

C’est bien cela que vous êtes en train de vivre dans le Barsuraubois. Vous le rappeliez au début de l’Eucharistie dans votre mot d’accueil. Vous n’avez plus qu’un seul curé, mais vos deux frères diacres, vos trois équipes pastorales paroissiales, vos relais village, vos deux animateurs laïcs en pastorale, ainsi que les nombreuses équipes qui servent la mission sur le terrain assurent une vitalité qui demeure intacte. L’Esprit Saint se répartit, se partage sur beaucoup de têtes et met en mouvement beaucoup d’hommes et de femmes. Peu importe les raisons de la situation qui est la vôtre aujourd’hui. Ce qui importe, c’est cette grande réalité spirituelle et ecclésiale : l’Esprit Saint souffle abondamment sur et dans le Barsuraubois. Il suscite de nombreux chrétiens conscients et engagés qui participent à la mission, non pas seulement ceux et celles qui sont dans les structures, mais aussi tous ceux qui, là où ils sont, touchés par l’Esprit, témoignent activement de l’amour de Dieu.

Mais Jésus veut aller plus loin avec ses disciples. Il ne se contente pas de rappeler que Dieu est immensément libre. A la différence des hommes qui ignorent la Bonne Nouvelle, les disciples, eux, ont eu la grâce de rencontrer le Christ, d’être illuminés par Celui qui est la lumière du monde. L’enjeu c’est qu’ils doivent témoigner en actes de cette lumière qui désormais les habite. Jésus nous montre à tous que notre appartenance au Christ nous engage. Si nous nous laissons engager, il n’y a aucun risque que ce territoire du Barsuraubois ne soit nourri ou ne devienne infécond. Mais il faut nous rappeler aussi qu’on ne peut pas servir deux maîtres à la fois. Jésus nous l’explique en prenant l’image de nos membres. Bien-sûr notre corps possède deux yeux, deux mains, deux pieds. Mais si j’ai un œil qui regarde à droite, pendant que l’autre part à gauche, je ne vois plus rien. Si ma main s’ouvre pour donner, pendant que l’autre se referme pour s’approprier, jalouser, frapper, quelle valeur ont mes gestes ? Si pour me tenir debout dans la vie, je garde un pied de chaque côté du fleuve qui séparer le bien du mal, je ne peux plus avancer.

Autrement dit, si je ne choisis pas clairement mon camp, si je me laisse ballotter par les opinions contradictoires du moment, la tentation, la pression des médias, je ne suis plus un être libre. Je suis même en danger de mort spirituelle, parce que je suis comme incapable d’aimer, de me donner durablement. Quand Jésus nous dit de couper la mauvaise main ou le mauvais pied qui nous entraîne au péché, il nous pousse à faire un choix de vie radical. Il ne nous demande pas d’être immédiatement des chrétiens parfaits, il nous dit bien qu’on peut accéder au ciel même si on est berger, éclopé ou manchot. Mais il nous demande de le choisir lui comme seule et unique source de vie, d’amour et de vérité. Ce choix de vie c’est nous seuls qui pouvons le faire ; Mais en le faisant nous savons que le meilleur nous advient, qu’il nous adviendra dans la vie de nos communautés, de cette communauté de communautés.

Nous ne devons pas être comme Josué et Jean qui veulent en quelque sorte garde l’exclusivité de Dieu. Sa Parole fait écho dans chaque vie, produit des fruits dans chaque vie et c’est de tous ces fruits que sont appelés à vivre ce que vous appelez les « foyers de vie chrétienne » qu’il faudra savoir repérer pour les mettre en communion. C’est de tous ces fruits que sont appelés à vivre chacune des 44 communes qui constituent votre grande communauté. Il faut donc retrousser les manches pour mettre en pratique ce que nous proclamons. Je sais que vous y êtes prêts. Puissiez-vous tous vous sentir appelés à porter la Parole de Dieu par vos vies, par vos actions et à l’occasion par votre témoignage. Pas de coups d’éclat, ou du moins pas trop, mais l’humble témoignage d’une vie personnelle et communautaire la plus droite et la plus claire possible.

 

+Marc STENGER - Evêque de Troyes


Homélie du mardi 13 octobre : Lc 11, 37-41 : Déjeuner chez un pharisien     

 

Dans cette lettre que Paul adresse aux Romains, il y a toute une explication de l'impasse vers laquelle nous conduit l'idolâtrie. Il va décrire patiemment (il va y revenir souvent d’ailleurs, dans sa lettre aux romains) la façon dont un cœur livré à ses propres convoitises, court à sa perte.

 

Et puis nous avons, dans cet Évangile, à l'occasion d'un repas chez un pharisien, une petite controverse sur la loi mosaïque de la purification des coupes et  des plats.

L'occasion pour Jésus de rappeler que ce qui va compter c’est aussi le cœur ou l'intérieur de l'homme.

Jésus est le maître du cœur.

Nous approchons progressivement de la fin de l'année liturgique et nous savons aussi que nous allons faire un pas du côté de l’Avent.

L'hiver approchant, c'est pour nous le moment favorable pour revenir à ce cœur et comprendre, la manière dont Dieu vient la féconder, à la fois par son pardon et par son Esprit : «  Celui qui a fait l'extérieur n'a-t-il pas fait aussi l'intérieur ? »

 

Dans cette eucharistie ce matin exposons et déposons notre cœur tel qu'il est, au Seigneur, afin que de nouveau il retrouve la voix de son créateur et ne s'enferme pas sur lui-même. Amen


Homélie du dimanche 11 octobre : Mc 10, 17-30 : Le jeune homme riche

 

Chers amis, on peut se poser la question de la raison de la tristesse de cet homme.

 

Nous sommes souvent contaminés par des années ou des siècles de commentaires de la Parole de Dieu qui sont imprimés dans nos mémoires.  

Avant même qu'un texte soit lu, nous savons déjà comment le comprendre. Et de cette façon, l'Esprit Saint a du mal à se frayer une place dans notre cœur.

 

Cette sagesse, dont nous avons entendu parler dans la première lecture, est notre capacité à faire jaillir du neuf à partir, trop bien connue parfois, de notre connaissance religieuse et de l’éthique.

 

Donc osons, nous poser la question de la raison pour laquelle cet homme part tout triste.

Le texte poursuit : « il avait de grands biens ». Mais lesquels?

Est-ce uniquement parce que cet homme était riche qu'il n'est pas prêt alors à les vendre ?

Que demande Jésus à cet homme ? Il commence par lui demander si il connaît les commandements : cet homme les connaît.

 

Nous avons affaire à un type particulier, qui sans doute sommeille en nous, un type d'homme, de femme qui a le désir d'incarner l'absolu ; qui a le souci de la vie bonne, vertueuse,  parfaite. Quelqu'un qui veut atteindre une sorte de point maximum dans sa vie.

 

Il connaît les commandements et il a déjà pris une décision puisqu'il vient vers Jésus et il se met à ses genoux. Cet homme, assurément, est prêt à quelque chose de plus grand encore.

 

Alors, voici ce que lui répond Jésus :"va, vends ce que tu as, donne-le aux pauvres, tu auras un trésor dans le ciel (j'en parlerai après), puis, viens et suis moi".

Est-ce à l'injonction de vendre ou est-ce à l'injonction de le suivre que l'homme réagit, en étant tout triste ?

Car suivre Jésus signifierait, dans le cas présent, durer dans son choix et durer dans ses renoncements.

 

Il y a une certaine façon d'absolu dans la vie de certaines personnes qui consisterait à atteindre un point maximum et, sans se l'avouer à soi-même, souhaiter que tout s'arrête là : enfin nous serions arrivés à un sommet, enfin le temps s'arrête.

Mais il n'en est pas ainsi, le temps ne s'arrête pas, nous n'arrivons pas à un sommet avec un temps qui s'arrête. Le temps se poursuit et il faut durer.

 

Cet homme doit suivre Jésus et sans doute supporter, assumer, et se laisser traverser par ce choix qui est le sien, d'être absolument à Christ ; absolument, dans un souci de perfection. Et dans la durée, c'est moins évident.

 

Cette espèce de sagesse pratique nécessite alors d'autres ressources, non pas celles de la perfection uniquement, mais aussi celles de la miséricorde.

C'est sans doute la raison pour laquelle cet homme est assez peu perméable au regard plein d'amour que le Christ  lui témoigne un peu avant.

 

Alors, on a coutume de dire qu'il avait donc de grands biens, c'est le texte qui le dit ; et que ces grands biens, sans doute constitués en trésor, l'empêchent d'aller bien plus loin parce que un trésor est souvent quelque chose que nous conservons avec un peu de jalousie et une pointe d'orgueil, car nous ne voulons pas le perdre.

 

L'homme perfectionniste, l'homme idéaliste est celui qui patiemment va accumuler un certain nombre de bons points pour lui et ne va absolument pas vouloir les perdre.

 

Mais pour suivre le Christ, pour être dans la sainteté, et non pas la perfection, il convient d'oser perdre un certain nombre de bons points.

Dans la suite du Christ, il faut durer sous le regard de la miséricorde, être capable parfois de ne pas être à la hauteur ; mais ne pas perdre de vue, que nous sommes sous le regard plein de miséricorde du Père, à travers Jésus dans l'Esprit.

 

Les disciples suivent le Christ déjà depuis un certain temps.

Il ne leur est pas promis la vie facile, Jésus le répète d’ailleurs aux disciples.

Les disciples, peut-être ont-ils à se rappeler qu'ils ont été à un moment donné, appelés par le Christ; et qu'ils ont peut-être aussi à se rappeler qu'ils ont fait le choix de le suivre. Déjà ils sont en route vers lui.

 

Ce qui semble manquer plus à cet homme vertueux, c'est l'expérience, c'est la durée.

 

Nous allons vivre la semaine prochaine pour ceux et celles qui oseront faire le pas, une première rencontre pour des adultes pour se préparer à la confirmation ou à la première communion, peut-être même l'un ou l'autre, pour se préparer à son baptême ou bien enraciner sa foi.

C'est précisément une foi d'adultes. C'est une foi capable d'accueillir cette sagesse éternelle qui vient du Père.  Ça n'est pas une vulgaire sagesse pratique, mais une capacité à demeurer… à demeurer. De la même façon que Père et Fils demeurent en nous.

 

Nous entrons progressivement dans l'automne. Petit à petit nous voyons le paysage qui nous entraîne vers le futur hiver. C'est pour nous une sorte d'épreuve, pour nos physiologies, pour nos psychologies et nos cœurs. C'est une épreuve de la durée. C'est une certaine endurance.

Malgré les nuits plus longues et le froid, à l'image de la création qui semble mourir, nous savons, nous savons que cette création va ressusciter, refleurir au printemps.

Qu'il en soit de même dans notre suite du Christ.

 

Demeurer, c'est oser franchir une forme d'inconnu mais avec la certitude que la miséricorde profonde du Père nous relèvera.

N'ayons pas peur de perdre des bons points. C'est de cette façon que nous sommes exaucés. Amen.


Mercredi 7 octobre : Notre-Dame du Rosaire  -  Lc 1, 26-38 : l’annonce à Marie


La véritable prière du chrétien ça demeure le Notre-Père.

Celle que Jésus évidemment apprend à ses disciples et qui fait de nous ce que nous sommes, c'est-à-dire par le baptême, des fils et des frères.

Frères et fils devant Dieu, frères entre les fils.

 

À la fin de cette prière, Jésus parle de la tentation : « ne nous laisse pas entrer en tentation », et au fond, cette prière pourrait commencer par la fin pour dire la véritable condition de la créature devant son Créateur.

 

L'éducation à la liberté, la croissance dans la liberté est un chemin de toute la vie et ce chemin a pour modèle le Christ. Il nous conduit à vivre des passages, à les traverser pour grandir de plus en plus en liberté pour éviter de tomber d'un côté ou de l'autre de cette ligne de crête que constitue la voie parfaite et tomber dans ce que l'on appellerait le péché, par cet enivrement, cette illusion de la tentation.


Marie prend sa place à cet endroit-là.

Elle prend sa place comme mère, comme celle qui intercède, comme celle qui protège ; au fond, comme est une mère dans la croissance de ses enfants, leur l'éducation.

Elle est là pour les préparer à rencontrer eux-mêmes les dangers qu'ils rencontreront lorsqu’ils devront sortir de la famille.

 

Eh bien dans la prière toute simple, toute pauvre, ce « je vous salue Marie » qui reprend les affirmations de Marie à l'ange ou bien d'Elisabeth et qui se poursuit par une demande ; dans cette prière toute simple, souvenons-nous que la place de Marie est de nous aider à être des vrais fils, en Jésus-Christ du seul unique Père.


Mardi 6 octobre : St Bruno  -    Lc 10, 38-42 : Marthe et Marie

 

On pourrait trouver que ces deux textes, même si leurs propos sont bien différents, mettent en avant une attitude fuyante.

Alors c'est flagrant pour le prophète Jonas, surtout si nous avons lu la première partie qui a été proposée hier. Jonas, nous le savons, sitôt destinataire d'un appel du Seigneur, fait exactement le contraire et il ne se rend pas compte tout de suite que son attitude fuyante finit par, de toutes les façons, le conduire là où le Seigneur a besoin de lui, notamment après ces trois jours passés dans le ventre du poisson (une sorte de deuil) …et le voici finalement là où il ne voulait pas aller.

 

Et puis nous avons Marthe et Marie, deux sœurs.

Alors c'est un texte très connu, quand même galvaudé, et parfois trop connu : il ne nous dit plus grand chose.

Pourtant, l'Esprit parle.

Nous pourrions le regarder avec des yeux nouveaux, nous demander si, au fond, Marthe ne nous ressemble pas et Marie ne ressemble pas au disciple idéal et à ce que nous sommes appelés à être, c'est-à-dire (bien évidemment celle qui a choisi la meilleure part, qui est assise au pied du Seigneur, non pas celle qui est sans rien faire et qui abandonne les soucis du monde à d'autres), mais celle qui a trouvé le centre. Et celle qui sait y demeurer.

 

On peut très bien être au centre et y demeurer tout en faisant des choses.  

Et j'espère, finalement, sinon le monde serait bien morne.

 

Et peut-être que sa sœur, Marthe, est celle qui s'agite, pas uniquement par zèle, mais parce que, telle le prophète Jonas, il lui est difficile de demeurer là où le Seigneur l'appelle.

Le Seigneur a toujours raison de nous à un moment donné.

Cette agitation peut être aussi l'expression, dans nos vies, de notre propre agitation, nos inconstances, parfois ce que nous appelons le péché (je pense entre autres à l'orgueil, par exemple), cette agitation qui nous empêche d'être véritablement là où nous sommes appelés à être.

Mais je ne crois pas qu'il faille opposer le service et l'engagement à la contemplation et l'inactivité : cette opposition me paraît stérile, mais plutôt une opposition entre un cœur inconstant, encore au fond, fragile et pas complètement mûr et un cœur qui a trouvé son centre.

Un peu comme dans l'oraison que j'ai prononcée tout à l'heure, à l’invitation ou à l'école de Saint Bruno et d'autres, beaucoup d'autres, plein d’autres, qu’au milieu des agitations de ce monde nous sachions demeurer là où est notre véritable source. Amen.


Mercredi 30 septembre : Lc 9, 57-62 : Exigences de la vocation apostolique


Nous savons que nous avons un cœur qui toujours suscite en nous beaucoup d'agitation, un cœur qui est toujours en voie d'unification ; mais tant qu'il n'est pas dans une bonne promesse d'unification, est un cœur qui nous disperse beaucoup, un cœur qui nous blesse parfois et qui fait de nos vies, des vies très agitées dans tous les sens, avec beaucoup de difficultés à nous poser en un lieu, à être attentif, et à accueillir les événements tels qu'ils sont appelés à survenir dans l'aujourd'hui et l'ici, là où nous demeurons.

C'est la raison pour laquelle nous pouvons être atteints souvent du syndrome de la personne qui ne tient pas en place, soit que ce soit physiquement, soit  que ce soit dans son cœur, à l’intérieur d'elle-même.

 

Les personnes qui recourent  à Jésus sur sa trajectoire, sont des personnes qui veulent faire vraiment la vérité et avoir une vie d'authenticité. Ils veulent suivre le Christ. Ils pressentent en lui, qu’il y a, que demeure en lui, le secret d'un cœur unifié.

Mais à chaque fois ils achoppent sur une résistance, c’est celle de devoir renoncer ou quitter ou faire un pas significatif en faveur du Christ et surtout en faveur de l'unification intérieure.

 

Vous avez remarqué que ces personnages ont du mal à se situer dans l'aujourd'hui mais aussi dans le demain ; ils sont beaucoup dans l'hier : « laisse les morts enterrer leurs morts » ou « je dois d'abord faire mes adieux aux gens de ma maison ».

 

Jésus n'est pas en train de rejeter toutes nos attaches affectives, toutes les personnes, nos liens de toute nature qui nous constituent, mais il nous invite à les situer à leur juste place, à l'intérieur de nous-mêmes.

 

En cette fête de Saint Jérôme, nous pouvons avoir une mention toute particulière pour ce bénéfice que peut constituer pour nous de la Parole de Dieu.

Pas la parole de Dieu proclamée et que nous accueillons quand nous venons à la messe, mais l'attitude solitaire que le priant a, avec le texte.

 

Saint Jérôme a passé un temps considérable, seul, à étudier, à traduire et à commenter la Parole de Dieu.

Nous avons eu toute l'année l'occasion d'entendre les exemples des laïcs cisterciens passer du temps avec la Parole de Dieu.

La Parole de Dieu, dans ce dialogue solitaire que vous nous pouvons avoir avec elle, à travers le texte, nous unifie considérablement.

 

Ce ne sont pas les chrétiens qui ont inventé le livre, ni même qui ont inventé l'écriture, mais il se trouve que le recours à l'écriture et à la lecture nous unifie.

 

Ce n'est pas simplement écouter des formules incantatoires qui sont prononcées par le prêtre dans nos groupes de Parole de Dieu, mais c'est aussi faire le long chemin de la traversée du texte, pour nous.

 

Nous avons à abandonner bien des résistances et à cesser de nous agiter en tous lieux, en tous sens et à recevoir le Christ, comme celui qui est la clef de l'unification de nos cœurs.

Un cœur unifié c'est un cœur qui n'a pas peur.

Un cœur unifié c'est un cœur qui n'est pas susceptible.

Un cœur unifié c’est un cœur qui ose se poser et parfois qui ose laisser les morts enterrer leurs morts.

 

Demandons Seigneur de nous conduire, sur cette route, comme en permanence nous voulons être, sur cette route où nous voulons être.

Que le Seigneur nous guide, qu'il oriente notre pas et nous rassure devant les renoncements nécessaires auxquels nous avons à consentir.


Homélie mardi 29 septembre : Jn 1, 47-51 : Les premiers disciples…et les anges

Les anges sont des créatures célestes dont le désir est tout entier tourné vers le mystère de Dieu.

 

Nous, nous sommes des créatures terrestres dont le désir a besoin de se parfaire.

Il est souvent jouissance d’ailleurs, recherche de plaisir avant d’être désir.

 

 La vraie échelle qui mène à Dieu c’est le Christ.

 Notre vocation c’est de nous tenir au plus près de lui, afin que par sa vie, sa mort et sa résurrection, notre jouissance, notre plaisir se convertissent en désir, afin que nous demeurions au plus près du Père, de la même façon que nous sommes au plus près de Jésus.

 

Les messagers, ces trois anges dont nous parle la liturgie : nous connaissons Gabriel pour sa place dans le mystère du Salut (lorsqu’il annonce à Marie la venue du Sauveur), nous connaissons Michel dans l’Apocalypse, Raphaël un peu moins dans son apparition dans le livre de Tobie, ces messagers surviennent…du moins sont visibles lorsque, tout d’un coup, notre désir se tient au plus près de Jésus.     

 Ça vient furtivement dans nos vies.

 

Dans notre recherche incessante de la vie bienheureuse, ici sur terre, dans notre foi, dans notre quête tout proche de la Parole de Dieu, il arrive que tout d’un coup, notre cœur soit ajusté à ce qu’il cherche.

Parfois, il y a comme une brise légère, un murmure divin qui oriente notre pas et notre cœur à ce moment-là.

Peut-être entendons-nous la  voix des anges !

 

Mais c’est pour dire que notre vie, notre cœur, sont en permanence attirés par le Père et que parfois il survient que nous le rencontrions ou du moins que nous soyons proches de lui.

C’est le rôle de ces créatures mais ça n’est pas sans nous rappeler notre vocation :  nous tenir au plus près du Christ. Amen.


Vendredi 25 septembre : Lc 9, 18-22 : Pour vous qui suis-je ?

 

L'homme contemporain est bien incapable de répondre à la question que Jésus pose : « pour vous qui suis-je ? »

Car l'homme contemporain ne sait déjà pas répondre à une autre question :

 « Qui suis-je ? ».

Qui est-il cet homme contemporain ? Qui sommes-nous, au fond ?

 

Si nous côtoyons des jeunes générations, des générations qui sont complètement de leur temps, à la question : « qui sommes-nous, personnellement ? » …la réponse risque de se faire attendre, car le sentiment souvent partagé des uns et des autres, de nos descendants ; c'est le sentiment d'avoir une vie tout à fait effritée et bâtie sur du sable mouvant.

Il est difficile de dire : « je », « moi ».

Il y a comme un éclatement intérieur.

 

Les disciples n'étaient pas de cette époque-là. Sans doute nous-mêmes, ne nous réclamons pas cette époque-là.

 

Mais pour mieux situer notre place, et la question de Jésus, il vaut mieux savoir où nous sommes.

Et nous sommes en plein marécage, en plein sables mouvants.

 

Mais la question de Jésus a un grand mérite, celle précisément d'appeler le disciple, même aujourd'hui, à consolider sa propre vie intérieure.

Car, si le sentiment général est d'avoir une vie intérieure tout à fait éclatée et mouvante, déstabilisée, et qui produit de la peur et de l'angoisse ; l'attachement au Christ, le long apprentissage à sa suite, permet de consolider et de construire sa propre maison intérieure.

Et ceci, pas seulement aujourd'hui, mais déjà pour nos générations d'hier, nos aïeux et même les tout premiers disciples de Jésus : construire la maison intérieure.

 

C’est seulement après, qu'il est possible de répondre à la question de Jésus : « pour vous, qui suis-je ? ».

 

Qui est Jésus ? Mais Jésus est celui qui nous aime.

Jésus est le Père même qui vient nous aimer.

 

Au fond, répondre à la question de Jésus : « qui suis-je ? » revient à répondre à une autre question encore, une troisième : « qui suis-je aux yeux de Dieu ? »

 

Qui suis-je aux yeux de Dieu ?

 

Et si nous ne savons pas répondre à cette question, il faut que nous retournions à la case départ, sans gagner les 20 000 €.

Retourner à la case départ, c'est-à-dire se remettre à la suite de Jésus et passé avec lui de la crèche à la Croix, de la Croix à la résurrection, de la résurrection au don de l'Esprit. Amen.


Mercredi 23 septembre : Lc 9 , 1-6 : Mission des Douze


             Dans ce texte de l'Évangile, Jésus invite ses disciples à partir sans lui, devant lui ; mais il leur donne des jalons.

             Il leur donne d'expérimenter leur liberté, d'être à l'épreuve de leur liberté.

            Quand ils ont choisi de se mettre à la suite du Maître, et d'accepter son invitation à se laisser former par lui ; d'une certaine façon, ils ont accepté de réduire leur liberté et de se conformer un autre modèle que le leur : c'est celui de Jésus.

             Et cette fois-ci, comme étant incontournable dans leur formation, dans leur maturité, il les invite à partir, à s'éloigner de lui.

             Certes, c'est pour annoncer. Mais c'est leur première expérience d'annonce.

             Ils se rendront compte, chemin faisant, de toutes les joies et les difficultés de ne pas s'annoncer eux-mêmes, d'annoncer quelqu'un d'autre et surtout, d'expérimenter le refus et la cécité ou la surdité des personnes.

           C'est ça, au fond, qui va former les disciples.

           Mais retenons ces jalons qu'il leur communique : « ne prenez rien pour la route », « si vous êtes reçus dans une maison, restez-y, sinon secouez la poussière de vos pieds, ce sera un témoignage contre eux».

           Ces jalons nous disent, que dans l'expérimentation d'une liberté, liberté durant laquelle l'amour que nous avons pour Dieu, ce que l'Esprit veut produire à travers le Corps, cette liberté a besoin d'être comme guidée, bornée, sinon ça n'est pas le Christ que nous annonçons, c'est éventuellement nous-mêmes ou bien éventuellement nos peurs. Nous projetons nos peurs ou nous projetons nos désirs.

           Lorsque nous sommes appelés à rencontrer des personnes ou à vivre tout simplement comme baptisés au milieu d'un monde qui bouge, nous sommes amenés à être des personnes stables.

          Et pour être stable, il faut être vraiment rayonnants de Celui en qui nous avons plongé nos racines.

         Il nous faut à la fois, effectivement, être libres comme les disciples, envoyés deux par deux devant Jésus mais en même temps, s'attacher à quelques jalons, quelques repères.

         Ces repères nous les connaissons, ils nous sont donnés par l'Ecriture, nous les recevons de la Tradition ; dans nos communautés paroissiales, nous en avons.

         Restons attachés à ces jalons comme une plante a besoin d'être attachée à son tuteur pour croître de manière droite et non anarchique.

          Mais ce qui prévaut c'est notre capacité à demeurer en Christ mais en même temps, laisser s'épanouir nos propres charismes et notre propre fécondité, à la mesure des besoins et des attentes des hommes et des femmes que nous allons rencontrer.

          Ce petit passage de l'Évangile nous rappelle aussi que dans notre expérience communautaire,  nous sommes en train de vivre peu à peu une expérience analogue à celle des disciples.

          Partons à la rencontre, pas forcément non plus des païens, mais parfois d'autres baptisés avec lesquels nous avons moins l'habitude de travailler, avec lesquels nous avons peut-être moins l'habitude de prier.

         Ce qui va prévaloir c'est d'oser partir à la rencontre, d'une part, et d'autre part ce qui va prévaloir, c'est s'attacher à des jalons pour être sûr, que nous faisons une démarche de communauté et non pas une démarche belliqueuse.

         Reprenons donc ce texte de l'Ecriture.

         Croyons fermement que le Christ nous envoie là où nous pouvons aller. Il ne nous envoie pas dans les gueules du loup, même s’il nous promet quelques fois l'adversité.

        Demandons à l'Esprit Saint de nous rendre disponibles à toutes les rencontres que lui-même veut susciter chaque jour dans notre vie. Amen.


Dimanche 20 septembre (d’après des notes) : Mc 9, 30-37 : 2° annonce de la Passion et « Qui est le plus grand ? »

 

Les trois textes de ce dimanche nous présentent la jalousie et la convoitise comme  des péchés centraux.

 

Jésus n'accuse pas. Ce n'est pas pour condamner que Jésus souligne ces péchés.

Il est plutôt le maître qui accompagne tranquillement ses disciples pour plonger avec eux jusqu'à la racine. Il fait de nous des adultes. 


Nous passons de la jalousie à la convoitise, jusqu'aux regrets de l'enfant que nous avons été, que nous aurions voulu être. Cette présence dans nos cœurs produit toujours de la convoitise : tentation de se comparer, de se juger et de juger les autres. 
Nous voulons souvent nous grandir par nous-mêmes.

 
 Le disciple est celui qui se laisse grandir par le Christ qui s'offre pour nous.

Il nous aide à faire l'abandon de ce petit qui sommeille en nous.

 

Nous pourrons voir et entendre, si nous abandonnons cet enfant idéal. Laissons partir nos rêves et nos déceptions. 
La racine de notre force est notre capacité à analyser ce qui fait mal au fond de notre coeur.

Pour être des chrétiens engagés, avec nos qualités et nos spécificités, il nous faut nous laisser faire par le Christ.

 

Nous pouvons avoir recours au sacrement de réconciliation pour que l'Évangile ne soit pas un ensemble de codes moraux qui entretiennent notre mauvaise conscience. 


Demandons l'Esprit Saint, avec l'intention de le recevoir afin qu'il nous fasse grandir et qu'il nous change. 
Amen. 


Vendredi 18 septembre 


Nous sommes invités dans la compagnie de Jésus entre les disciples qui le suivent et des femmes. Des femmes qui permettent sa subsistance : c’est une mention très brève qui dit que Jésus est soutenu matériellement par elles.

Et puis il y a cette fameuse Marie, appelée Madeleine de laquelle étaient sortis sept démons. Ces sept démons qui renvoient à tous nos démons qui nous traversent de part en part et qui nous fragilisent, nous faisant croire que nous n'avons pas confiance en nous parce que nous ne pouvons pas avoir confiance en nous et parce que nous ne devons pas avoir confiance en nous.


Ces démons sont aussi les nôtres, sont ceux de toute personne.

Marie est toute en avant, cette fameuse Madeleine parce que, peut-être en …, elle nous permet aussi de savoir qu'il y a des démons en nous. Mais que la puissance du ressuscité vient détricoter, vient détricoter chacun des pièges que le démon met dans notre cœur, nous faisant passer du « nous ne devons pas avoir confiance » à « nous ne pouvons pas avoir confiance ». Et puis « nous ne pouvons pas avoir confiance » à « nous avons confiance ».

Jésus est un merveilleux révélateur de ce que nous sommes en vrai.


Et Marie et Marie-Madeleine sont des êtres uniques, aimés par le Père,  à son image.

Et si nous grandissons à la ressemblance du Père, c'est parce que Jésus vient défaire tous les démons qui brisent cette ressemblance.

Si Marie et Madeleine suivent Jésus, c’est qu’elles …….Pour les autres( ?), il leur faudra du temps.

Les femmes sont plus promptes dans l'Évangile, à être ce que Jésus cherche à produire chez chacun. Les hommes c'est plus long, les femmes croient en la résurrection plus rapidement que les hommes. Une femme est libérée plus rapidement de démons.


Un disciple célèbre sera traversé par le démon : c'est Judas. Il ne peut pas avoir confiance. Peut-être aurait-il pu, si la puissance du ressuscité avait pu se frayer un chemin dans le cœur fermé à double tour de cet homme.


Car, pour que les démons partent, encore faut-il un premier pas, une audace, un risque : celui d'ouvrir la porte.

Alors que la porte fermée… puisque nous avons peur. Comme on ouvre une porte en pleine tempête. Et bien l'audace de Marie Madeleine, sans doute, c'est d'avoir osé ouvrir la porte en pleine tempête. Et elle ne s'est pas trompée. Elle a été libérée. Amen. 


Mardi 15 septembre : Notre-Dame des 7 douleurs : Jn 19, 25-27 Marie au pied de la Croix.


En célébrant Notre-Dame des douleurs, nous contemplons Marie au pied de la Croix avec ces paroles brèves d'hospitalité de la Femme vis-à-vis du Fils et du Fils vis-à-vis de la Mère.

C'est pour nous, la découverte que notre conscience collective, que nous avons comme chrétiens, d'appartenir à une grande famille qui s'appelle l'Eglise, n'est pas simplement justement une conscience collective, mais est un don de Dieu, qui nous permet de découvrir que l'Eglise est notre mère et que nous sommes des enfants.

Et que cette Eglise, telle une embarcation, peut connaître la douleur que l'histoire lui réserve, comme elle a su lui réserver depuis 2000 ans.

Si Marie demeure au pied de la Croix, c'est par amour ; mais elle y sera aussi témoin de la vie et de la résurrection.

Si l'Eglise traverse des tempêtes, si elle souffre à l'intérieur comme à l'extérieur, ça n'est pas par plaisir.

Mais c'est parce que, attachée viscéralement au Fils et à la Croix, qui est sa source, elle sait que, au-delà de la tempête, il y a la vie, non pas pour elle (car une mère ne pense pas à elle, d'abord), mais pour ses enfants qui sont dedans, dans l'embarcation, comme pour ceux qui n'y sont pas.

C'est une invitation à se redire,que notre vie n'est pas un long fleuve tranquille, notre vie communautaire et ecclésiale et que, il est vain, de souhaiter faire partie d'une communauté qui ne connaîtrait très jamais aucuns tourments et aucunes agitations.

Mais ces tourments et ces agitations sont liés à notre condition humaine et à notre insertion dans l'histoire et que, au-delà et sans attendre (nous le savons) notre mort, il y a la vie, qui est la résurrection.

Nous sommes déjà presque à Noël c'est-à-dire : « ne voyez-vous pas poindre déjà le jour? ». Amen


Lundi 14 septembre : la Croix glorieuse : Jn 3, 13-17


Les disciples sont appelés à grandir dans une ressemblance de  plus en plus grande avec leur Maître. Ils le font en écoutant son enseignement, en voyant les gestes pleins de compassion et de patience, des gestes d'ouverture que pose le Maître sur les petites gens, les malades et les pécheurs, toute une population des bords de chemin que le Maître affectionne.

Les disciples suivent le Maître et peu à peu se conforment à lui.

 

Mais ils se rendent compte que cette suite appelle de leur part, une décision : celle, non seulement de lui ressembler mais de faire sans lui ; de devenir aussi un serviteur comme lui, ne vivant que de son esprit et non plus de son image.

C'est l'événement précisément de la Passion-Résurrection et Pentecôte.

 

Quelqu'un qui se conforme de plus en plus à Jésus-Christ voit effectivement sa vie transformée, mais voit comme surgir, un irréductible dans sa vie : ce que l'on appellerait le péché.

 

La deuxième étape, pour le disciple, c'est d'accepter que ce péché existe, et accepter que, malgré tout l’effort de la volonté, il n'est pas possible de faire grand-chose pour que disparaisse définitivement ce péché.

C'est une obéissance, c'est la deuxième étape, une obéissance à l'existence dans nos vies de ces difficultés-là: le péché.

Et cette fois-ci, il ne s'agit  plus de ressembler au Maître, plus seulement, (c'était vrai dans la première étape), mais il s'agit de s'abandonner à lui et à sa miséricorde. Ca n'est plus tellement le modèle, qui touche le disciple, mais c'est sa puissance miséricordieuse.

 

Mais ça ne suffit pas, il y a une troisième étape.

Après avoir été touché par cette miséricorde, qui nous permet effectivement, d'entrevoir au milieu de cette obscurité des germes de lumière, qui nous permet de quitter un certain pessimisme sur nous-mêmes et les autres et sur Dieu ; la troisième étape consiste à fléchir le genou devant le Maître ou précisément, devant la Croix…et se dire que, quel que soit notre effort de ressemblance, quelle que soit notre humilité ou simplicité grandissante devant la force du pardon de Dieu ; à un moment donné, tel Saint-Paul quand il s'adresse aux Philippiens, il y a ce geste du fléchissement de genoux.

Cette adoration de Celui qui, plus que tout, par son sacrifice que lui seul peut faire (lui seul donne sa vie, complètement), eh bien Celui-là nous sauve.

 

C'est le sens de la fête que nous avons aujourd'hui, c'est le sens du vendredi Saint.

Je vous le rappelle : nous n'adorons pas la mort ni le péché. Nous ne sommes pas des morbides.

Nous adorons le salut, la source du salut.

 

Quelle place peut prendre la croix dans notre vie ? La vie précisément, et pas la mort.

 

Il y a de nombreuses paraboles que Jésus prononce dans l'Évangile qui suggèrent la place de la Croix, sa toute-puissance souterraine.

Je vais vous citer deux passages.

La première parabole c'est : celui qui dort ou qui se lève, la semence pousse toute seule sans qu'il sache comment : c’est la puissance de la Croix.

Que nous soyons bon ou pas dans nos exercices spirituels ou que nous soyons audacieux ou pas dans la ressemblance à la suite du Maître, il continue à travailler que nous nous en rendions compte ou pas : c’est la puissance de la Croix, de nuit comme de jour sans que nous sachions pourquoi.

 

La deuxième parabole, c'est celle de cet homme qui avait un figuier planté au milieu de sa vigne. Le propriétaire de la vigne veut couper le figuier : il ne donne pas de fruit.

L'intendant de la vigne, lui, supplie le maître qu'il laisse encore une année à ce figuier. Il va le fumer, il va bêcher autour… peut-être alors donnera-t-il du fruit.

 

La Croix, elle est le Maître des racines, tel cet intendant qui bêche aux pieds de cet arbre stérile.

Nous, nous sommes juste la partie aérienne de l’arbre. Nous sommes occupés à suivre le Christ ; le reste c'est lui qui s'en occupe.

Dans cette partie cachée, c'est lui qui noue et dénoue ce qui a besoin d'être noué et dénoué : Il est le maître de nos racines.

Voici la puissance de la Croix.


Dimanche 13 septembre : Mc 8, 27-35 : Pour vous qui suis-je ?


Chers amis, il doit y en avoir parmi nous qui ont leur corps fatigué aujourd'hui à cause des vendanges terminées ou qui se poursuivent…

et puis je vois certains garçons et filles dont ça a été l'entrée au collège.

 N’est-ce pas Tom, n'est-ce pas? Du coup, au bout de quelques jours, une semaine ou deux, eh bien déjà la tête et le cœur doivent être transformés.

 

Voilà !

 

Il y a une différence à faire, très importante, que l'Évangile nous suggère (Jésus dans son discours, avec ce dialogue avec ses disciples), la différence entre la foi et ce que j'ose appeler, sans jugement, sans jugement ; ce que j'oserai appeler la magie, parfois même la superstition : un désir irrépressible de nous confier entre les mains du Seigneur et d'attendre par nos prières, par notre pratique, par notre observance d'un certain nombre de préceptes, d'attendre qu'il vienne résoudre un grand nombre de difficultés, déjà à commencer par les nôtres et puis éventuellement celles des voisins quand cela nous nuit à nous-mêmes.

Parfois, nous voudrions aussi que le Seigneur nous épargne un grand nombre de dangers non pas  résoudre les difficultés déjà apparues, mais qu’il nous épargne le danger.

Cette manière-là de croire, elle a sa place dans le cœur de Dieu parce que Dieu nous accueille effectivement comme nous sommes, avec nos attentes, mais elle se fonde vraiment sur des peurs, sur, en tout cas quelque chose de mal assuré en nous-mêmes.

 

Et c'est exactement ce que vit Pierre. Pierre, il vit ça depuis le début de sa vocation, de sa mission, jusqu'à son envoi comme apôtre, à la fin de l’Évangile.

Pierre a trouvé en Jésus un bon ami, cela va sans dire, un soutien et en tout cas une espérance profonde que sa vie limitée de pauvre pêcheur de poissons de Tibériade soit exhaussée, comblée, transformée en une vie radieuse et puissante, solide.

 

Qui d'entre nous ne souhaite pas une vie solide, qui tienne debout ? Une vie qui fasse du bien aux uns et aux autres ? à commencer aussi par soi-même, c'est pas mal.

 

Mais Pierre ne peut pas fonder la suite de sa vie sur cette façon-là de s’attacher à Jésus parce que le Dieu auquel nous croyons est un dieu qui nous invite à grandir dans une obéissance, à commencer par celle de Jésus.

 

Je ne sais pas si vous avez remarqué que la première lecture, autant que l’Evangile, nous renvoient à ce que nous avons vécu pendant la semaine Sainte : il est question du serviteur souffrant ; nous sommes en plein vendredi Saint où Jésus accepte d'aller tout à fait librement jusque sur la Croix. Il l’accepte par obéissance à son Père.

Alors, c’est de nouveau ces textes qui apparaissent.

 

Ce thème de l'obéissance, c'est un thème qui est censé nous frapper lorsque notre foi en Dieu, pour qu'elle puisse s’affranchir de la magie, ou de la tentation d'être quelqu’un d’autre que nous-mêmes.... eh bien, il faut que nous obéissions aux choses, aux événements tels qu’ils se présentent à nous. Et il y a des événements dans la vie que nous ne choisissons pas et qui s'imposent vraiment à nous… parfois c’est vraiment des événements injustifiables.

Mais c'est en  les traversant que l'on traverse d'abord nos peurs et que l'on passe du côté d'une foi plus adulte, plus assurée.

Alors par exemple, parmi ces événements, il y a ceux qui ont traversé la vie de plusieurs familles de  nos paroisses, c'est l'événement de la mort, de la maladie avec des deuils coûteux qui vont être longs à vivre.

 

Pierre, à sa façon, lui, et c'est ce qu’anticipe le texte, va vivre des choses aussi difficiles puisque tout ce qu'il va bâtir sur Jésus va se ruiner complètement (et nous le savons) au moment de la semaine Sainte : quelques temps avant la mort de Jésus il va renier trois fois son maître.

Il va devoir assumer pleinement le fait que, effectivement il a des misères, il a des fragilités, il a des peurs.

 

Les chrétiens, si à chaque fois, ils font mention de la mort, ou s’ils font mention du péché, ça  n'est pas uniquement parce que les chrétiens sont des gens qui se tâtent  le pouls tout le temps. S'ils font mention de ces événements à chaque fois qu'ils prient, ne serait-ce même qu’en faisant le signe de la croix sur leur corps, ça évoque bien sûr l'amour et la vie, même s’il y a l'idée de la mort ; c'est parce que, c'est dans cette obscurité la plus profonde et le mal parfois le plus injustifiable, que naît la lumière.

Là encore, ce n'est pas pour choisir en permanence le mal non plus, mais c'est parce que inévitablement, il surgit dans une existence...et que la foi des chrétiens n'est pas un rempart contre…, sinon elle devient une foi superstitieuse, magique.

 Alors il y a des gens qui savent très bien que ça, ça ne marche pas. Evidemment, puisque nous n'avons jamais une foi magique. Ils ont constaté pour eux-mêmes, que croire en Dieu ne les affranchissait pas du mal et de la souffrance.

Alors ils ont décidé de penser que Dieu n'existait pas.

Mais au fond, autant eux que ceux qui ont une foi magique, ils ont la même cécité les uns et les autres. Ils ont le même aveuglement.

Cet aveuglement c'est celui de vouloir s'attacher au Christ sans se connaître véritablement soi-même et sans savoir que, inévitablement, nous allons traverser dans une vie une fois, deux fois, trois fois, des passages coûteux.

Mais qui ne sont jamais des passages qui ruinent notre existence. Au contraire, ces passages exhaussent notre existence.

 

Ceux et celles qui travaillent la vigne le savent bien.

Nous avons vendangé, et vous avez vendangé et il va bientôt y avoir l’époque longue de l'hiver durant laquelle vous allez tailler les ceps de vigne.

La vigne va paraître morte et pourtant, elle va renaître très vite au premier soleil du printemps.

 

Alors c'est vraiment une invitation pour nous, à obéir à cette réalité de la vie, qui est l'existence en nous et sur nos trajectoires, de passages parfois coûteux.

 

Attachés à Dieu, parce que nous savons que ces passages ne nous conduisent pas nulle part, ni contre un mur, nous découvrons peu un peu quels sont les trésors qui nous habitent. Et ça c'est Dieu qui le fait. Ayons de la patience, nécessaire, toujours.

Pierre, lui, va devoir convertir ses vues, les vues qu'il avait sur Jésus. Il va falloir à Pierre attendre la résurrection, quelques temps après la résurrection encore, pour pouvoir enfin avoir confiance en lui et avoir confiance en ce que Dieu veut faire de lui.

 

Pour nos communautés paroissiales, c'est la conclusion, nous allons vivre lentement des passages peut-être coûteux pour nous durant cette année avec le nouveau calendrier et ces nouveaux jalons qui vont ponctuer notre vie, semaine après semaine.

Pour certains c'est un bouleversement, pour d'autres c'est une évolution normale et tranquille.

Mais portons-nous les uns les autres, quoi qu'il en soit, même si nous sommes confiants, pour les uns.

Portons-nous les uns les autres pour que, ce que nous sommes amenés à vivre cette année, consolide vraiment la confiance que nous avons dans nos communautés et dans notre territoire. Amen.


Homélie du 22ème dimanche du Temps Ordinaire B  -  Saint Pierre de Bar sur Aube - Diocèse de Troyes

Mc 7, 1-8.14-15.21-23 : le pur et l’impur

 

Chers amis,

Nous avons appris au catéchisme, nous portons peut-être dans notre prière ce récit du livre de la Genèse, qui met en scène, ce que nous appelons le péché des origines, la faute originelle, qui se traduit au fond, pour nous, très concrètement aujourd'hui, par un cœur (chacun, que l'on soit jeune, âgé , garçon, fille) un cœur blessé, du moins je vais dire positivement : sensible, très très sensible.

   Nos cœurs ne sont pas neutres dans la façon d'accueillir, de percevoir, de comprendre, d'interpréter tout ce qui vient de l'extérieur. Du cœur ne jaillit pas simplement des pensées perverses comme dit Jésus à la fin de l'extrait de l'Évangile, mais du cœur jaillit quantité d'émotions heureuses, moins heureuses, faciles à assumer, moins évidentes à contenir. Nous sommes ainsi.

   Alors nous pouvons appartenir à une première catégorie de personnages : ceux  qui l'ignorent complètement et donc se laissent aller au gré de leurs émotions sans se rendre bien compte  de ce que cela produit.

   Nous pouvons faire partie d'une deuxième catégorie de personnages, ceux  qui s'en rendent  compte, savent qu'ils ont un cœur sensible, blessé,  mais qui ne savent pas quoi faire. Ces personnages-là sont comme malheureux ou bien impuissants. Ils souffrent  de leur impuissance.

   La troisième catégorie de personnages, ce sont les disciples de Jésus Christ, et peut-être en sommes-nous, qui trouvons dans ce cœur blessé la source d'une  richesse et d'une lumière profondes. 
   Pour nous protéger, comme dans une réaction toute naturelle, nous fabriquons depuis la nuit des temps des lois, des prescriptions, des traditions, des obligations comme pour nous contenir et nous préserver ; comme des clôtures bâties autour de nous individuellement ou collectivement, pour nous prémunir de tout ce qui  vient de l'extérieur; et qui vient au fond, exciter la sensibilité
de nos cœurs.

  Par exemple, les murs que nous érigeons en Europe de l'Est ou la mer Méditerranée que nous voudrions voir infranchissable, sont comme des murs qui viendraient nous  préserver de celui ou celle qui est différent de nous et dont la simple différence vient comme susciter des émotions souvent négatives.

  Mais beaucoup de traditions, de lois ou de prescriptions font de même : Il faut faire ci, il ne faut pas faire ça, attention à avoir telle attitude... Ça ne sert pas uniquement à réguler nos comportements les uns vis-à-vis des autres, ni même à sanctifier notre vie, mais ça sert également à nous protéger.

   Et les chrétiens, les religieux, ne sont pas en reste. Nous avons dans la tradition biblique et dans la tradition de l'Eglise, toute une série de préceptes auxquels il faut obéir.

   Mais le problème, puisque Jésus pointe dans l'Évangile un problème ; c'est que si nous ignorons cette blessure qui nous traverse de part en part, nous ne nous rendons pas compte que nous pervertissons ces lois et ces prescriptions et nous en faisons des carcans et des prisons, au lieu au contraire, de nous en servir pour nous libérer et pour vivre la charité. Car les traditions et les préceptes dans la vie chrétienne sont là pour nous rendre ouverts et nous faire  vivre de la charité même de Dieu, concrètement, pas simplement dans la tête.

 

Alors comment faire pour devenir cette troisième catégorie de personnages, qui au fond, de cette blessure de leur cœur (ce fameux péché des origines), deviennent des hommes et des femmes du petit matin de Pâques avec un cœur qui laisse passer la lumière et non pas qui laisse passer de la tristesse et de l'angoisse, du refus ou de la peur ?

   Eh bien tout à l'heure, à l'eucharistie, pour répondre à cette question, nous aurons un signe qui nous est montré comme à chaque eucharistie : après que nous nous soyons donné la paix les uns aux autres, le prêtre présente le Corps du Christ rompu en deux. Ce Corps du Christ fractionné forme comme un cœur qui se laisse traverser par une blessure de haut en bas. L'hostie fractionnée, le Corps du Christ fractionné rappelle le don du Fils de Dieu sur la croix, librement, par amour.

   Mais aussi, signifie que nous passons avec lui, du moment que nous communion à son Corps, nous passons de la mort à la vie, laissant précisément sa grâce nous transformer.

   Nos cœurs deviennent, non plus des tombeaux, mais deviennent des soleils. Nos cœurs ne sont plus là pour souffrir ou être mus par leurs souffrances, mais nos cœurs se laissent traverser par une lumière est une espérance.

   Nous aurons toujours besoin de préceptes et de coutumes, mais du moins, en communauté, nous les vivrons pour ce qu'ils sont, nous en aurons perçu l'esprit : des préceptes et des coutumes qui nous libèrent, qui nous dilatent, et qui nous permettent de nous ouvrir et de servir.

   C'est ce que Jésus, à  la fois dénonce et appelle de ses vœux dans cette discussion assez forte avec les scribes et les pharisiens.

   Nous avons toujours besoin de retrouver l'esprit de ce qui nous anime et de tous les préceptes auxquels nous obéissons. Sans cet esprit-là, nous pouvons devenir des outres percées. 

Passons avec le Christ de la mort à la vie, et en communiant tout à l'heure, rappelons-nous que le Seigneur choisit nos cœurs sensibles pour en faire ses instruments. Amen.

 Père Guillaume Langlois


Vendredi 11septembre : Lc 6,39-42 : la paille et la poutre

 

Tous les acquis que nous avons pu engranger pendant notre chemin à la suite de Jésus jusqu'à la Pentecôte et un peu pendant l'été, nous allons de nouveau les perdre. Car nous sommes tous dépendants de la variation des saisons et du vieillissement de notre cœur. Nous avançons, nous progressons, et ensuite nous  devons redescendre de la montagne avant de nouveau de remonter à la suite du Christ jusqu'à Jérusalem.

Dans la vie spirituelle, nous ne pouvons jamais rester définitivement en haut du sommet.

Ce que Jésus dit dans son discours dans la plaine, (nous sommes dans l'Évangile selon Saint Luc), après les béatitudes, c'est exactement le programme qu'il fait vivre à ses disciples au moment de la semaine Sainte : de découvrir combien nous sommes, et les disciples le sont, aveuglés par un voile qui, dans le cœur et sur les yeux ne nous permet pas de voir exactement ce que nous sommes.

Et le premier diagnostic, le premier constat que nous pouvons faire, que nous pouvons poser sur notre vie spirituelle, c'est de nous demander si nous sommes beaucoup préoccupés par le péché ou les insuffisances des autres.

Si le péché ou les insuffisances des autres nous taraude, nous bouscule, produit de la colère ou alors l'inverse, si les prétendues qualités des autres produisent en nous de la jalousie, eh bien c'est que précisément, voici que nous avons un voile sur nos yeux qui nous empêche de mesurer avec exactitude ce que nous sommes nous-mêmes.

Et le Christ sur son chemin vers Pâques, en passant par la Croix avec ses disciples, opère une conversion profonde du cœur et du regard de ses disciples.

C'est ce que nous avons vécu nous-mêmes à Pâques et c'est ce qui s'est confirmé en nous à la Pentecôte.

Un voile a été ôté, nous avons pu dire avec confiance :

« Oui, nous sommes pécheurs, mais oui, nous sommes aimés et pardonnés ».

Et c'est ce qui nous permet de voir clair et d'une certaine façon, de laisser tranquilles les autres.

Mais cela revient en nous, si nous ne prenons pas garde. C'est exactement ce que Jésus dénonce dans d'autres endroits de l'Évangile, notamment par une parabole de la maison bien nettoyée et le propriétaire ne prenant pas garde, laisse revenir sept démons beaucoup plus dangereux que celui qu'il avait réussi à faire partir.

Eh bien en accueillant cette parole d'Evangile : la paille, la poutre, c'est une invitation à nouveau, à nous mettre à la suite de Jésus, à ne pas laisser retomber notre effort et à continuer à nous laisser toucher par son amour miséricordieux et son chemin Pascal, son chemin de conversion. Amen.


Mercredi 9 septembre : Lc 6, 20-26 Les béatitudes

Entre les Béatitudes de Luc et celles de Matthieu, il y a une différence importante.

C'est surtout sur la conception que l'un et l'autre donnent aux pauvres, l'idée qu'il y a derrière.  Et ça n'est pas la même idée.  

Chez Matthieu ce sont les pauvres de cœur, chez Luc ce sont les pauvres. Parfois on prend l'idée pour l'autre et réciproquement.

Bien entendu, le fond de l'interpellation de Jésus, telle qu’elle a été retenue, chez l'un et chez l'autre, le fond est un peu le même. Mais, pour Luc, (ce que Luc a retenu du propos de Jésus), c'est combien la dimension matérielle, notre relation au monde des objets vient lier, pourrir notre cœur.

Chez Matthieu et chez Luc, tels qu'ils ont compris les propos de Jésus, l'idée c'est bien : le cœur est la source soit de notre liberté soit de notre aliénation.

Et chez Luc, ce cœur peut vite être ligoté à cause d'un mauvais rapport avec le monde matériel, les biens ; d'oublier les pauvres. Les pauvres qui, d'une certaine façon, puisqu'ils sont, dans la vision qu’a Luc du monde des pauvres, affranchis, (d’ailleurs sans qu'ils l’aient choisi), affranchis du monde matériel, viennent interpeller les riches.

 

D’où, au  fond ce que dit l'apôtre, juste avant que Annie ait eu du mal à tourner la page, quand il est question… je trouve : « cette soif de posséder qui est une idolâtrie » (c'est juste après avoir tourné la page). Cette soif de posséder ! Elle marque notre cœur comme une empreinte qu’on soit chez Matthieu, chez Luc ou qui on veut. Notre cœur est marqué par cette empreinte. Et cette empreinte est redoublée dès que nous sommes dotés de quelque facilité matérielle. Cette empreinte est redoublée. Et nous voici donc ligotés plus aisément. 


Alors le pape François adresse aux communautés chrétiennes du monde entier, une interpellation, c’est notamment pour l'Europe, en fait : celle d'accueil de personnes réfugiées.

Et l’évêque de Troyes est en train de rédiger une lettre qu’il va adresser à tous les chrétiens du diocèse pour qu'effectivement les communautés paroissiales enregistrent comme un appel du Christ lui-même, cette question.

Au fond, est-ce que notre cœur a besoin de redoubler sa fécondité ou bien est-il repu? S’il est repu, il n'est plus fécond même si même si on pense qu'il l’est.

Il ne l'est plus. Il est tari. Il faudra bien que nous accueillions cet appel. Ça va être long.

Il faudra bien qu'on l’accueille, qu’on l'entende et surtout qu'on réagisse... Qu’on ne cherche pas à fuir derrière mille raisons, car les mille raisons nous situent déjà du côté des riches.

         Malheur aux riches.


Mardi 8 septembre : Mt 1, 1-23  La généalogie de Jésus.


Lorsqu'on s'approche de Jésus, c'est ce que nous faisons, nous avons l'ambition de le faire ou de nous laisser faire ; lorsqu'on s'approche de Jésus, à un moment donné, il y a comme un craquement en nous. Comme une maison qui subit  quelques dommages  à cause de fondations parfois  mal assurées. Ces craquements, c'est au fond, la découverte que le péché réside en nous.

Alors, tant que Jésus n'a pas commencé à faire son œuvre dans notre cœur, nous nous croyons bien souvent indemnes de toute limite, limites que nous voyons en fait chez les autres plus qu'en nous. Cette découverte du péché en nous, ces limites, cette fragilité peut nous faire très peur.

Nous savons que l'offre de salut, la Vie divine, le royaume tant  promis par Dieu, pour nous, ne réside pas après notre mort, nous le savons.

Mais cela consiste, cette Vie divine, à traverser avec le Christ cette peur suscitée par notre péché et découvrir des prés d'herbe fraîche dans notre vie, ici, maintenant, tels que nous sommes, avec nos limites et notre péché. Péché brûlé au feu de l'amour de Dieu.

C'est le chemin du disciple et de l'apôtre : passer de la crèche à la Croix et de la Croix à la résurrection.

Mais à tout disciple qui prend conscience de son péché, il faut une tendresse maternelle…  comme une maman vient protéger ses enfants de leurs démons, des grands méchants loups, ou de toute  autre peur qui peuvent surgir autour d'eux et en eux : c'est la prière maternelle de Marie.

Toutes les personnes qui recourent sincèrement, et sans attendre nécessairement de miracles (tout recours sincère et non pas superstitieux) à la prière maternelle de Marie, ce sont des personnes, des disciples, conscients de leurs pauvretés et conscients de la profonde miséricorde déjà offerte par Dieu.

Cette prière maternelle  protège, fortifie, rassure. Et plus nous sommes rassurés, plus nous sommes sensibles au travail de l'Esprit Saint en nous.

Vous savez bien qu'une personne crispée et peureuse n'arrivera jamais à nager seule et à plonger dans l'eau. Il faut de la confiance, il faut de l'assurance.

Et cette assurance c'est la prière maternelle de Marie.

 

Alors quand l'on regarde cette généalogie proposée par l'Évangile selon Saint Matthieu, et si on la regarde  avec une loupe, on s'aperçoit de bien des contradictions, de bien des malheurs, de bien des chemins sinueux et très peu de motifs de gloire finalement.

Des contradictions telles  que nous aurions de la peine à les révéler si jamais elles survenaient dans nos propres généalogies personnelles.

Mais, quand même, le salut surgit dans cette histoire.

 

Nous pouvons nous dire avec beaucoup d'espérance et d'optimisme que le Seigneur fait de même à l'intérieur de notre propre vie de pécheur .

Amen.


Homélie du dimanche  6 septembre 2015    

 

Mc, 7, 31-37 : la guérison du sourd-muet.

 

Lorsque les nouveaux époux échangent leur consentement, se disent : « oui » l'un à l'autre, c'est alors que Dieu vient confirmer et s'insérer dans cette alliance que ces deux époux forment.

         Et les deux époux se disent : « On a besoin de la présence de ce Dieu qui est la source de notre amour et de notre fidélité ».

         Avec un peu d'humour, et un peu comme pour provoquer, il arrive parfois que au fond de nous-mêmes,( en tout cas de moi), comme témoin de ces échanges de consentement, je dise : « eh bien, ils se promettent de ne faire qu'un ; la question c'est de savoir lequel des deux ».

      Lequel des deux va donc surgir ou prendre le dessus dans le couple?

     Parce que l'unité dans l'alliance entre deux personnes ne va pas de soi. Il y a toujours, vous le savez bien, encore mieux que moi pour le savoir, puisque vous avez sans doute de l'expérience : dans une vie à deux, il y a toujours des caractères qui dominent , d'autres qui sont un peu inférieur…, des tensions  suscitées, mais des tensions pas forcément voulues, suscitées  par une rencontre, une harmonie, une communion un peu compliquée à obtenir,( on va dire au moins humainement, pour résumer les choses).

     Les couples qui se marient, qui échangent leur consentement devant Dieu, certains sont extrêmement lucides sur ce point, et savent bien que cette unité est un projet dynamique, c'est-à-dire qui nécessite toujours de se remettre sur le chantier de ce projet. Que cette unité n'est jamais obtenue une fois pour toutes, et que, il faut bien la force de la grâce, il est vrai, pour obtenir peu à peu cette communion tant souhaitée au moment de l'échange des consentements, pour que cette fameuse affirmation : « nous ne faisons plus qu'un » devienne comme réelle, si vous voulez, concrète dans la vie du couple.

     Alors je fais cette petite digression au début, à travers la question des couples, pour se dire : il en est de même dans toute aventure humaine.

    Quand on est tout seul, des fois ce n'est déjà pas simple de faire l'unité avec soi-même (c'est une aventure),      Mais dès qu'on est plus de deux, ces questions évoquées dans les couples sont les mêmes.

    Ou quand on est trois, quatre, une communauté toute entière, les communautés religieuses le savent bien, les paroisses n'en parlons pas, et plusieurs ensembles paroissiaux ensemble, c'est exactement la même question.

            Nous visons une communion, ce que Saint-Paul a absolument souhaité  : former et consolider pour ces toutes premières communautés : une communion de communautés. Il appelait ça un Corps. Nous formons un Corps, semblable à celui du Christ. Et comme il s'est bien rendu compte, Saint-Paul, que ça n'est pas tout de dire, d'avoir le désir de former un corps, eh bien Saint-Paul dit que dans un corps il y a des membres aux fonctions différentes et nous avons besoin de tous ces membres, même s'ils sont différents,  certains parfois disgracieux ou d'autres plus mis en avant.  Nous en avons tous besoin pour former un seul corps.

     Alors, c'est dans cette aventure-là que nous sommes conduits les uns les autres depuis… maintenant ! voilà, depuis aujourd'hui ! … pour nos trois ensembles paroissiaux.

     Nous avons soif et nous avons faim du Christ : ça c'est ce que l'Évangile, cet été nous a rappelé. Nous avons faim et nous avons soif.

   Nous venons à l'eucharistie, parfois en faisant des kilomètres, ou nous essayons de nous organiser à quelques chrétiens parce que nous savons que le Christ est fondamental dans notre vie.

    Alors, nous pouvons, et nous le faisons sans doute, nous adresser au Christ ou le chercher ou le laisser venir à nous par la prière personnelle, par la lecture de la parole de Dieu, écouter la radio RCF, ou servir d'autres fois l'une ou l'autre personne chez elle, mais nous avons aussi besoin de la communauté.

   Parce que le Christ, nous chrétiens, nous savons que nous ne pouvons pas aisément le rencontrer finalement, si nous ne laissons pas d'autres personnes nous aider à ouvrir notre cœur.

      Ce que fait Jésus dans l'Évangile. : Ouvrir cet homme qui est sourd et qui est muet.  Nous en avons besoin.

Et le Christ le fait de deux façons :

            La première façon :

                     Jésus nous rappelle que nous avons un cœur extrêmement sensible, sensible.

       Vous savez que la sensibilité, c'est ce qui parfois nous fait pleurer, c'est ce qui parfois suscite de la douleur en nous, ou l'inverse, c'est ce qui parfois nous produit de la joie, produit de la paix.

       Nous avons un cœur extrêmement sensible, et parce que notre cœur est sensible, nous souhaitons souvent, à notre insu ; bien souvent, nous en protéger parce que ça nous fatigue d´être toujours touché dans notre cœur.

      Et quand c'est ainsi, nous cherchons la compagnie d'autres personnes qui nous ressemblent comme cela on est sûr qu'ils ne viendront pas nous blesser dans notre cœur.

       Et dans ces cas-là, nous faisons une communauté de semblables.

       Sauf que ça n'existe pas en réalité.

      Et ça revient à vouloir faire une unité à notre image.

     Or ça n'est pas une unité à notre image.

      Le Christ vient nous ouvrir les uns les autres justement par l'intermédiaire de communautés pour que les différences, bien marquées de chacun, les tempéraments, les histoires, les traditions, les attentes, les goûts, eh bien non pas provoquent  une sensibilité, nous attristent ; mais peu à peu, finissent par nous ouvrir.

     Alors c'est une affaire très longue, et dans l'Évangile la guérison de ce sourd-muet a l'air de se faire instantanément. Alors qu'en réalité, ce n'est pas instantané.

    En réalité, Dieu opère  par sa grâce dans notre vie avec du temps. Et il nous faut du temps les uns les autres.

 

      La deuxième façon pour Jésus de nous ouvrir, c'est de nous rappeler nos limites. Non pas pour nous faire du mal, mais pour que nous retrouvions les deux pieds sur terre.

      Et quand il touche la langue ou les oreilles de ce sourd-muet, c'est aussi pour lui rappeler ce qu'il est, quelles sont ses limites, quelle est la réalité de son corps, quelle est sa dignité.

      Et parfois, parce que nous rêvons ou parce que nous voulons vraiment nous protéger de notre sensibilité, ça arrive que nous oublions nos limites.

     Et nous voudrions, et je le redis,  former un monde qui soit vraiment à notre image. Mais ceci revient à oublier ses propres limites.

      Alors Jésus, il a la drôle d'idée de nous rappeler nos limites.

      Et justement notre expérience en communauté nous rappelle nos limites.

 

      Nous ne pouvons plus où nous n'avons pas les moyens, et je suis prêt à vous en demander pardon même si je n'y suis pour rien du tout, nous n'avons plus les moyens de faire comme nous aurions pu faire, il y a des années en arrière.

    Et cette  expérience des limites (l'avantage de ce texte que nous avons lu dans l'Évangile), ne produit pas de la tristesse, il ne produit pas de la fermeture mais produit de l'ouverture : «Effata ! Ouvre toi !»

et cet homme s'ouvre.

     C'est ce que nous allons essayer de vivre très lentement dans nos propres communautés.

    Alors, nous avons du temps, nous avons du temps, beaucoup de temps.

    Nous n'avons pas d'objectifs, nous ne sommes pas une entreprise, nous ne sommes pas une super société civile, nous n'avons pas à répondre à des échéances courtes pour faire des économies.

        Nous avons beaucoup de temps pour essayer de bâtir une communauté avec différentes communautés : les trois ensembles paroissiaux : Ville sous la Ferté-Bayel-Champignol dont des hommes et des femmes s'identifient, sont là ce matin, à notre messe, l'ensemble paroissial de Ville sur Terre-Jaucourt-Soulaines ou Montier-Lévigny ( ou je ne sais pas quoi, vous me direz) dont des hommes et des femmes s'identifient sont là, et l'ensemble paroissial Bar-sur-Aube-Lignol, dont aussi des membres sont là, ce matin .

       Mais il y a aussi d'autres communautés, il y a la chorale de ceux qui sont du groupe vocal Saint-Pierre, il y a ceux qui chantent d'une certaine manière, il y a les équipes liturgiques, ici, sur Ville sur terre, et puis il y a ceux qui sont au secours catholique, et puis il y a ceux qui vont visiter les malades, et puis il y a ceux qui font du KT.   

     Voyez il y a différentes communautés .

     Et puis il y a les plus aînés et puis les plus jeunes.

     Il y a ceux qui ont connu tel abbé et ceux  qui ont connu tel autre abbé .

    On est vraiment, vraiment plein de communautés.

    Mais toutes ces communautés, elles continuent et elles continueront mais elles vont s'articuler dans une communauté plus vaste parce qu'elles doivent se partager les mêmes moyens.

    Elles doivent se partager les mêmes moyens et parfois même se rendre service les unes les autres car certains, certaines, ont des talents que d'autres n'ont pas.

     Nous avons du temps pour ça.

 

     Alors il vous a été distribué où vous pouvez aussi trouver à la sortie, si vous ne l'avez pas encore reçue, une feuille qui va nous donner des jalons, avec le calendrier des messes (tout le monde regarde le calendrier des messes avec beaucoup d'attention), mais aussi des jalons. Ces jalons entendons-les comme vraiment des repères, je ne vais pas dire qui sont donnés par le Christ (parce que, bon… je ne suis pas le Christ), mais ce sont des repères que l'on va utiliser, et ce sont  des repères un peu de bon sens, pour nous aider les uns les autres.

       Et on va essayer de s'attacher à ces jalons pour avancer et traverser les saisons qui viennent.

 

       "Effata ! Ouvre toi !" Je termine.

      Il est important de faire la vérité personnellement dans notre cœur.

       Essayons de vérifier si nous sommes capables de remercier Dieu, d'ailleurs c'est ce que nous faisons dans chaque eucharistie, une action de grâces (l'eucharistie c'est dire : merci à Dieu). Suis-je capable de le remercier ?   

    Nous aurions des raisons de lui en vouloir et donc de ne pas le remercier, de lui dire : « pourquoi ceci ? Pourquoi cela ? Ma santé, mon mari qui est parti, ma femme qui est décédée, il n'y a plus de prêtres, il faut se déplacer, je n'ai pas de voiture,… » On pourrait lui en vouloir.

       Et on pourrait aussi essayer de reconnaître que Dieu donne, pas nécessairement ce que nous aurions attendu.

        Essayons de faire la vérité en nous et de nous demander personnellement : « ai-je besoin de convertir ma manière de m'adresser à Dieu ? Dois-je apprendre à le remercier ? »

 Car, et c'est ma conclusion, un cœur fermé, sourd et muet, qui serait dans le mutisme ou bien dans la critique ou bien dans la tristesse, c'est un cœur qui va fabriquer une situation de catastrophes autour de lui.

   Ça ne va pas dedans donc ça ne peut pas aller autour. Et tout l'édifice s'écroule.

   C'est : je suis triste donc ça ne va pas, ça ne va pas donc je suis triste, et donc ça ne va pas.

    Voyez, c'est le cercle vicieux.

 

    " Effata ! Ouvre toi ! " c'est : « Toi, adresse à ton Seigneur un merci ».

      Je suis capable de reconnaître ce que Dieu me donne, et si je ne peux pas, je sais que Dieu me donne quelque chose, mais je ne sais pas quoi. Je le remercie.

     Un cœur qui dit merci est un cœur qui s'ouvre et il produit une situation, autour de lui, ouverte à l'avenir.

     Il trouve des moyens pour construire, il essaie de se sortir des impasses, il n'a pas peur d'inventer des alternatives pour avancer.

      Je dis merci à Dieu, la situation autour de moi m'entraîne vers demain. Je suis entraîné vers demain, je dis merci à Dieu et alors j'arrive à bâtir quelque chose.
      Et nous avons besoin chacun de se convertir au fond de nous pour pouvoir bâtir notre communauté de communautés.

Amen. 


Homélie du mardi 1er septembre :


Lc 31, 37: Jésus enseigne à Capharnaüm et guérit un démoniaque. 


Pour comprendre l'effroi de la foule qui est autour de Jésus, alors qu'il est en train d'enseigner le jour du sabbat à Capharnaüm,  il faut comprendre que le langage de Jésus est un langage d'homme.
Il utilise des mots et il épouse une histoire qui est celle de ses contemporains et la nôtre.

Et nous savons bien la force de nos paroles. Nous savons bien combien nos paroles, à l'image de nos cœurs et  nos gestes, si nous n'y prenons pas garde sont plus promptes à détruire qu'à  unir ou construire, ou plus promptes à ligoter plutôt qu'à libérer.

C'est notre condition humaine.

Et donc l'effroi de la foule c'est précisément : dans un langage que chacun comprend, voici une parole qui fait tout l'inverse.

C'est à ce moment-là que les personnes doivent commencer à se demander si ils n'ont pas affaire à quelqu'un d'autre qu'à un homme, quelqu'un qui en plus d'être homme possède une puissance d'origine encore un peu énigmatique.

Il en va pareil dans nos vies.

La Parole de Dieu est une parole audible pour nous donc elle est dans notre langage et elle rentre dans notre histoire, et cette parole est amenée à opérer des miracles ou accomplir des signes.

Osons nous laisser bousculer sans forcément pouvoir comprendre comment ça fonctionne même si c'est dans nos mots, dans notre vocabulaire et si l'effet produit n'est pas le même que si c'était  nous-mêmes qui parlions : ce n'est pas grave.

Laissons-nous bousculer par l'effet produit de la Parole en nous et autour de nous.

Demandons à l'Esprit Saint de nous rendre sensibles à cela.

Demandons à l'Esprit Saint de ne pas nous laisser nous émerveiller trop vite ou fasciner tout du moins par la force du Mal, mais au contraire, à nous laisser interpeller par ces signes et ces paroles qui sont  capables de libérer et de construire. Amen